Marie-Christine Mikhaïlo (De la haute bourgeoisie scandinave à l'anarchisme)
- français
- 1995-10-03
- Dauer: 00:52:16
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Beschreibung
Née en Finlande, mariée à un diplomate finlandais, grand serviteur de l'Etat, mère de cinq enfants, Marie-Christine Mikhaïlo nous reçoit dans sa maison de Beaumont, à Lausanne, refuge auquel on est toujours revenu dans sa famille. C'est aussi Beaumont qui accueille le Centre International de Recherches sur l'Anarchisme, que M.–-Ch. Mikhaïlo, aidée de sa fille, anime avec une belle énergie. Cette histoire de passage nous est contée avec une fraîcheur et un enthousiasme intacts.
00:00:00 – 00:00:22 (Séquence 0) : Générique de début du Plans-Fixes consacré à Marie-Christine Mikhaïlo et tourné à Lausanne le 3 octobre 1995. L'interlocuteur est Bertil Galland.
00:00:22 – 00:01:44 (Séquence 1) : L'interlocuteur se trouve avec Marie-Christine Mikhaïlo dans sa maison à Beaumont, une maison qui a joué un rôle très important dans sa vie. Elle explique qu'elle a passé une partie de sa jeunesse dans cette maison, et elle y est revenue ensuite comme dans un havre. Une maison avec son jardin qui a une âme et qui a résisté à l'urbanisation. C'est une maison d'accueil. Elle a été une pension mais elle a aussi accueilli des personnes qui en avaient besoin : des objecteurs de conscience, des ex-prisonniers, des personnes qui étaient en difficulté.
00:01:44 – 00:03:51 (Séquence 2) : Marie-Christine Mikhaïlo explique que son grand-père Jean-Elie David était Genevois et avait de lointaines origines française. Il était grand ami de Théodore Flournoy, psychiatre connu, grâce auquel il a connu sa future femme qui habitait à Beaumont. Il est venu à Lausanne, et est devenu professeur d'histoire à l'école Vinet. Il s'intéressait à l'astronomie, il a travaillé à l'observatoire. Il était croyant, calviniste, mais pas pratiquant. Il était un chrétien au sens large, tolérant et généreux. Il chantait souvent. Il a écrit un livre sur Jésus, "Réflexion d'un Chrétien convaincu" qu'il n'a pas signé. Il était très modeste. Il était critique envers l'Eglise protestante.
00:03:52 – 00:05:23 (Séquence 3) : Marie-Christine Mikhaïlo dit que son grand-père et sa femme qui habitaient la maison de Beaumont, ont repris l'activité des parents de cette dernière. Ils tenaient une pension, ouverte pour les jeunes qui venaient étudier ou apprendre le français. Ils accueillaient des étrangers mais aussi des Suisses allemands, comme les Reinhart de Winterthur, les Sulzer. Sa grand-mère était une bourgeoise conformiste, ce qui créait des discussions animées sur des questions sociales, sur l'habillement, sur ce qui est convenable ou non.
00:05:24 – 00:07:57 (Séquence 4) : Marie-Christine Mikhaïlo explique que, dans la pension de ses grands-parents, un jeune juriste finlandais était arrivé. Il venait d'une famille aristocratique suédoise, des familles où l'on parlait facilement français. En 1905, il s'est fiancé avec la fille aînée de ses grands-parents, ce qui n'a pas été bien vu dans les deux familles. En 1911, ils se sont mariés et sont partis vivre en Finlande qui, après avoir été une province suédoise, était à l'époque un grand duché de Russie. Les Finlandais vivaient mal cette situation et aspiraient à une indépendance jamais connue.
00:07:58 – 00:09:22 (Séquence 5) : Marie-Christine Mikhaïlo explique être née en 1916 en Finlande qui était sous domination russe. La Finlande avait néanmoins gardé sa monnaie, ses passeports, ses populations avec leurs langues, les Finnois et une minorité suédoise. La Finlande est peu connue, c'est un beau pays avec beaucoup d'eau, avec un grand nombre d'îles et de lacs. Entre la Suède et la Finlande, il y a le plus riche archipel du monde. Elle y a passé ses vacances d'enfance et de jeunesse. Ses grands-parents avaient une maison à la campagne, une sorte de Datcha. Elle a gardé un souvenir inoubliable de la beauté du paysage.
00:09:24 – 00:10:28 (Séquence 6) : Marie-Christine Mikhaïlo dit que sa famille finnoise, des aristocrates suédois, avait réagi face à la révolution russe en étant du côté des blancs. En Finlande, la révolution a eu de graves conséquences, avec des combats entre rouges et blancs. Ces derniers étaient guidés par le Maréchal Manarei. Les blancs ont gagné et ont déclaré l'indépendance de la Finlande en 1917. Elle a été reconnue par le Traité de Versailles en 1919.
00:10:30 – 00:12:57 (Séquence 7) : Marie-Christine Mikhaïlo indique que son père est mort à Paris, lors de la signature du Traité de Versailles en 1919. En tant que jeune juriste, il assistait le ministre finnois. Sa mère est restée avec ses deux enfants en Finlande. Elle avait appris le suédois et le finnois. Ils vivaient dans un esprit très patriotique et antirusse. A cause de difficultés, sa mère a décidé de rentrer à Beaumont. Marie-Christine Mikhaïlo avait 11 ans. De retour en Suisse, sa mère qui avait l'habitude de parler à ses enfants en français a décidé d'adopter le suédois pour qu'ils gardent la langue. Ceci leur a donné plus de facilité pour apprendre d'autres langues plus tard.
00:13:00 – 00:14:44 (Séquence 8) : Marie-Christine Mikhaïlo dit qu'à ses 17 ans, elle est tombée amoureuse de Pierre Dudan, futur chanteur, qui était dans une classe supérieure au collège. Ils étaient amoureux et leurs mères en étaient préoccupées. Son amour était chaste, raison pour laquelle il a duré toute sa vie. Sa mère a voulu les éloigner. Elle l'a envoyée en Finlande, où elle avait déjà l'habitude de passer ses étés. Elle gardait un très beau souvenir du pays, elle n'était donc pas mécontente de partir.
00:14:47 – 00:17:06 (Séquence 9) : Marie-Christine Mikhaïlo explique que sa mère l'a envoyée en Finlande avec l'idée de la marier avec quelqu'un de convenable. Elle pensait au diplomate Ralph Enckell, fils du ministre des Affaires étrangères. Ils se sont effectivement mariés. Le milieu de la diplomatie l'obligeait à faire attention à ses fréquentations, à sa manière de parler et à sa tenue. Elle était très loin de l'anarchisme. Elle a dû apprendre les règles mondaines. Dans la pension de ses grands-parents à Beaumont, elle vivait avec les pensionnaires comme dans une grande famille. A 26 ans, elle était mère de quatre garçons. Les deux derniers étaient nés sous les bombes de la guerre russo-finlandaise en 1939.
00:17:10 – 00:18:30 (Séquence 10) : Marie-Christine Mikhaïlo explique que les conditions de vie pendant la guerre étaient très dures. Elle habitait avec sa famille à Helsinki, au bord de la mer. Les avions russes arrivaient de l'Estonie qui était occupée. Avec la guerre, leur sens patriotique et leur sens de l'Etat se sont accentués. La question du ravitaillement était difficile. Marie-Christine Mikhaïlo a été évacuée en Suède, comme beaucoup de femmes avec enfants. La Suède s'est montrée très accueillante. Par la suite, en 1944, son mari a été nommé à l'ambassade de Stockholm où ils se sont installés. Ils ont ainsi échappé aux pires bombardements et aux difficultés de la vie qui s'en suivaient.
00:18:34 – 00:19:39 (Séquence 11) : Marie-Christine Mikhaïlo dit qu'elle parlait français à ses enfants et en famille. Son mari avait été élevé en grande partie à Paris. Ses enfants ont commencé l'école à Stockholm. A cette période, son opinion politique ne connaissait pas de développement, elle était une ménagère, elle s'occupait surtout de ses enfants et honorait ses obligations de femme de diplomate. Elle devait faire attention à ne pas fréquenter des personnes qui pouvaient devenir des ennemis par la suite. La guerre n'était pas encore finie. Une situation qui l'empêchait d'avoir un esprit indépendant.
00:19:43 – 00:20:57 (Séquence 12) : Marie-Christine Mikhaïlo explique que son mari a été nommé diplomate à Paris en 1946. Elle a eu un dernier enfant, une fille, à Stockholm. Elle a eu en tout cinq enfants. Paris a été un lieu de nouvelles découvertes. Leur mariage n'allait pas bien et son mari l'a quittée. Elle est restée à Paris, car elle ne savait pas où aller et quoi faire. Elle n'avait pas de formation professionnelle.
00:21:01 – 00:22:29 (Séquence 13) : Marie-Christine Mikhaïlo indique que Paris avait encore des problèmes de ravitaillement dans les années qui ont suivi la fin de la guerre. Aussi, des Français revenaient des camps de concentration et racontaient leur expérience. Elle s'est prise d'amitié avec une femme qui avait été enfermée dans le camp de Ravensbrück. Elle lui avait demandé de noter ce qu'elle racontait. A travers son histoire, elle a vécu une expérience bouleversante. Elle a commencé à avoir des notions sur le nazisme alors que le communisme était encore très vague. Son amie s'est suicidée tellement il était difficile de vivre avec ses souvenirs.
00:22:34 – 00:24:13 (Séquence 14) : Marie-Christine Mikhaïlo a connu un grand désarroi en même temps qu'un grand soulagement à la fin de son mariage. Son mari était une personne intelligente qui parlait plusieurs langues. Elle avait vécu en dehors de sa réalité. Il n'avait pas réussi à faire d'elle une grande dame, une femme de diplomate. Ils étaient à Paris au moment de leur séparation mais c'est un tribunal finlandais qui a prononcé le divorce car ils étaient des extraterritoriaux et ne dépendaient pas de l'Etat français. Elle a obtenu la garde des enfants ce qui a été précieux pour elle car elle s'est réalisée dans son rôle de mère.
00:24:18 – 00:25:14 (Séquence 15) : Marie-Christine Mikhaïlo s'être retrouvée seule avec ses cinq enfants à Paris en 1948-1949. Ses enfants aînés avaient commencé l'école en Suède, les autres à Paris. Elle n'avait pas de formation professionnelle et elle ne voulait pas retourner en Finlande, dans la famille de son mari dont elle venait de se séparer. Elle s'est donc réfugiée à Beaumont, lieu où elle vit encore actuellement. Sa mère et ses tantes tenaient encore la pension, elles avaient gardé l'esprit ouvert et généreux et l'ont accueillie sans problème.
00:25:20 – 00:26:31 (Séquence 16) : Marie-Christine Mikhaïlo explique que l'une de ses tantes était la veuve de Pierre Cérésole. Connu en Suisse romande, il était pacifiste et objecteur de conscience. Il a été décrié à cause de ses idées. Bien que croyant, il avait critiqué l'attitude de l'Eglise vis-à-vis des objecteurs de conscience. Sa tante, Lise Cérésole, était ouverte aux idées pacifistes et accueillait des objecteurs de conscience. Elle faisait des chantiers de service civil. Elle a eu une grande influence sur son esprit et celui de ses enfants.
00:26:37 – 00:28:02 (Séquence 17) : Marie-Christine Mikhaïlo dit avoir repris la pension de famille de Beaumont. Entre son arrivée et la reprise de la pension, elle a été mariée avec un médecin suisse. Elle a pu reprendre la nationalité suisse. Sa tante Pierrette qui n'avait pas eu d'enfants l'a laissée reprendre la pension. Avec la jeunesse qui habitait là, c'était une vie gaie. Ses enfants devenus grands ont commencé à partir. Sa mère vivait encore à la pension et l'aidait.
00:28:08 – 00:29:46 (Séquence 18) : Marie-Christine Mikhaïlo explique qu'à la pension séjournaient des objecteurs de conscience. Sa tante Lise n'habitait plus là mais elle lui demandait de les accueillir. C'est à ce moment qu'elle a connu un anarchiste, Pietro Ferrua, italien et objecteur de conscience, recherché en Italie. Il a fait des études à Genève, à l'école d'interprète. Il a été aidé par sa tante Lise Cérésole et par le milieu quaker qui étaient pacifistes. Il lui envoyait des journaux anarchistes et lui demandait des comptes-rendus des journaux suédois. Ce fut son premier contact avec la littérature anarchiste. Ceci a joué un rôle important dans sa vie.
00:29:53 – 00:32:04 (Séquence 19) : Marie-Christine Mikhaïlo explique que Pietro Ferrua était entré en contact avec des milieux anarchistes de Genève dont il a réuni les archives. Il avait connu de nombreuses personnes : un entrepreneur, André Bösiger, qui a récemment publié ses mémoires, Lucien Tronchet, syndicaliste repenti de l'anarchisme, les responsables d'une bibliothèque anarchiste, "Germinal". Pietro Ferrua a essayé de sauver ce matériel qui risquait de se perdre. Il n'avait pas beaucoup de moyens ni d'espace. André Bösiger, qui avait une entreprise de démolition, lui avait trouvé un lieu à la Rue des Granges pour déposer le matériel. La fille de Marie-Christine Mikhaïlo, qui faisait des études à Genève, l'a aidé à les classer. En lisant, elle s'est formée à l'anarchisme. Par le biais de sa fille, elle a fait des lectures aussi. C'est ainsi que sa conscience politique s'est formée.
00:32:11 – 00:34:33 (Séquence 20) : Marie-Christine Mikhaïlo dit qu'au début son intérêt pour l'anarchisme était lié à ce qui touchait aux prisons. A Genève, il y avait eu un attentat contre le Consulat d'Espagne, perpétré par de jeunes anarchistes qui fréquentaient la bibliothèque anarchiste. La bibliothèque s'appelait Centre international de recherche sur l'anarchisme. Dans le groupe de l'attentat, il y avait Langendorf et Frochaux. Le procès aux assises de Genève, un an après, a donné lieu à une critique du franquisme. Les messages qui venaient des incarcérés en Espagne ainsi que l'argent envoyé pour payer les avocats des jeunes anarchistes genevois l'ont émue. Sa première critique des institutions de l'Etat a été une critique de la justice. Elle a fait aussi plusieurs lectures. Elle pense que l'attrait pour l'anarchie vient de lectures, même pour les militants de milieux plus pauvres. C'est pour cette raison que le rassemblement de textes et documents est important, pour garder en vie l'idée anarchiste et la mémoire du mouvement : un mouvement ouvrier aidé par personne, surtout pas par les communistes et moins encore par les bourgeois.
00:34:41 – 00:37:31 (Séquence 21) : Marie-Christine Mikhaïlo dit avoir rencontré, dans la petite bibliothèque anarchiste, un anarchiste réfugié bulgare qui vivait à Paris. Le mouvement anarchiste bulgare est important. Un mouvement qui a dû d'abord lutter contre le fascisme et ensuite contre le communisme. Ils se sont mariés. Après l'attentat contre le Consulat d'Espagne, la police a mis ses griffes sur les responsables de la bibliothèque, le Centre international d'étude de l'anarchisme, CIRA, qui était considéré comme une officine du terrorisme. Pietro Ferrua a été expulsé et il est parti au Brésil, dans le pays de sa femme. Tenant la pension à Beaumont, Marie-Christine Mikhaïlo a transporté le matériel de la bibliothèque dans une chambre qui s'était libérée, avec l'aide de sa fille Marianne et de André Bösiger.
00:37:39 – 00:38:43 (Séquence 22) : Marie-Christine Mikhaïlo dit qu'elle avait transporté depuis Genève, dans sa pension à Beaumont, le Centre international de recherches sur l'anarchisme, le CIRA. Celui-ci a commencé à avoir des correspondants et des collaborateurs, des amis, des personnes d'ici et d'ailleurs. Les archives du CIRA sont les seules spécialisées dans l'anarchisme. Le centre était fréquenté par des chercheurs, des militants, des curieux et des journalistes qui, par exemple, voulaient se documenter après mai 1968, des visiteurs qui ont parfois été logés à la pension, ce qui est aujourd'hui encore fréquent, à la pension et chez Marianne sa fille qui habite à l'étage.
00:38:52 – 00:40:08 (Séquence 23) : Marie-Christine Mikhaïlo dit que le CIRA, Centre international de recherches anarchistes, est constitué actuellement de 12000 livres, en plus de 20 langues. Il y a plus de 2000 titres de revues anciennes et 200 actuelles qu'elle reçoit chaque mois. Les éditeurs et les auteurs lui envoient des livres. D'anciens militants décédés lui lèguent leurs documents. Pour répondre à une question de l'interlocuteur, elle précise qu'elle porte le quatrième nom de sa vie, ce qui est un peu gênant par rapport à l'état civil et les changements de documents officiels.
00:40:17 – 00:42:00 (Séquence 24) : Marie-Christine Mikhaïlo explique que le financement du CIRA, Centre international de recherches sur l'anarchisme, est un problème. Etant anarchistes et contre l'Etat, ils ne peuvent s'adresser à lui pour lui demander un soutien. L'argent vient de ses membres, il y a une cotisation annuelle pour l'emprunt des livres. Ceux qui travaillent sur place, elle, sa fille et d'autres, sont bénévoles. Ils ont quelques sponsors, un vieil ami anarchiste italien réfugié au Canada. Après son décès, ils ne savaient pas comment continuer. Ils ont besoin de professionnalisme pour la bibliothèque et le catalogage, et ils voudraient passer à l'informatique.
00:42:10 – 00:42:26 (Séquence 25) : Marie-Christine Mikhaïlo explique que le CIRA, Centre international de recherches sur l'anarchisme, est le seul centre spécialisé sur l'anarchisme et le seul qui prête des documents à l'extérieur.
00:42:37 – 00:44:19 (Séquence 26) : L'interlocuteur rappelle que pour les autorités le CIRA, Centre de recherches sur l'anarchisme, est un foyer d'idées explosives. Marie-Christine Mikhaïlo dit que rien de vraiment explosif n'est arrivé dans le centre. Il y a eu des visites de Daniel Cohn-Bendit, après Mai 1968. Il était venu avec son frère Gabi et des membres du groupe 22 mars, qui était à l'origine de Mai 68. Daniel était interdit de séjour en France, il avait une formation anarchiste. Ils ont organisé des soirées de discussion sur l'école, sur l'autorité dans la famille, sur l'autorité en général. Les anarchistes sont contre l'autorité imposée et non contre l'autorité de compétence. Ils refusent l'autorité des parents dans l'enfance, "l'autorité usurpée", selon l'expression de Daniel Guérin, historien de l'anarchisme qui venait souvent dans le centre.
00:44:30 – 00:46:28 (Séquence 27) : L'interlocuteur demande à Marie-Christine Mikhaïlo quelle est sa position vis-à-vis de la violence dans l'anarchisme. Il rappelle que l'attentat de Langendorf et Frauchaux n'a pas fait de victimes mais d'autres attentats anarchistes ont causé la mort. Elle répond que vers la fin des années 1890, il y a eu des attentats anarchistes, les plus célèbres étaient ceux de Ravachol. Il y a eu des attentats vers 1911 de la "bande à Bonnot", traitée trop rapidement d'anarchiste. Elle explique que lorsqu'elle parle d'anarchisme, elle le fait en son propre nom, personne ne peut parler au nom des anarchistes car chacun est libre de dire ce qu'il pense. Elle est, dans la mesure du possible, contre la violence même si ce n'est pas toujours possible car on se laisse parfois dépasser par son tempérament. La question des attentats ne l'intéresse pas. La violence pourrait s'expliquer dans le cadre de régimes trop musclés, totalitaires. Elle a étudié les techniques non-violentes avec les pacifistes, à travers des textes anarchistes non violents. L'interlocuteur remarque une filiation entre le temps de Cérésole et celui de Ferrua. Elle acquiesce, le pacifisme, la non-violence et l'anarchisme se sont suivis.
00:46:39 – 00:48:32 (Séquence 28) : L'interlocuteur demande à Marie-Christine Mikhaïlo quel a été le rôle de la police fédérale autour de la maison de Beaumont. Elle explique que lors de la guerre d'Algérie, ils ont hébergé des Algériens recherchés. Elle a subi des interrogatoires au Département de justice et police. Par les questions posées, elle s'apercevait que la police ne connaissait rien de l'anarchisme. Plus tard, elle a appris avec d'autres militants qu'ils étaient fichés régulièrement, qu'ils étaient sous surveillance. Dans les fiches, il y a des erreurs. La police les a filmés et photographiés. Son téléphone et son courrier étaient sous surveillance. Elle a éprouvé un sentiment désagréable à la lecture de ce matériel. Elle ne s'en était pas rendu compte même si elle s'en doutait.
00:48:44 – 00:51:32 (Séquence 29) : Marie-Christine Mikhaïlo dit avoir trouvé des réponses sur la religion, le mariage, l'éducation, la justice, au fur et à mesure qu'elle avançait dans ses lectures anarchistes. Le caractère des anarchistes l'a séduite. Elle compare ses amis anarchistes aux membres d'une paroisse. L'anarchie est une fraternité. Il y a une liberté d'être et un grand respect de l'autre. L'humour est très présent aussi, les anarchistes sont souvent des bons joyeux. Certains souffrent ou ont souffert à cause de leurs idées, le martyrologe des anarchistes est impressionnant. Elle se considère comme gardienne de leur mémoire. Elle a trouvé dans l'anarchisme un bonheur de connaissance et une clé à la compréhension de la politique, à ce qu'est un parti politique. Les anarchistes sont les seuls qui envisagent une société différente sans vouloir prendre le pouvoir. Kropotkine disait que le pouvoir corrompt et c’est une idée qui lui paraît juste.
00:51:44 – 00:52:04 (Séquence 30) : Générique de fin du Plans-Fixes consacré à Marie-Christine Mikhaïlo et tourné à Lausanne le 3 octobre 1995.
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00:00:00 – 00:00:22 (Séquence 0) : Générique de début du Plans-Fixes consacré à Marie-Christine Mikhaïlo et tourné à Lausanne le 3 octobre 1995. L'interlocuteur est Bertil Galland.
00:00:22 – 00:01:44 (Séquence 1) : L'interlocuteur se trouve avec Marie-Christine Mikhaïlo dans sa maison à Beaumont, une maison qui a joué un rôle très important dans sa vie. Elle explique qu'elle a passé une partie de sa jeunesse dans cette maison, et elle y est revenue ensuite comme dans un havre. Une maison avec son jardin qui a une âme et qui a résisté à l'urbanisation. C'est une maison d'accueil. Elle a été une pension mais elle a aussi accueilli des personnes qui en avaient besoin : des objecteurs de conscience, des ex-prisonniers, des personnes qui étaient en difficulté.
00:01:44 – 00:03:51 (Séquence 2) : Marie-Christine Mikhaïlo explique que son grand-père Jean-Elie David était Genevois et avait de lointaines origines française. Il était grand ami de Théodore Flournoy, psychiatre connu, grâce auquel il a connu sa future femme qui habitait à Beaumont. Il est venu à Lausanne, et est devenu professeur d'histoire à l'école Vinet. Il s'intéressait à l'astronomie, il a travaillé à l'observatoire. Il était croyant, calviniste, mais pas pratiquant. Il était un chrétien au sens large, tolérant et généreux. Il chantait souvent. Il a écrit un livre sur Jésus, "Réflexion d'un Chrétien convaincu" qu'il n'a pas signé. Il était très modeste. Il était critique envers l'Eglise protestante.
00:03:52 – 00:05:23 (Séquence 3) : Marie-Christine Mikhaïlo dit que son grand-père et sa femme qui habitaient la maison de Beaumont, ont repris l'activité des parents de cette dernière. Ils tenaient une pension, ouverte pour les jeunes qui venaient étudier ou apprendre le français. Ils accueillaient des étrangers mais aussi des Suisses allemands, comme les Reinhart de Winterthur, les Sulzer. Sa grand-mère était une bourgeoise conformiste, ce qui créait des discussions animées sur des questions sociales, sur l'habillement, sur ce qui est convenable ou non.
00:05:24 – 00:07:57 (Séquence 4) : Marie-Christine Mikhaïlo explique que, dans la pension de ses grands-parents, un jeune juriste finlandais était arrivé. Il venait d'une famille aristocratique suédoise, des familles où l'on parlait facilement français. En 1905, il s'est fiancé avec la fille aînée de ses grands-parents, ce qui n'a pas été bien vu dans les deux familles. En 1911, ils se sont mariés et sont partis vivre en Finlande qui, après avoir été une province suédoise, était à l'époque un grand duché de Russie. Les Finlandais vivaient mal cette situation et aspiraient à une indépendance jamais connue.
00:07:58 – 00:09:22 (Séquence 5) : Marie-Christine Mikhaïlo explique être née en 1916 en Finlande qui était sous domination russe. La Finlande avait néanmoins gardé sa monnaie, ses passeports, ses populations avec leurs langues, les Finnois et une minorité suédoise. La Finlande est peu connue, c'est un beau pays avec beaucoup d'eau, avec un grand nombre d'îles et de lacs. Entre la Suède et la Finlande, il y a le plus riche archipel du monde. Elle y a passé ses vacances d'enfance et de jeunesse. Ses grands-parents avaient une maison à la campagne, une sorte de Datcha. Elle a gardé un souvenir inoubliable de la beauté du paysage.
00:09:24 – 00:10:28 (Séquence 6) : Marie-Christine Mikhaïlo dit que sa famille finnoise, des aristocrates suédois, avait réagi face à la révolution russe en étant du côté des blancs. En Finlande, la révolution a eu de graves conséquences, avec des combats entre rouges et blancs. Ces derniers étaient guidés par le Maréchal Manarei. Les blancs ont gagné et ont déclaré l'indépendance de la Finlande en 1917. Elle a été reconnue par le Traité de Versailles en 1919.
00:10:30 – 00:12:57 (Séquence 7) : Marie-Christine Mikhaïlo indique que son père est mort à Paris, lors de la signature du Traité de Versailles en 1919. En tant que jeune juriste, il assistait le ministre finnois. Sa mère est restée avec ses deux enfants en Finlande. Elle avait appris le suédois et le finnois. Ils vivaient dans un esprit très patriotique et antirusse. A cause de difficultés, sa mère a décidé de rentrer à Beaumont. Marie-Christine Mikhaïlo avait 11 ans. De retour en Suisse, sa mère qui avait l'habitude de parler à ses enfants en français a décidé d'adopter le suédois pour qu'ils gardent la langue. Ceci leur a donné plus de facilité pour apprendre d'autres langues plus tard.
00:13:00 – 00:14:44 (Séquence 8) : Marie-Christine Mikhaïlo dit qu'à ses 17 ans, elle est tombée amoureuse de Pierre Dudan, futur chanteur, qui était dans une classe supérieure au collège. Ils étaient amoureux et leurs mères en étaient préoccupées. Son amour était chaste, raison pour laquelle il a duré toute sa vie. Sa mère a voulu les éloigner. Elle l'a envoyée en Finlande, où elle avait déjà l'habitude de passer ses étés. Elle gardait un très beau souvenir du pays, elle n'était donc pas mécontente de partir.
00:14:47 – 00:17:06 (Séquence 9) : Marie-Christine Mikhaïlo explique que sa mère l'a envoyée en Finlande avec l'idée de la marier avec quelqu'un de convenable. Elle pensait au diplomate Ralph Enckell, fils du ministre des Affaires étrangères. Ils se sont effectivement mariés. Le milieu de la diplomatie l'obligeait à faire attention à ses fréquentations, à sa manière de parler et à sa tenue. Elle était très loin de l'anarchisme. Elle a dû apprendre les règles mondaines. Dans la pension de ses grands-parents à Beaumont, elle vivait avec les pensionnaires comme dans une grande famille. A 26 ans, elle était mère de quatre garçons. Les deux derniers étaient nés sous les bombes de la guerre russo-finlandaise en 1939.
00:17:10 – 00:18:30 (Séquence 10) : Marie-Christine Mikhaïlo explique que les conditions de vie pendant la guerre étaient très dures. Elle habitait avec sa famille à Helsinki, au bord de la mer. Les avions russes arrivaient de l'Estonie qui était occupée. Avec la guerre, leur sens patriotique et leur sens de l'Etat se sont accentués. La question du ravitaillement était difficile. Marie-Christine Mikhaïlo a été évacuée en Suède, comme beaucoup de femmes avec enfants. La Suède s'est montrée très accueillante. Par la suite, en 1944, son mari a été nommé à l'ambassade de Stockholm où ils se sont installés. Ils ont ainsi échappé aux pires bombardements et aux difficultés de la vie qui s'en suivaient.
00:18:34 – 00:19:39 (Séquence 11) : Marie-Christine Mikhaïlo dit qu'elle parlait français à ses enfants et en famille. Son mari avait été élevé en grande partie à Paris. Ses enfants ont commencé l'école à Stockholm. A cette période, son opinion politique ne connaissait pas de développement, elle était une ménagère, elle s'occupait surtout de ses enfants et honorait ses obligations de femme de diplomate. Elle devait faire attention à ne pas fréquenter des personnes qui pouvaient devenir des ennemis par la suite. La guerre n'était pas encore finie. Une situation qui l'empêchait d'avoir un esprit indépendant.
00:19:43 – 00:20:57 (Séquence 12) : Marie-Christine Mikhaïlo explique que son mari a été nommé diplomate à Paris en 1946. Elle a eu un dernier enfant, une fille, à Stockholm. Elle a eu en tout cinq enfants. Paris a été un lieu de nouvelles découvertes. Leur mariage n'allait pas bien et son mari l'a quittée. Elle est restée à Paris, car elle ne savait pas où aller et quoi faire. Elle n'avait pas de formation professionnelle.
00:21:01 – 00:22:29 (Séquence 13) : Marie-Christine Mikhaïlo indique que Paris avait encore des problèmes de ravitaillement dans les années qui ont suivi la fin de la guerre. Aussi, des Français revenaient des camps de concentration et racontaient leur expérience. Elle s'est prise d'amitié avec une femme qui avait été enfermée dans le camp de Ravensbrück. Elle lui avait demandé de noter ce qu'elle racontait. A travers son histoire, elle a vécu une expérience bouleversante. Elle a commencé à avoir des notions sur le nazisme alors que le communisme était encore très vague. Son amie s'est suicidée tellement il était difficile de vivre avec ses souvenirs.
00:22:34 – 00:24:13 (Séquence 14) : Marie-Christine Mikhaïlo a connu un grand désarroi en même temps qu'un grand soulagement à la fin de son mariage. Son mari était une personne intelligente qui parlait plusieurs langues. Elle avait vécu en dehors de sa réalité. Il n'avait pas réussi à faire d'elle une grande dame, une femme de diplomate. Ils étaient à Paris au moment de leur séparation mais c'est un tribunal finlandais qui a prononcé le divorce car ils étaient des extraterritoriaux et ne dépendaient pas de l'Etat français. Elle a obtenu la garde des enfants ce qui a été précieux pour elle car elle s'est réalisée dans son rôle de mère.
00:24:18 – 00:25:14 (Séquence 15) : Marie-Christine Mikhaïlo s'être retrouvée seule avec ses cinq enfants à Paris en 1948-1949. Ses enfants aînés avaient commencé l'école en Suède, les autres à Paris. Elle n'avait pas de formation professionnelle et elle ne voulait pas retourner en Finlande, dans la famille de son mari dont elle venait de se séparer. Elle s'est donc réfugiée à Beaumont, lieu où elle vit encore actuellement. Sa mère et ses tantes tenaient encore la pension, elles avaient gardé l'esprit ouvert et généreux et l'ont accueillie sans problème.
00:25:20 – 00:26:31 (Séquence 16) : Marie-Christine Mikhaïlo explique que l'une de ses tantes était la veuve de Pierre Cérésole. Connu en Suisse romande, il était pacifiste et objecteur de conscience. Il a été décrié à cause de ses idées. Bien que croyant, il avait critiqué l'attitude de l'Eglise vis-à-vis des objecteurs de conscience. Sa tante, Lise Cérésole, était ouverte aux idées pacifistes et accueillait des objecteurs de conscience. Elle faisait des chantiers de service civil. Elle a eu une grande influence sur son esprit et celui de ses enfants.
00:26:37 – 00:28:02 (Séquence 17) : Marie-Christine Mikhaïlo dit avoir repris la pension de famille de Beaumont. Entre son arrivée et la reprise de la pension, elle a été mariée avec un médecin suisse. Elle a pu reprendre la nationalité suisse. Sa tante Pierrette qui n'avait pas eu d'enfants l'a laissée reprendre la pension. Avec la jeunesse qui habitait là, c'était une vie gaie. Ses enfants devenus grands ont commencé à partir. Sa mère vivait encore à la pension et l'aidait.
00:28:08 – 00:29:46 (Séquence 18) : Marie-Christine Mikhaïlo explique qu'à la pension séjournaient des objecteurs de conscience. Sa tante Lise n'habitait plus là mais elle lui demandait de les accueillir. C'est à ce moment qu'elle a connu un anarchiste, Pietro Ferrua, italien et objecteur de conscience, recherché en Italie. Il a fait des études à Genève, à l'école d'interprète. Il a été aidé par sa tante Lise Cérésole et par le milieu quaker qui étaient pacifistes. Il lui envoyait des journaux anarchistes et lui demandait des comptes-rendus des journaux suédois. Ce fut son premier contact avec la littérature anarchiste. Ceci a joué un rôle important dans sa vie.
00:29:53 – 00:32:04 (Séquence 19) : Marie-Christine Mikhaïlo explique que Pietro Ferrua était entré en contact avec des milieux anarchistes de Genève dont il a réuni les archives. Il avait connu de nombreuses personnes : un entrepreneur, André Bösiger, qui a récemment publié ses mémoires, Lucien Tronchet, syndicaliste repenti de l'anarchisme, les responsables d'une bibliothèque anarchiste, "Germinal". Pietro Ferrua a essayé de sauver ce matériel qui risquait de se perdre. Il n'avait pas beaucoup de moyens ni d'espace. André Bösiger, qui avait une entreprise de démolition, lui avait trouvé un lieu à la Rue des Granges pour déposer le matériel. La fille de Marie-Christine Mikhaïlo, qui faisait des études à Genève, l'a aidé à les classer. En lisant, elle s'est formée à l'anarchisme. Par le biais de sa fille, elle a fait des lectures aussi. C'est ainsi que sa conscience politique s'est formée.
00:32:11 – 00:34:33 (Séquence 20) : Marie-Christine Mikhaïlo dit qu'au début son intérêt pour l'anarchisme était lié à ce qui touchait aux prisons. A Genève, il y avait eu un attentat contre le Consulat d'Espagne, perpétré par de jeunes anarchistes qui fréquentaient la bibliothèque anarchiste. La bibliothèque s'appelait Centre international de recherche sur l'anarchisme. Dans le groupe de l'attentat, il y avait Langendorf et Frochaux. Le procès aux assises de Genève, un an après, a donné lieu à une critique du franquisme. Les messages qui venaient des incarcérés en Espagne ainsi que l'argent envoyé pour payer les avocats des jeunes anarchistes genevois l'ont émue. Sa première critique des institutions de l'Etat a été une critique de la justice. Elle a fait aussi plusieurs lectures. Elle pense que l'attrait pour l'anarchie vient de lectures, même pour les militants de milieux plus pauvres. C'est pour cette raison que le rassemblement de textes et documents est important, pour garder en vie l'idée anarchiste et la mémoire du mouvement : un mouvement ouvrier aidé par personne, surtout pas par les communistes et moins encore par les bourgeois.
00:34:41 – 00:37:31 (Séquence 21) : Marie-Christine Mikhaïlo dit avoir rencontré, dans la petite bibliothèque anarchiste, un anarchiste réfugié bulgare qui vivait à Paris. Le mouvement anarchiste bulgare est important. Un mouvement qui a dû d'abord lutter contre le fascisme et ensuite contre le communisme. Ils se sont mariés. Après l'attentat contre le Consulat d'Espagne, la police a mis ses griffes sur les responsables de la bibliothèque, le Centre international d'étude de l'anarchisme, CIRA, qui était considéré comme une officine du terrorisme. Pietro Ferrua a été expulsé et il est parti au Brésil, dans le pays de sa femme. Tenant la pension à Beaumont, Marie-Christine Mikhaïlo a transporté le matériel de la bibliothèque dans une chambre qui s'était libérée, avec l'aide de sa fille Marianne et de André Bösiger.
00:37:39 – 00:38:43 (Séquence 22) : Marie-Christine Mikhaïlo dit qu'elle avait transporté depuis Genève, dans sa pension à Beaumont, le Centre international de recherches sur l'anarchisme, le CIRA. Celui-ci a commencé à avoir des correspondants et des collaborateurs, des amis, des personnes d'ici et d'ailleurs. Les archives du CIRA sont les seules spécialisées dans l'anarchisme. Le centre était fréquenté par des chercheurs, des militants, des curieux et des journalistes qui, par exemple, voulaient se documenter après mai 1968, des visiteurs qui ont parfois été logés à la pension, ce qui est aujourd'hui encore fréquent, à la pension et chez Marianne sa fille qui habite à l'étage.
00:38:52 – 00:40:08 (Séquence 23) : Marie-Christine Mikhaïlo dit que le CIRA, Centre international de recherches anarchistes, est constitué actuellement de 12000 livres, en plus de 20 langues. Il y a plus de 2000 titres de revues anciennes et 200 actuelles qu'elle reçoit chaque mois. Les éditeurs et les auteurs lui envoient des livres. D'anciens militants décédés lui lèguent leurs documents. Pour répondre à une question de l'interlocuteur, elle précise qu'elle porte le quatrième nom de sa vie, ce qui est un peu gênant par rapport à l'état civil et les changements de documents officiels.
00:40:17 – 00:42:00 (Séquence 24) : Marie-Christine Mikhaïlo explique que le financement du CIRA, Centre international de recherches sur l'anarchisme, est un problème. Etant anarchistes et contre l'Etat, ils ne peuvent s'adresser à lui pour lui demander un soutien. L'argent vient de ses membres, il y a une cotisation annuelle pour l'emprunt des livres. Ceux qui travaillent sur place, elle, sa fille et d'autres, sont bénévoles. Ils ont quelques sponsors, un vieil ami anarchiste italien réfugié au Canada. Après son décès, ils ne savaient pas comment continuer. Ils ont besoin de professionnalisme pour la bibliothèque et le catalogage, et ils voudraient passer à l'informatique.
00:42:10 – 00:42:26 (Séquence 25) : Marie-Christine Mikhaïlo explique que le CIRA, Centre international de recherches sur l'anarchisme, est le seul centre spécialisé sur l'anarchisme et le seul qui prête des documents à l'extérieur.
00:42:37 – 00:44:19 (Séquence 26) : L'interlocuteur rappelle que pour les autorités le CIRA, Centre de recherches sur l'anarchisme, est un foyer d'idées explosives. Marie-Christine Mikhaïlo dit que rien de vraiment explosif n'est arrivé dans le centre. Il y a eu des visites de Daniel Cohn-Bendit, après Mai 1968. Il était venu avec son frère Gabi et des membres du groupe 22 mars, qui était à l'origine de Mai 68. Daniel était interdit de séjour en France, il avait une formation anarchiste. Ils ont organisé des soirées de discussion sur l'école, sur l'autorité dans la famille, sur l'autorité en général. Les anarchistes sont contre l'autorité imposée et non contre l'autorité de compétence. Ils refusent l'autorité des parents dans l'enfance, "l'autorité usurpée", selon l'expression de Daniel Guérin, historien de l'anarchisme qui venait souvent dans le centre.
00:44:30 – 00:46:28 (Séquence 27) : L'interlocuteur demande à Marie-Christine Mikhaïlo quelle est sa position vis-à-vis de la violence dans l'anarchisme. Il rappelle que l'attentat de Langendorf et Frauchaux n'a pas fait de victimes mais d'autres attentats anarchistes ont causé la mort. Elle répond que vers la fin des années 1890, il y a eu des attentats anarchistes, les plus célèbres étaient ceux de Ravachol. Il y a eu des attentats vers 1911 de la "bande à Bonnot", traitée trop rapidement d'anarchiste. Elle explique que lorsqu'elle parle d'anarchisme, elle le fait en son propre nom, personne ne peut parler au nom des anarchistes car chacun est libre de dire ce qu'il pense. Elle est, dans la mesure du possible, contre la violence même si ce n'est pas toujours possible car on se laisse parfois dépasser par son tempérament. La question des attentats ne l'intéresse pas. La violence pourrait s'expliquer dans le cadre de régimes trop musclés, totalitaires. Elle a étudié les techniques non-violentes avec les pacifistes, à travers des textes anarchistes non violents. L'interlocuteur remarque une filiation entre le temps de Cérésole et celui de Ferrua. Elle acquiesce, le pacifisme, la non-violence et l'anarchisme se sont suivis.
00:46:39 – 00:48:32 (Séquence 28) : L'interlocuteur demande à Marie-Christine Mikhaïlo quel a été le rôle de la police fédérale autour de la maison de Beaumont. Elle explique que lors de la guerre d'Algérie, ils ont hébergé des Algériens recherchés. Elle a subi des interrogatoires au Département de justice et police. Par les questions posées, elle s'apercevait que la police ne connaissait rien de l'anarchisme. Plus tard, elle a appris avec d'autres militants qu'ils étaient fichés régulièrement, qu'ils étaient sous surveillance. Dans les fiches, il y a des erreurs. La police les a filmés et photographiés. Son téléphone et son courrier étaient sous surveillance. Elle a éprouvé un sentiment désagréable à la lecture de ce matériel. Elle ne s'en était pas rendu compte même si elle s'en doutait.
00:48:44 – 00:51:32 (Séquence 29) : Marie-Christine Mikhaïlo dit avoir trouvé des réponses sur la religion, le mariage, l'éducation, la justice, au fur et à mesure qu'elle avançait dans ses lectures anarchistes. Le caractère des anarchistes l'a séduite. Elle compare ses amis anarchistes aux membres d'une paroisse. L'anarchie est une fraternité. Il y a une liberté d'être et un grand respect de l'autre. L'humour est très présent aussi, les anarchistes sont souvent des bons joyeux. Certains souffrent ou ont souffert à cause de leurs idées, le martyrologe des anarchistes est impressionnant. Elle se considère comme gardienne de leur mémoire. Elle a trouvé dans l'anarchisme un bonheur de connaissance et une clé à la compréhension de la politique, à ce qu'est un parti politique. Les anarchistes sont les seuls qui envisagent une société différente sans vouloir prendre le pouvoir. Kropotkine disait que le pouvoir corrompt et c’est une idée qui lui paraît juste.
00:51:44 – 00:52:04 (Séquence 30) : Générique de fin du Plans-Fixes consacré à Marie-Christine Mikhaïlo et tourné à Lausanne le 3 octobre 1995.
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