Jean-Pierre Moulin (Journaliste, écrivain)

  • français
  • 2000-06-09
  • Dauer: 00:47:32

Die unten dargestellten Filmaufnahmen werden Ihnen über Vimeo (https://vimeo.com/) zur Konsultation angeboten.

Beschreibung

Sa vie tout entière oscille entre deux pôles, le journalisme politique et l'écriture de chansons. Pierre Béguin lui met le pied à l'étrier très jeune, et il part pour Paris comme correspondant de la "Gazette de Lausanne". Il découvre, au sortir de la guerre, un pays en ruines qu'il va voir évoluer lentement, de la crise algérienne à l'arrivée au pouvoir des socialistes en 1981. La chanson, elle, entre dans sa vie dès l'enfance, avec la radio qu'il écoute passionnément. Il crée quelques spectacles avec Charles Apothéloz, Frank Jotterand et sa soeur Béatrice. Il en présente un à l'Abbaye de Royaumont, où se trouve par hasard Jacques Canetti, le célèbre impresario. Ce dernier engage la troupe aux Trois Baudets, fameux cabaret parisien, et lance J.-P. Moulin auteur de chansons. Il écrit alors pour Sacha Distel, Félix Marten, Serge Reggiani, Edith Piaf.

00:00:00 – 00:00:12 (Séquence 0) : Générique de début du Plans-Fixes consacré à Jean-Pierre Moulin, journaliste et écrivain, et tourné à Lausanne le 9 juin 2000. L'interlocuteur est Antoine Bosshard.
00:00:12 – 00:00:28 (Séquence 1) : L'interlocuteur cite Jean-Pierre Moulin : "Ma mémoire c'est mon éternité". Jean-Pierre Moulin dit que nous sommes tous à la recherche d'une éternité.
00:00:28 – 00:00:39 (Séquence 2) : Générique de début du Plans-Fixes consacré à Jean-Pierre Moulin, journaliste et écrivain, et tourné à Lausanne le 9 juin 2000. L'interlocuteur est Antoine Bosshard.
00:00:40 – 00:01:34 (Séquence 3) : L'interlocuteur demande à Jean-Pierre Moulin s'il n'y a pas une contradiction dans le fait d'être à la fois journaliste et écrivain de chansons, poète. Il explique qu’il n’y en a pas, car on est ce qu'on est. Il écrivait des chansons alors qu’il était étudiant, il est devenu journaliste politique ensuite à Paris. Il est revenu à la chanson plus tard tout en continuant son travail de journaliste.
00:01:36 – 00:02:45 (Séquence 4) : Jean-Pierre Moulin parle de ses souvenirs d'enfance, des souvenirs heureux. Il pense avoir effacé de sa mémoire les difficultés. Il rappelle qu'il y avait encore la diphtérie à l'époque. Dans ses souvenirs des années 1930, il y a le lac, avec sa grand-mère et ses tantes enrubannées. Il se souvient des bateaux de la Compagnie générale de navigation, le bruit de la roue et l'odeur du lac : c'était un baiser de la nature à l'enfant qui ouvrait ses yeux.
00:02:47 – 00:04:14 (Séquence 5) : Jean-Pierre Moulin explique qu'enfant, la Suisse était pour lui le canton de Vaud. Quand ses parents allaient à Genève, c'était un voyage. Berne était une capitale lointaine dont ils parlaient avec respect, angoissés par les siècles de servitude. Sa grand-mère était d'origine paysanne, de Crissier. Elle était une Girardet, et doit probablement faire partie des ancêtres du fameux Girardet. Son grand-père était un Lausannois, fils d'artisan ébéniste. Il se souvient que sa grand-mère l'a un jour amené dans un poulailler pour lui montrer ce qu'était un œuf. Les mystères de son enfance ont été très proches de la nature.
00:04:16 – 00:06:34 (Séquence 6) : Jean-Pierre Moulin explique que, dans son arbre généalogique, depuis le XVIIIe siècle il n'y a pas un intellectuel, seulement des artisans, des paysans et des vignerons. Le premier intellectuel a été son père. Son grand-père ouvrier est devenu patron grâce à un boom économique en 1900. Il avait un seul fils et deux filles. Il décida que son fils ferait des études. Homme intelligent, il ne lisait que la Bible, et son fils est devenu un grand intellectuel. Il se souvient des objets de la maison : des bibliothèques, un piano, une machine à écrire. Par intellectuel, il entend un goût forcené pour la culture et la musique. Toute la famille chantait. Son père avait harmonisé et écrit des paroles pour certaines chansons du "Chante jeunesse", un recueil de chansons pour les écoles primaires qui étaient chantées dans les années 1930, 1940, 1950 et peut-être encore 1960. Les chansons étaient inspirées de Dalcroze, qui était l’ami du père de Jean-Pierre Moulon.
00:06:36 – 00:08:18 (Séquence 7) : Quand Jean-Pierre Moulin a commencé à lire, il s'est trouvé face à la bibliothèque variée de son père. Ce dernier était un homme de droite, qui croyait à Maurras, à la pensée monarchiste. Sa bibliothèque n'était pas celle d'un réactionnaire, il y avait Proust, Jules Romain et tous les classiques. Il se sent gêné de parler de lui-même. En Suisse romande, c'était une époque encore très protestante, malgré l'amour pour la vie et la nature, la Bible et le passé protestant étaient présents. Le lyrisme était tendre et ingénu, il n'est jamais tombé dans de grandes folies. Ce sont les impressions qu'il garde de son enfance, comme des flashs qui lui reviennent, peut-être sont-elles fausses.
00:08:21 – 00:09:07 (Séquence 8) : Jean-Pierre Moulin explique que son père était professeur d'histoire. Il était patriote, il était colonel de l'armée suisse. Un passionné d'histoire. Il voyait l'histoire suisse d'un point de vue géopolitique, une analyse assez originale pour l'époque. La Suisse avait pu exister parce qu'elle avait pu contrôler ses cols.
00:09:10 – 00:09:54 (Séquence 9) : Jean-Pierre Moulin dit qu'on est fabriqué par la culture dans laquelle on est. Il explique que dans sa famille, il y avait l'amour et la fierté de la langue française, même si ce n'était pas exprimé. Pour son grand-père et ses oncles, c'était la langue universelle.
00:09:58 – 00:11:28 (Séquence 10) : L'interlocuteur rappelle que, très jeune, Jean-Pierre Moulin a réagi contre le milieu de son père et qu'il s’est passionné pour le Moyen Age. Il explique que son père, le collège de Lausanne, l'Académie étaient très classiques, ils aimaient le XVIIe siècle et les grands romanciers du XIXe. Passionné d'histoire, il a découvert le Moyen Age avec Jeanne d'Arc. Le Moyen Age, à l'opposé du XVIIe où tout était réglé, avait une forme de folie : ses mythes, le Roi Arthur, François Villon, les gens pendus, les dames du temps jadis. Aujourd'hui, le Moyen Age est à nouveau considéré, mais avant il était perçu comme un trou noir entre la beauté de l'Antiquité et le XVIe siècle, le retour à la raison.
00:11:32 – 00:13:23 (Séquence 11) : Jean-Pierre Moulin explique qu'il déteste la trop grande promiscuité, la démagogie. Il aime ce qui est populaire, dans le bon sens du mot. Les grands ne l'intéressent pas. A Paris, en tant que journaliste, il a réalisé que les grands sont habiles mais qu'ils sont à la fois ridicules et touchants. Du Moyen Age, il admirait la ferveur, le théâtre. A 14-15 ans il aimait cette période, alors qu’elle n'était pas à la mode. Son père lui avait offert pour Noël un théâtre Guignol, un grand événement dans sa vie. Il a pu raconter des histoires sans être devant, avec des personnages simples qui représentent la vie, un monde qu'il aimait et qui représentait Lyon. Il se souvient avoir demandé à ses parents, qui partaient en voyage à Lyon, un livre sur les Guignols et deux marionnettes : Guignol et Gnafron, qui sont arrivés comme des copains.
00:13:28 – 00:14:35 (Séquence 12) : Jean-Pierre Moulin explique que son arrière grand-père était originaire de France, il appartenait à la corporation française, un groupe de protestants français rassemblés jusqu'au XIXe siècle, ils avaient des droits mais pas celui de vote. Son arrière grand-père avait un grand goût pour le vin et la chanson. Son grand-père et ses frères faisaient partie des chœurs d'hommes. Ils étaient des gens simples, mais ils ont toujours vécu comme des artisans, non des prolétaires.
00:14:41 – 00:16:04 (Séquence 13) : Jean-Pierre Moulin explique que la radio, lorsqu'elle est arrivée, était un objet méprisable, comme ce fut plus tard pour la télévision. Il n'avait pas de radio à la maison. Son grand-père en avait une et, dès que possible, il montait chez lui écouter Radio-Luxembourg. Il a découvert la chanson française et la France. La chanson de l'époque était relativement vulgaire et sentimentale. Un monde qui n'était pas celui de Dalcroze, avec ses petites promenades joyeuses, d'un clocher vaudois à l'autre.
00:16:10 – 00:17:33 (Séquence 14) : Jean-Pierre Moulin n'a pas fini ses études de Lettres. Il faisait de la radio et il lisait beaucoup, ça lui suffisait. Au service militaire, en pleine guerre en 1941, il a réalisé la dureté de la vie. La Suisse était entourée par le fascisme et le nazisme triomphants. La Suisse était décrite dans la presse comme un pays prudent. A Payerne, dans les troupes d'aviation, les instructeurs suisses allemands les traitaient avec virulence de "velches". Ils leur laissaient entendre que l'armée française avait été un désastre et qu'il ne fallait pas faire comme eux. Ils avaient senti, un an avant, l'écroulement de la France.
00:17:39 – 00:19:27 (Séquence 15) : Jean-Pierre Moulin parle de son travail de journaliste à la Gazette de Lausanne. A Lausanne, ils étaient une bande : Favrod, Jotterand et autres. Ils se disaient que, dès la fin de la guerre, ils partiraient à Paris. Il voulait aller à l'IDHEC, l'Institut des hautes études cinématographiques. Pierre Beguin l'a envoyé au premier Festival de Cannes en 1946. Il est arrivé avec [René Dazaine], spécialiste de cinéma. Ils ont été accueillis à l'hôtel Carlton, où de son balcon il voyait pour la première fois la Méditerranée. Il était impressionné de se trouver dans cet hôtel. Ils étaient journalistes étrangers et la France voulait dans son accueil montrer à nouveau sa grandeur. De grands films étaient présentés ceux de Rosselini, de Clément.
00:19:34 – 00:21:08 (Séquence 16) : Jean-Pierre Moulin explique qu'il n'avait jamais écrit de politique mais que Béguin se trouvait face à un trou. En France et en Suisse, en 1946, toute une génération de journalistes de 40 et 45 ans avait disparu, comme si la guerre avait fait table rase d'un certain journalisme. Il est arrivé à Paris à 24 ans. Il a acheté tous les journaux, une quinzaine, pour comprendre ce qu'il y avait en commun entre les articles et les éditos. Il a envoyé un premier téléphone à la Gazette de Lausanne. On était satisfait de son travail.
00:21:15 – 00:22:32 (Séquence 17) : Il a reçu du Ministère de l'information la carte pour aller au Palais Bourbon, car tout se passait là. La IVe République était un régime d'assemblée, ce que de Gaulle a condamné après coup. L'Assemblée renversait les gouvernements et les élisait. Il y avait des orateurs incroyables, Georges Bidault, Edouard Herriot, c'était le XIXe siècle. Il a appris sur le tas, c'était son université. Ses condisciples étaient Jacques Fauvet, Viansson-Ponté, issus de la résistance. Son livre de classe était "Le Monde". Léon Savary, correspondant de "La Tribune de Genève", l'aidait en lui donnant des cours sur le régime parlementaire, la constitution.
00:22:39 – 00:24:13 (Séquence 18) : Jean-Pierre Moulin explique que les autres journalistes avaient un passé plus violent que le sien. Des millions de jeunes de son âge étaient morts. Il avait l'impression de sortir d'un jardin fleuri, même si ça n'est pas tout à fait juste. A Paris, les voies des trains n'étaient pas encore réparées, ainsi que les façades des maisons. Il y avait des cartes d'alimentation, l'électricité était encore coupée et il écrivait à la bougie. La réception a été magnifique. Avec les autres de la même génération, ils se lançaient dans la politique de l'après-guerre. Ils étaient pour la plupart de gauche, en 1946-1947 tout le monde était communiste ou compagnon de route. Chez certains, les meilleurs, le doute s’immisçait.
00:24:21 – 00:25:29 (Séquence 19) : Jean-Pierre Moulin dit avoir rencontré pour la première fois la classe ouvrière en 1948. Il avait été invité par un journaliste communiste à se rendre dans une usine en grève dans la banlieue de Paris. Autour de l'usine, il y avait des CRS, des gardes mobiles armés. C'était une époque avec beaucoup de grèves, dont celle des mineurs dans le nord, qui ont été réprimées à coups de fusil, avec une dizaine de morts. Il était confronté à une grande ville, la politique d'une grande nation, qui voulait repartir après la douloureuse défaite survenue six ans auparavant.
00:25:38 – 00:25:57 (Séquence 20) : Jean-Pierre Moulin a été accueilli par celle qui est devenue sa femme, une Française du nord blonde comme le blé. Ils ont vécu ensemble 40 ans.
00:26:07 – 00:27:17 (Séquence 21) : Quand Jean-Pierre Moulin habitait encore Lausanne, il avait commencé à écrire des chansons et même à créer un cabaret. Jean-Pierre Moulin se souvient avoir eu deux chocs en écoutant Radio Luxembourg avec la radio de son grand-père. Le premier a été la "Rhapsodie en Bleu" de Gershwin, œuvre dans laquelle la clarinette monte vers les notes aiguës. Il a alors réalisé que le jazz symphonique était la musique qu'il aimait. Sauf Bach, que son père jouait et qu'il aimait, la musique classique l'ennuyait. Le deuxième choc a été l'arrivée de Charles Trenet en 1937, qu'il a tout de suite essayé d'imiter en écrivant aussi des chansons.
00:27:27 – 00:28:18 (Séquence 22) : Jean-Pierre Moulin a créé un cabaret avec les étudiants de Lausanne, près de La Palud, à La Glisse, un café-restaurant. Ils avaient l'autorisation de la police pour le samedi. Le cabaret a eu un succès extraordinaire. Il explique qu'à l'époque on ne valorisait pas la jeunesse comme aujourd'hui. Il y avait Marc Lamunière à la contrebasse. Les amis venaient pour jouer, pour danser. Ils avaient 20 ans, c'était le temps aussi des premiers amours.
00:28:28 – 00:29:05 (Séquence 23) : Jean-Pierre Moulin parle de son expérience avec la société des Belles-Lettres. Il a rencontré Gérard Horst, juif viennois réfugié en Suisse et devenu le premier disciple de Jean-Paul Sartre. Il faisait des études d'ingénieur malgré sa prédisposition pour les lettres. Surtout il avait une plus grande maturité intellectuelle. Il leur a fait connaître Sartre, "La nausée". Ce livre a été un choc.
00:29:16 – 00:30:59 (Séquence 24) : Jean-Pierre Moulin est parti pour Paris avec Franck Jotterand, Favrod et quelques autres. En 1953, Charles Apothéloz, belletrien et ami, a créé les Faux-Nez à Lausanne. Dans le spectacle, il y avait une pièce de Tardieu, "Un mot pour un autre", où ses deux sœurs et Abplanalp jouaient. Une de ses sœurs, après le spectacle, lui a réclamé des chansons, et il les a écrites. Le spectacle "Mots et merveilles " est né ainsi. Il l'avait écrit avec Frank Jotterand à l'Abbaye de Royaumont. Un spectacle de chansons, musique et textes parodiques. Il y avait une parodie de Beckett, "En attendant Monnot". Le grand impresario de Paris, Jacques Canetti, avait apprécié le spectacle et annoncé à Apothéloz qu'il les engageait pour la première partie de son spectacle aux "Trois Baudets" à Paris. Ils étaient heureux de monter sur la scène des grands tels que Brassens ou Brel.
00:31:10 – 00:32:56 (Séquence 25) : Jean-Pierre Moulin explique que, pendant six mois, les Faux-Nez ont officié sur la scène des Trois Baudets. Avec Frank Jotterand, ils étaient souvent dans les coulisses. En première vedette, il y avait Jacques Brel habillé en troubadour flamand qui chantait de très belles chansons, mais sans succès. Il y avait Fernand Raynaud et Philippe Clay qui, en vedette américaine, terminait la première partie. Brassens était la vedette du spectacle. Toutes ces personnalités sont devenues des amis. Il a écrit une chanson, "Le danseur de charleston", qui s'inspire d'un homme saoul qu'il avait vu au Palace de Lausanne. Philippe Clay a chanté la chanson dans un cabaret sur les Champs-Elysées. La chanson a eu du succès.
00:33:08 – 00:34:33 (Séquence 26) : Jean-Pierre Moulin a écrit des chansons pour Sacha Distel, Philippe Clay, Félix Marten, sa sœur Béatrice, et Reggiani. Il a connu Edith Piaf par le biais de Félix Marten, elle faisait sa rentrée. Il est allé chez elle, Boulevard Lannes. C'était une femme sarcastique, assez dure. Elle lui a dit de retravailler les chansons avec Félix Marten. C'était un Pygmalion, elle avait le pouvoir de changer un homme, comme elle l'avait fait avec Yves Montand, les Compagnons de la chanson. Il lui a donné deux chansons qu'elle a enregistrées. De "Il y a de tout dans les poubelles", elle avait aimé la musique mais pas les paroles. Elle les a changées et les a fait signer par Félix Marten.
00:34:46 – 00:35:19 (Séquence 27) : Jean-Pierre Moulin parle de la chanson française. Après le sommet, il n'est pas allé plus loin. Brassens, Brel, Piaf sont morts. Il y a eu ensuite la vague "yéyé", avec entre autres Johnny Hallyday, et il a réalisé qu'il n'était pas fait pour elle, il était trop vieux. Il a néanmoins continué d'écrire quelques chansons. Il a surtout commencé à écrire des livres.
00:35:33 – 00:37:35 (Séquence 28) : L'interlocuteur rappelle que Jean-Pierre Moulin a vécu 50 ans à Paris. Jean-Pierre Moulin explique que la France a évolué très lentement. Il y a eu deux grands moments. Après la défaite de 1940, l'écroulement de son empire, le pays s'est remis avec Charles de Gaulle qui a essayé de montrer qu'ils avaient gagné la guerre. Ensuite, il y a eu les guerres de décolonisation : l'Indochine, Madagascar, l'Algérie. Les journalistes étrangers, Suisses romands en particulier, comme Favrod, ont été très sensibles à la guerre d'Algérie. Ils venaient d'un pays très anticolonialiste. La décolonisation a risqué d'entraîner une guerre civile. De Gaulle a dû retourner et faire tomber la quatrième république pour enfin assumer que l'Algérie n'était pas la France. Il a écrit des articles avec d'autres, comme Zbinden, pour l'indépendance de l'Algérie. Il n'a jamais eu d'ennuis avec les autorités françaises. Ils estimaient peut-être que ce qu'écrivaient les journaux étrangers n'était pas important, mais en revanche ils saisissaient des journaux à Paris, comme "Le Nouvel Observateur".
00:37:49 – 00:39:45 (Séquence 29) : Jean-Pierre Moulin explique que la France a des ressources extraordinaires. Il a écrit un article en 1974 intitulé "Comment peut-on ne pas être Français ?" et dans lequel il décrit le pays. On lui a souvent posé cette question. Il n'attache pas une grande importance à la nationalité et il se sent très européen. Il a perçu que le peuple français évoluait à un rythme très lent, mais parfois ponctué par certaines avancées telles que l’abolition de la peine de mort promulguée par Mitterand dans un pays traditionnellement favorable à la guillotine ; ou quand Simone Veil a soutenu l'interruption de grossesse, dans un pays très catholique de gauche malgré son anticléricalisme. La France est un pays différent de ce que l'on peut croire. Jean-Pierre Moulin dit que les Suisses romands aiment la langue française quand bien même elle a trait à une autre culture.
00:40:00 – 00:40:37 (Séquence 30) : Jean-Pierre Moulin explique que ce qui le rattache à la Suisse, c'est une partie d'elle. Une partie presque physique, le lac Léman, le pays de Vaud, Genève, la Suisse romande surtout. Il connaît mal la Suisse alémanique. Il dit être attaché au fédéralisme. En vivant dans un pays qui commence à sortir du jacobinisme le plus dur, malgré Monsieur Chevènement, le fédéralisme lui semble la grande formule moderne et l'Europe marche vers cette forme de fédéralisme.
00:40:53 – 00:43:49 (Séquence 31) : L'interlocuteur dit que Jean-Pierre Moulin est un homme heureux, avec une vie pleine : carrière de journaliste de presse et radio, écrivain de livres et chansons avec des rencontres importantes. Il réalise néanmoins que de ses écrits émane une autre image : des personnages grimaçants et des situations grotesques. Jean-Pierre Moulin explique qu'il n'a pas une vision heureuse du monde. La vie est le cadeau principal, quand ce cadeau n'est pas empoisonné comme chez tant de milliards d'êtres humains. Même l'être le plus heureux ne peut pas éviter d'avoir des deuils, de voir le spectacle de la misère. Le grotesque, il l'explique par son amour pour Molière. Plus que grotesque, c'est le "prodigieux ridicule" de l'être humain dès qu'il devient social, qu'il endosse une livrée, l'homme politique, le mauvais comédien, le pasteur qui n'a rien à dire et qui n'a plus la foi, des gens qui l'amusent. Il voit aussi la violence du monde, à laquelle il croit. Il refuse une vision un peu helvétique qui dit que tout va bien. Le monde est un affrontement entre le bien et le mal.
00:44:06 – 00:44:40 (Séquence 32) : L'interlocuteur demande à Jean-Pierre Moulin si on peut le considérer hédoniste inquiet. Il répond que oui. Hédoniste dans le sens qu'il faut profiter de la vie, si on en a les moyens. Il cite son ami Gilles, peut-être le plus grand poète vaudois du siècle, qui avait écrit une chanson où le vaudois est inquiet jusqu'au moment où il boit un verre de vin blanc, observe le lac ou les montagnes, et il change et devient un peu lyrique. C'est un trait de ce pays.
00:44:57 – 00:46:33 (Séquence 33) : Jean-Pierre Moulin dit que c'est merveilleux d'avoir deux patries et une culture liée à sa langue. Une langue qui, bien que menacée, a dominé l'Europe pendant deux siècles. La France l'a très bien accueilli. Paris, contrairement à ce que l'on peut croire accueille l'étranger, avec un peu d'humour, parfois avec un petit bout de xénophobie. La condition c'est que l'étranger lui apporte quelque chose. Il est devenu sociétaire, au même titre que les Algériens et Italiens, de la SACEM – Association des éditeurs et compositeurs. Il dit qu'avoir passé sa vie dans le pays de la bibliothèque de son père, sauf Ramuz et Juste Olivier, a été un privilège énorme. Il remercie ces deux sources, ces deux pays.
00:46:50 – 00:47:15 (Séquence 34) : Générique de fin du Plans-Fixes consacré à Jean-Pierre Moulin, journaliste et écrivain, et tourné à Lausanne le 9 juin 2000.
Lien aux découpage sur la base de données original
Dieses Dokument wurde mit der Unterstützung von Memoriav erhalten.
304 Dokumente im Bestand
Kommentieren