Abbé Pierre (et les Chiffonniers d'Emmaüs)

  • français
  • 1979-12-05
  • Dauer: 00:42:46

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Beschreibung

L'Abbé Pierre –Henri Grouès selon l'état-civil – est le fondateur des nombreuses communautés de Chiffonniers d'Emmaüs qui hébergent à travers le monde ceux qui n'ont pu s'insérer dans une société dominée par la rentabilité et le profit. Promu malgré lui au rôle de vedette en 1954 pour avoir révélé au public français le scandale des sans–-logis, il est avant tout le compagnon d'hommes et de femmes pour qui il ne cesse d'interpeller les pouvoirs publics et de secouer l'inertie des nantis, dont il réclame le superflu comme un dû et un simple acte de justice.

00:00:00 – 00:00:24 (Séquence 0) : Générique de début du Plans-Fixes consacré à l'Abbé Pierre (Henri Grouès) et tourné à Carouge-Genève le 5 décembre 1979. L'interlocuteur est Michel Bory.
00:00:24 – 00:01:58 (Séquence 1) : L'Abbé Pierre évoque sur demande du journaliste ses souvenirs les plus lointains. Il explique avoir eu une enfance privilégiée : il est né le cinquième de huit enfants, dans une famille qui vivait dans l'aisance.
00:01:58 – 00:04:06 (Séquence 2) : L'Abbé Pierre raconte ce qui lui a donné sa vocation humanitaire : il la doit à son père. Il avait six ou sept ans quand, ayant fait de sottises, il a laissé accuser un de ses frères. Cela s'est su, en conséquence il avait été privé d'aller à une fête chez des cousins, plus aisés encore que sa famille. Le soir, il a refusé que ses frères et soeurs lui racontent l'après-midi merveilleuse qu'ils avaient passée, par bouderie. Son père, malade, lui avait alors fait remarquer qu'il s'agissait là de narcissisme et d'égocentrisme de ne pas être heureux quand les autres le sont. Cet épisode l'a profondément marqué.
00:04:06 – 00:05:29 (Séquence 3) : L'Abbé Pierre raconte un souvenir d'enfance. Un dimanche matin, son père l'a emmené avec un de ses frères de l'autre côté de la ville de Lyon, dans des locaux où il y avait 30 ou 40 mendiants et cinq ou six messieurs de la bonne société lyonnaise qui leur servaient de barbiers-coiffeurs. En même temps, ils déjeunaient et parlaient avec eux, pour les soulager quelque peu de leur malheur.
00:05:29 – 00:09:03 (Séquence 4) : L'interviewer demande à l'Abbé Pierre qui il était avant de devenir cette figure de l'Abbé Pierre. Il répond en expliquant qui il est dans ce qu'on appelle l'Abbé Pierre. Pour lui, il n'est pas une personne différente et rien n'a changé depuis la célébrité des Compagnons d'Emmaüs. Il rappelle que pour être connu, Emmaüs a dû provoquer et mener une insurrection en 1954 et que cela a surtout conduit à une méfiance de la classe politique à son encontre, qui pensait qu'il voulait leur prendre le pouvoir. Le premier ministre français de l'époque a même pensé que l'Abbé Pierre aurait pu prendre le pouvoir à ce moment précis. L'Abbé Pierre est encore stupéfait de s'être trouvé dans cette position. Il dit ne pas s'illusionner à ce sujet et en remercie Dieu : c'est parce que ça leur est arrivé et les a un peu dépassé qu'il n'a pas changé, car rien n'était en proportion de ses actes ou de ceux des Compagnons.
00:09:04 – 00:11:03 (Séquence 5) : L'Abbé Pierre explique qui il était avant d'être l'Abbé Pierre. Il se dit marqué par sa petite enfance et des crises de remises en questions, notamment vers 11-12 ans. Sa famille était de tradition très chrétienne, il allait les jours de pluie au Musée de la propagation de la foi à Lyon, près de la maison de ses parents. Il y avait trouvé un livre sur les institutions missionnaires dans le monde et l'a lu et relu. C'est ainsi qu'il a déclaré à son père un jour qu'il voulait devenir missionnaire. Son père a été très surpris car il était un enfant turbulent. Il n'en a jamais reparlé jusqu'à ses 18 ans, quand il a annoncé à ses parents sa décision de partir dans l'ordre de Saint François d'Assise. Entre ses deux périodes, il a connu une autre crise dans laquelle il a remis en question tout sa foi, reçue par tradition pour aller vers une foi personnelle et inébranlable.
00:11:04 – 00:12:14 (Séquence 6) : L'interviewer parle à l'Abbé Pierre de l'année 1938 et de son expérience de la guerre. Ca a commencé pour lui dans les montagnes de la Savoie, sans combat. Puis, l'unité où il était a été envoyée sur le front d'Alsace, toujours sans combat, car c'était la drôle de guerre. En janvier 1939, il tombe malade d'une pleurésie et est évacué. Il n'a donc pas vraiment participé à la guerre entre 1939 et 1940, quand la France tombe sous le joug allemand.
00:12:16 – 00:13:51 (Séquence 7) : L'Abbé Pierre explique que suite à sa maladie, il quitte l'ordre des capucins et devient prêtre séculier à Grenoble : son évêque l'envoie à la montagne en convalescence, comme aumônier d'hôpital, avant de le rappeler comme vicaire à Grenoble. C'est alors, qu'il se met à aider des juifs à passer en Suisse notamment avec l'aide des soeurs de la Congrégation de Notre Dame de Sion. En 1942, il fait passer un premier convoi par le col du Tour à 3200 mètres d'altitude. Puis quelques mois après, à Saint Julien en Genevois, avec la complicité des douaniers, il fait passer Jacques de Gaulle, le frère du Général et l'oncle d'une des ses belles-sœurs.
00:13:54 – 00:15:01 (Séquence 8) : L'Abbé Pierre raconte ses années de résistance quand, progressivement, cela s'est su qu'il pouvait faire passer les gens en détresse : il sont venus à lui, notamment les jeunes réfractaires au Service du travail obligatoire, le STO, qu'il cachait dans la montagne : ce sont les prémices de l'armée du Vercors. A l'est du massif du Vercors, l'abbé Pierre est un des premiers à organiser des maquis, même s'il n'a jamais eu à tuer : cela ne l'empêche pas d'avoir soutenu les combattants et d'accepter ce mal nécessaire.
00:15:04 – 00:16:53 (Séquence 9) : L'Abbé Pierre raconte qu'il a dû intervenir quand il était député au parlement pour défendre les objecteurs de conscience. Bien qu'il ne l'ait pas été lui-même, il n'est pas sûr d'avoir le courage de l'authentique objecteur, qu'il ne définit pas comme un non violent ou un lâche, mais quelqu'un qui défendrait autrui si besoin était. Il fait une référence à la pratique du judo pour ce type de défense. Il se dit mal à l'aise devant certaines revendications d'objection de conscience, qui s'éloigne de l'engagement de ce qu'il appelle une forme d'héroïsme, l'objection de conscience au premier degré, à savoir le refus de subir et d'être passif devant l'indignité. Il revient à la guerre, pour dire que s'il n'a pas tué, il a été solidaire de ceux qui ont dû le faire, car ceux qui l'ont fait protégeaient des victimes.
00:16:56 – 00:18:54 (Séquence 10) : L'interviewer demande à l'Abbé Pierre si son engagement dans les maquis l'a amené à son engagement dans la politique. Il est en effet devenu député, ce qu'il n'a jamais voulu au départ. Il explique que pendant la guerre, il a été arrêté avant de s'évader et qu'après cela, l'autorité de la Résistance lui a demandé de rejoindre Alger pour obtenir des renforts pour l'armée de Vercors. Il a donc traversé les Pyrénées, l'Espagne, puis caché dans un sac postal en avion pour rejoindre Alger. Cela a été refusé à cause d'une décision de Churchill. Il s'est alors réengagé, mais on l'a refusé au combat à cause de sa santé. Il a alors été envoyé au Maroc comme aumônier de l'Ecole navale et de la Flotte atlantique. Puis à la fin de la guerre, le ministre de la marine l'a rappelé à Paris pour diriger l'action sociale de [louanderie] de la marine. Il explique qu'avec son nom de résistant d'Abbé Pierre, plusieurs de ses amis ne savaient pas qu'il était rentré à Paris. C'est en les croisant au détour d'une rue, qu'ils préviennent le cardinal de Paris et le proposent comme tête de liste à Nancy et Rennes. Il accepte pour témoigner. Il devient candidat puis député pour la Lorraine pendant trois ans.
00:18:58 – 00:21:39 (Séquence 11) : L'Abbé Pierre explique que ce sont les circonstances de la résistance et de l'après-guerre qui ont entraîné son entrée en politique. Il est convaincu de ne pas avoir été un bon député. Mais il l'a fait pour témoigner, servir les autres et rappeler les injustices. Il dit avoir été aussi appelé à un autre témoignage pendant cette période : celle du mouvement des communautés d'Emmaüs. Il raconte que des gens désespérés venaient lui demander de l'aide et il les hébergeait dans sa maison de député, alors même qu'il se battait pour mettre en place des lois permettant aux plus pauvres d'avoir droit au logement. Il a fait construire sans permis à cette époque des maisons pour ces gens, mettant ainsi dans l'embarras le ministre du logement, un ami de guerre. On n'ose pas l'emprisonner en effet à cause du personnage qu'il représente et du fait qu'il est un élu parlementaire. Mais, lui répond au ministre qu'il préfère voir les gens vivre illégalement plutôt que de mourir légalement. Il trouve illégale une loi qui empêche les gens d'avoir un toit, si désargentés qu'ils fussent. Il se bat pour un gouvernement politique qui aide les plus faibles.
00:21:43 – 00:25:44 (Séquence 12) : L'Abbé Pierre raconte son passage de député et prêtre à chiffonnier. Pendant qu'il était au Parlement, il a restauré sa maison de fonction, délabrée mais grande. Il parle de sa totemisation scout pendant son enfance, où il avait été totemisé Castor Méditatif, pour expliquer son côté bâtisseur. Une fois la maison achevée, il lui a donné le nom d'Emmaüs, sans savoir ce que cela entraînerait. Il l'a donné, car sa première utilisation a été une auberge internationale de la jeunesse. A l'époque il était élu président du comité exécutif du mouvement fédéraliste mondial. Le président en était Lord Boyd Orr, le fondateur de la FAO et la vice-présidente, Elisabeth Borgese, la fille de Thomas Mann. Cette charge conduisait l'Abbé Pierre à beaucoup voyager et à rencontrer la jeunesse, pour laquelle il a eu envie de s'investir. Comme ces jeunes voulaient visiter la France, il les accueillait chez lui. Il rappelle le contexte de désarroi total d'après-guerre. Relisant l'évangile des disciples d'Emmaüs, il repensait à ces hommes qui avait eu l'illusion du Christ roi et miraculé, avant d'être ramenés à une vision plus juste et pour lui cette parabole correspondait à ce que vivaient les gens après la guerre. C'est comme cela que l'Abbé Pierre a nommé son centre d'accueil : pour enseigner aux gens la désillusion enthousiaste, la sortie de l'illusoire pour ne faire qu'un avec l'amour de Dieu.
00:25:49 – 00:27:13 (Séquence 13) : L'Abbé Pierre parle de la création de la Communauté d'Emmaüs. Il raconte comment une famille s'est faite expulser et est venue le trouver. Il les a hébergés dans la pièce où il disait la messe, car c'était pendant les fêtes de Noël et la maison était plein de jeunes. Cela a beaucoup choqué mais pour lui, c'était logique car il pense que Dieu a froid dans les membres gelés de ses fidèles plutôt que dans le fait d'avoir son saint sacrement dans une pièce non chauffée. Après il a acheté un terrain à crédit et à commencer à leur construire une maison. Cela s'est su et une multitude est venue lui demander de l'aide, si bien qu'il n'a plus pu faire face.
00:27:19 – 00:30:03 (Séquence 14) : L'Abbé Pierre raconte l'anecdote d'un homme désespéré qui avait tenté de se suicider après être sorti de 20 ans de bagne, pour le meurtre de son père dans un moment de folie. Il est allé lui parler et pour lui donner l'envie de vivre, lui a demandé de se mettre au service des autres, puisqu'il ne voulait plus de sa vie en propre. Selon l'Abbé Pierre c'était un acte d'égoïsme de sa part car il ne pouvait pas le soulager en lui donnant. Or, c'est le fondement du mouvement Emmaüs : demander aux gens de donner aux autres. C'est comme ça que tout a commencé : Georges est devenu le premier Compagnon d'Emmaüs.
00:30:09 – 00:31:31 (Séquence 15) : L'Abbé Pierre raconte comment cela s'est su qu'il vivait avec un assassin pour aider les pauvres et construisait des maisons sans permis, alors qu'il était député. C'était la genèse d'Emmaüs. Bientôt, il n'y avait plus de place pour la jeunesse chez l'Abbé Pierre, dont la maison était une auberge de jeunesse, elle s'était remplie de nécessiteux et de gens qui aidaient à bâtir des maisons pour eux. A l'époque tout ce monde vivait avec l'argent de son mandat de député, mais quand il a quitté le Parlement, suite à son refus de cautionner la loi sur les apparentements, il a fallu se financer autrement. A l'époque, ils étaient 18 compagnons qui bâtissaient tout un village : ils ont alors vendu tout ce qu'il y avait dans la maison. Puis, l'Abbé Pierre s'est mis à mendier et cela s'est su : ils sont tous devenus chiffonniers.
00:31:38 – 00:33:51 (Séquence 16) : L'Abbé Pierre explique comment les Compagnons d'Emmaüs sont devenus chiffonniers pour vivre et aider les pauvres. Progressivement, le nombre de solliciteurs et de compagnons a crû et des règles, notamment sur le partage, se sont instaurées. Au moment où il parle, l'Abbé Pierre explique qu'il y a plus de 100 communautés à travers le monde. Il explique le but d'Emmaüs : travailler pour aider les autres, faire du bénéfice pour donner toujours plus et provoquer la société pour qu'elle donne à son tour.
00:33:59 – 00:35:24 (Séquence 17) : L'Abbé Pierre raconte l'hiver 1954 : les gens mourraient de froid dans les rues, étaient expulsés, etc. Les compagnons aidaient ces gens, mais étaient submergés par la demande et ont lancé l'insurrection de l'hiver 1954. D'abord, suite à la mort d'un bébé par le froid, ils ont envoyé une lettre au ministre de la construction pour le mettre en demeure d'aller à son enterrement. Puis, l'Abbé Pierre a lancé un appel à la radio pour appeler au secours. Certains politiques ont cru qu'avec cette insurrection il voulait prendre le pouvoir, ce qui est faux.
00:35:32 – 00:36:33 (Séquence 18) : L'Abbé Pierre parle de la quatrième rencontre au Danemark du Mouvement Emmaüs, rassemblant 120 personnes de 28 nations. Il se remémore la première rencontre, dix ans auparavant au palais des états du parlement à Berne. Le gouvernement suisse l'avait prêté au mouvement pendant les trois jours de Pentecôte. C'est là qu'a été adopté le manifeste universel d'Emmaüs. Deux ans après au Canada, lors de la deuxième rencontre, les statuts de l'organisation internationale ont été adoptés. Puis, la troisième à Paris a vu s'organiser le secrétariat général et le centre d'information et de documentation pour le vingt-cinquième anniversaire d'Emmaüs.
00:36:41 – 00:38:37 (Séquence 19) : L'Abbé Pierre définit l'action d'Emmaüs : une toute petite très grande chose, car en termes de rayon d'action c'est très peu, mais c'est grand en termes d'âme et d'intention. Il rattache ceci au grand but de la vie et aux événements politiques de son époque comme l'ambassade américaine et le massacre du Cambodge ; et aux chefs d'états comme Amin dada, Bokassa ou le shah d'Iran, qui sont jugés pour leur crimes par d'autres chefs d'états pas plus innocents. Tout cela pour dire que les grands et forts ne doivent pas protéger les autres grands, mais les faibles. Il explique que pour lui, la liberté n'est pas dans les actes permis ou interdits, mais dans la capacité à aimer.
00:38:46 – 00:39:26 (Séquence 20) : L'Abbé Pierre pense que chacun, depuis le plus jeune âge, ne cesse de se demander pourquoi, pourquoi vivre, pourquoi agir et dans quel but. On lui répond le plus souvent par des astuces, par des trucs. On ne lui dit jamais pour quoi, mais par quoi. L'Abbé Pierre estime que l'on évite ainsi de chercher ensemble en quoi consiste le but de l'existence. Pour lui, il faut vivre pour trouver un peu de temps où, si on le souhaite, on pourra apprendre à aimer.
00:39:36 – 00:40:34 (Séquence 21) : L'Abbé Pierre philosophe sur la vie et la mort : pour lui, quand la vie finit, l'homme se voit tel qu'il s'est fait. Le jugement n'est pas comme dans un tribunal arbitraire, mais porte sur ce qui a constitué le parcours humain, si la personne a été suffisante ou communiante. Pour lui, la damnation est dans la suffisance et le désespoir. Pour entrer dans la lumière, il faut communier et refuser d'être heureux sans les autres. Il faut aimer : être plus hors de soi en donnant.
00:40:44 – 00:42:14 (Séquence 22) : L'Abbé Pierre définit l'amour comme l'être même de Dieu : aimer c'est quand on souffre de voir l'autre souffrir et qu'on fait sien son mal. C'est comme ça qu'on entre en communion avec l'amour absolu et infini dans le toujours de l'au-delà du temps, c'est à dire le divin. Il conclut en disant qu'il pense que le monde attend aujourd'hui qu'on lui montre que Dieu n'est pas un tout puissant dominateur ; mais que, parce qu'il est amour, Dieu est le tout puissant captif de l'humanité qu'il aime.
00:42:25 – 00:42:35 (Séquence 23) : Générique de fin du Plans-Fixes consacré à l'Abbé Pierre (Henri Grouès) et tourné à Carouge-Genève le 5 décembre 1979.
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