Bernard Blatter (Directeur du Musée Jenisch de 1982 à 2004)

  • français
  • 2005-08-23
  • Dauer: 00:48:52

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Beschreibung

Né en 1939 à Montreux, Bernard Blatter enfant est fasciné par les jeux de lumière entre lac et montagnes. Il grandit dans une famille amoureuse des arts et c'est tout naturellement qu'il suit l'Ecole Cantonale des Beaux-Arts de Lausanne. Après quelques années de perfectionnement à l'étranger, il s'installe comme architecte d'intérieur dans sa ville natale. Déjà passeur, il organise des expositions dont "Les peintres du silence" au Musée Jenisch, bâtiment alors fort poussiéreux. En 1982, les autorités de la ville de Vevey lui proposent de reprendre ce Musée qui, sous sa direction, retrouve sa vocation première de musée des Beaux-Arts auquel est adjoint, en 1985, le Cabinet cantonal des Estampes. Bernard Blatter poursuit un chemin de vie avec les artistes qu'il invite au Musée et développe l'effacement de soi pour devenir l'écoutant de l'artiste. Dans cette perspective, il évoque avec émotion sa relation à Zoran Music.

00:00:00 – 00:00:11 (Séquence 0) : Générique de début du Plans-fixes consacré à Bernard Blatter, Directeur du musée Jenisch de 1982 à 2004, tourné à Montreux le 23 août 2005. L’interlocuteur est Charles Sigel.
00:00:11 – 00:02:15 (Séquence 1) : Bernard Blatter montre une gravure de Picasso datant de 1905 et qui représente Salomé dansant devant Hérode et tenant la tête de Jean-Baptiste. Bernard Blatter raconte comment il l’a acquise. Lorsqu’il avait 14 ou 15 ans, un ami l’avait invité chez lui à un bal d’adolescents. Bernard Blatter est tombé en admiration devant cette gravure accrochée au mur par le père de son ami. Quelques années plus tard, on l’a appelé pour estimer un lot d’œuvres où il retrouva cette gravure. Il raconta à son nouveau propriétaire comment il avait déjà eu l’occasion d’admirer cette œuvre et à quel point elle l’avait touché. On lui donna trois jours pour faire une proposition. Il rassembla toutes ses économies, proposa une somme dérisoire et on lui céda cette gravure de Picasso. Cette histoire lui donne le sentiment que cette œuvre était faite pour lui.
00:02:16 – 00:02:23 (Séquence 2) : Générique de début du Plans-fixes consacré à Bernard Blatter, Directeur du musée Jenisch de 1982 à 2004, tourné à Montreux le 23 août 2005. L’interlocuteur est Charles Sigel.
00:02:24 – 00:04:25 (Séquence 3) : Bernard Blatter est revenu vivre dans la maison où il est né, il considère cela comme un privilège. Il aime le parc de la maison où il retrouve les lumières, les éclairages de sa prime enfance. Ce parc est habité par un hêtre rouge plus que centenaire, des ginkgos biloba d’un vert tendant sur le jaune et des saules pleureurs plongent leurs ramures dans un lac que la bise agite. Ces jeux de lumière et de pénombre qui se tiennent dans le jardin habitent le regard de Bernard Blatter. Ils ont certainement joué un rôle fondamental dans son existence.
00:04:26 – 00:06:39 (Séquence 4) : L’interlocuteur de Bernard Blatter lit une phrase tirée d’un livre d’Yves Bonnefoy consacré à l’ancien directeur du Musée Jenisch de Vevey : "Le visible repose sur l’invisible". Bernard Blatter connaît bien Yves Bonnefoy qui est un ami très proche. Il estime qu’il a saisi dans cette formule quelque chose de très juste en évoquant le rapport entre le lac et le Grammont. Le Grammont est une montagne imposante, sombre, de l’autre côté du lac, et dont la masse semble parfois flotter sur les tons nacrés du lac. Bernard Blatter explique que les neiges qui couvrent le sommet du Grammont jusqu’au début de l’été attirent le regard vers la hauteur. Cette lumière appelle le regard et laisse supposer que quelque chose se trouve au-delà du visible.
00:06:41 – 00:08:49 (Séquence 5) : Bernard Blatter se souvient de la lumière du regard bleu de sa grand-mère, qui vécut dans la maison où il se trouve. Elle a joué un rôle fondamental dans son existence bien qu’il l’ait perdue à l’âge de six ans. Il se souvient de l’impression qu’il ressentait lorsqu’il tendait les bras vers elle et qu’elle se penchait vers lui, comme une voûte, un firmament, le regard bienveillant, tendre. Il avait l’impression en se dressant vers elle de trouver quelque chose qui n’était pas si loin du paradis. Bernard Blatter éprouve quelque chose d’un peu semblable lorsqu’il se penche vers sa petite-fille. Il pense qu’il y a dans ces gestes une conjonction des regards où la personne âgée peut retrouver une part du paradis que constitue le mystère de l’enfance, ce "lieu d’avant le mot" comme dirait Yves Bonnefoy.
00:08:51 – 00:11:23 (Séquence 6) : Bernard Blatter s’est toujours considéré comme un passeur. Il a toujours transmis, offert et invité à parcourir avec lui et à travers les œuvres des autres un chemin qui conduit à un lieu du domaine de l’indicible où la qualité de la question importe plus que la réponse. Par les œuvres qu’il montrait au Musée Jenisch, il voulait ouvrir les yeux du public sur le monde. Bernard Blatter pense que les œuvres lorsqu’elles sont grandes nous ramènent au cœur de nous-mêmes et, comme à tâtons, nous font découvrir des choses assoupies en nous-mêmes et les font émerger. Avec son pinceau, l’artiste dissipe les ombres et par une fissure dans notre crypte intérieure nous propose un rayon de lumière. Bernard Blatter a une vision métaphysique de l’art tout en concevant que ce n’est pas la seule possible.
00:11:25 – 00:12:30 (Séquence 7) : Bernard Blatter vient d’un milieu relativement bourgeois, car son père était médecin dentiste. Sa mère était passionnée de littérature et de peinture et suivait tout ce qui se passait dans la peinture de la seconde moitié du XXe siècle. Pendant son enfance, Bernard Blatter a donc été entouré de livres et de catalogues d’expositions, sur l’art participant de l’histoire de l’art, mais aussi sur l’art plus contemporain.
00:12:32 – 00:13:47 (Séquence 8) : On demande à Bernard Blatter quelle est la première œuvre qu’il ait véritablement vue. Il explique que sa mère avait placé sur son lit d’enfant une reproduction d’une vierge de Piero della Francesca. Il se souvient de l’émotion qu’il ressentait vers l’âge de quatre ou cinq ans, de la présence à la fois altière et digne. Bernard Blatter explique qu’il s’agissait d’un détail de la vierge qui se trouvait dans le cimetière de Monterchi. Cette fresque a été déplacée.
00:13:50 – 00:16:02 (Séquence 9) : Bernard Blatter aime autant l’expression visuelle que musicale. Il a l’impression que la musique l’a choisi. Il a eu une révélation pour la musique en entendant le concerto pour violon de Mozart joué par Jacques Thibaud. Cette œuvre lui a révélé instantanément la merveille de la musique alors qu’il était allongé, légèrement grippé. Dans les semaines qui suivirent, il a commencé à apprendre le violon, l’instrument dont Jacques Thibaud jouait admirablement. Pour Bernard Blatter, il y a dans le concerto pour violon de Mozart une légèreté, une sorte d’envol et en même temps de mélancolie. Il y distingue également une sorte de lumière. Bernard Blatter parle aussi de la sensation physique dans le fait de produire un son avec un instrument.
00:16:05 – 00:17:37 (Séquence 10) : L’interlocuteur demande à Bernard Blatter quelle sorte d’enfant il était. Il était un enfant terrible, un "bougillon", mais par moment aussi un contemplatif mélancolique. Il était le cadet et son frère, atteint d’une grave maladie, était en quelque sorte un mort en sursis permanent. Bernard Blatter a toujours eu conscience que la mort était là et n’était pas une chose se trouvant aux limites de l’existence. Cette ombre a toujours existé pour lui, tout comme la soif de vivre dont font preuve les malades.
00:17:41 – 00:19:26 (Séquence 11) : Bernard Blatter a suivi l’orientation peinture de l’Ecole cantonale des beaux-arts à Lausanne. Il est ensuite parti suivre les cours de l’Ecole Nissim de Camondo à Paris. Il s’agit de l’Ecole centrale des arts décoratifs qui prépare à devenir architecte d’intérieur, selon la définition de France. Dans cette école, Bernard Blatter a eu des professeurs extraordinaires et passionnants qui préféraient donner leur cours dans leur hôtel particulier entourés d’objets merveilleux plutôt que dans une salle de classe, et qui s’exprimaient dans une langue sublime, d’une richesse incroyable. La maison idéale de Bernard Blatter n’est pas une maison avec de grandes baies vitrées, ouverte sur l’extérieur mais plutôt une sorte de coquille où l’on peut se replier, entrer en soi-même.
00:19:30 – 00:21:00 (Séquence 12) : Bernard Blatter parle des objets qui l’entourent à l’intérieur de sa maison. Il y a derrière lui une sculpture de Jean Fautrier. Bernard Blatter aime infiniment cet artiste qui est un merveilleux graveur et dessinateur, un peintre passionné qui empoigne la masse picturale et un sculpteur qui n’a pas encore la place qu’il mérite. Bernard Blatter parle aussi du rapport qu’il a avec les œuvres de Bissier. Il prie avec Bissier et ses miniatures sont pour lui des sortes d’icônes mais libérées de leur côté figé. Les prières qu’il dit avec les œuvres de Bissier donnent la possibilité de s’élancer dans un espace à venir, tout comme le concerto de Mozart qu’il a évoqué précédemment.
00:21:04 – 00:24:57 (Séquence 13) : Bernard Blatter a été décorateur d’intérieur pendant une quinzaine d’années, cela l’a préparé au métier de conservateur de musée, métier qu’il ne s’attendait pas à exercer. Bernard Blatter enseignait l’histoire de l’art parallèlement à son activité de décorateur et, dans ce cadre, organisait des expositions assez importantes. Il avait aussi monté quelques expositions au Musée Jenisch qui se trouvait être un bâtiment un peu endormi, laissé à son état pendant plus de 70 ans. Bernard Blatter pense que c’est le succès de l’exposition intitulée "Les peintres du silence" qui a poussé le syndic Bernard Chavannes et certains autres acteurs veveysans à lui proposer la direction de ce musée. Bernard Blatter estime que les personnes qui ont fait appel à lui devinaient bien le chemin qu’il entendait faire prendre à l’institution. Bernard Blatter est infiniment redevable à ceux qui l’ont choisi, à savoir Michel Rossier, Gérard de Palézieux et Bernard Chavannes. Ils ont été pour lui des modèles par leur comportement dans la vie et leur travail. Bernard Blatter parle de la façon dont Michel Rossier, responsable de la musique à Vevey, a réussi à nouer des liens avec les artistes qu’il invitait et du fait qu’il se préoccupait plus de créer avec eux un chemin de vie que simplement la tenue d’un événement ponctuel. Bernard Blatter estime que cela relève de l’humanisme et d’un certain esprit de cité vivace à Vevey. En effet, depuis des générations, des personnes se consacrent bénévolement à faire vivre la cité de Vevey, nouant des relations importantes, avec Clara Haskil, Brendel et d’autres grands peintres, sculpteurs, poètes ou musiciens.
00:25:02 – 00:26:13 (Séquence 14) : Bernard Blatter explique que malgré son attirance pour un art secret, silencieux ou intime, il a toujours voulu donner un esprit d’ouverture à son travail, qu’il a toujours veillé à ne pas devenir sectaire. Bernard Blatter apprécie l’art qu’il nomme art du silence, celui devant lequel il faut s’effacer et devenir l’écoutant de l’autre. Bernard Blatter a monté des expositions d’artistes plus sonores, impératifs, drôles ou sarcastiques, parce que l’on a besoin de son contraire. Le public du Musée Jenisch a également besoin de ces différences. Bernard Blatter à l’impression que le public du musée est devenu au fil des ans un public d’amis, de fidèles.
00:26:18 – 00:29:15 (Séquence 15) : L’interlocuteur de Bernard Blatter lit une phrase de Saint Augustin, utilisée par Blatter en exergue du catalogue de l’exposition "Les peintres du silence" en 1981 : "Tard je t'ai aimée, beauté si antique et si nouvelle, tard je t'ai aimée. Et voilà, tu étais dedans et moi dehors, et c’est là que je te cherchais, en me ruant difforme vers ces belles formes que tu as faites. Tu étais avec moi, mais moi je n’étais pas avec toi". Bernard Blatter raconte une anecdote autour de cette phrase. Il l’a découverte lorsqu’il a lu Saint Augustin et elle lui a semblé tout de suite être une phrase clé de son existence. Il découvre plus tard, à travers les textes de Mercanton, Maurice Zundel, un des grands esprits de Suisse romande. En lisant l’œuvre de Maurice Zundel, Bernard Blatter tombe sur la même citation avec un complément qui dit : "Il faut se dévêtir de soi pour se revêtir de lui". Bernard Blatter estime avoir eu cette attitude envers les artistes qu’il a découverts et aimés. Il faut être disponible pour rencontrer l’autre, le recevoir.
00:29:20 – 00:31:12 (Séquence 16) : Bernard Blatter décrit le Musée Jenisch tel qu’il l’a trouvé lorsqu’il a été nommé directeur. Il consistait en un musée du XIXe siècle avec une collection de peintures à l’étage et une collection d’histoire naturelle au rez-de-chaussée. Bernard Blatter a repris le musée en 1982 et il a obtenu quelques donations importantes. En 1985, la Fondation Cuendet et l’Atelier de Saint-Prex étaient à la recherche d’un lieu pour abriter leurs collections. Cette demande tombait au moment où le musée étudiait la réfection d’une partie du bâtiment, elle a donc entraîné une réflexion nouvelle sur la transformation du rez-de-chaussée en un Cabinet cantonal des estampes. Ce cabinet est né de la réunion de la collection Cuendet et du fonds Decker, très vite suivie d’autres donations ou dépôts importants. Grâce à cela, le Cabinet cantonal des estampes compte aujourd’hui parmi les plus beaux de Suisse avec des ensembles remarquables de Dürer, Rembrandt, Canaletto, Bellotto ou encore Corot.
00:31:18 – 00:33:48 (Séquence 17) : Bernard Blatter raconte comment le Musée Jenisch a pu montrer des œuvres issues de collections privées, données ou déposées au musée ou à des fondations proches de lui. Bernard Blatter estime que c’est un élan conjugué qui constitue l’une des plus belles choses qu’il a pu vivre. Il trouve magnifique de constater que lorsque l’on est porté par l’enthousiasme, d’autres passions viennent s’y conjoindre et que cela aboutit à des actes d’une incroyable générosité. Les donateurs souhaitent souvent rester anonymes. Bernard Blatter souligne que certaines collections mises à la disposition du musée sont des collections ouvertes, que leur donateur continue d’augmenter et d’améliorer. Il y a une véritable volonté de construire avec et pour le public et pour un avenir, de constituer une collection parfaite qui permette à d’autres de ressentir les mêmes plaisirs.
00:33:54 – 00:35:25 (Séquence 18) : Bernard Blatter parle du monde de la gravure. C’est pour lui un monde qu’on lit : on fait la lecture d’une gravure. L’œil est invité à s’enfoncer dans un art en trois dimensions puisqu’il y a des creux dans le cuivre ou le bois. L’œil va être amené à s’enfoncer dans la profondeur des noirs, à deviner les variations d’un trait de pointe sèche sur une plaque de cuivre. Ce trait est donc bien souvent une abstraction, un trait de lumière, et va pouvoir être perçu dans une autre dimension. Bernard Blatter parle également des boursoufflures de l’encre, causée par le soulèvement d’une barbe lorsque l’on trace un trait sur le cuivre.
00:35:31 – 00:37:26 (Séquence 19) : Bernard Blatter a travaillé en étroite collaboration avec des poètes et des imprimeurs, pour l’édition de livres par exemple. Bernard Blatter se trouvait à la tête d’un lieu magnifique, puisque restauré et réaménagé, proposant une certaine intimité sans être impressionnant, comme le Louvre par exemple. Il a eu l’idée de convier des poètes à partager cet espace. Cela a donné lieu à des conférences dans lesquelles sont intervenus Jean Starobinski, Yves Bonnefoy ou encore Anne Perrier. Il y avait aussi des accrochages pensés en fonction des conférences. Le musée n’était plus seulement un espace d’exposition mais un lieu vivant. Bernard Blatter se souvient d’une lecture de texte d’Anne Perrier, alors qu’était accroché un autoportrait de Music semblant écouter cette grande poète vaudoise. Cette magie faisait partie de ce qu’était l’esprit du musée.
00:37:33 – 00:38:17 (Séquence 20) : L’interlocuteur demande à Bernard Blatter quel esprit il a voulu donner au musée. Il explique que ce serait l’esprit du partage, de la communion. Pourtant il n’a pas toujours montré des artistes qui étaient dans la même foi que lui, en exposant Giacometti par exemple. Bernard Blatter explique que l’important était pour lui de montrer des artistes porteurs de sens, car la qualité de la question lui importe plus que la réponse.
00:38:24 – 00:43:32 (Séquence 21) : Bernard Blatter parle de ses relations avec Zoran Music, car elles sont emblématiques des relations qu’il a entretenues avec les artistes. Music est un artiste que Bernard Blatter a découvert un peu au hasard par quelques œuvres vues dans l’arrière-fond d’une galerie et qui lui ont laissé une forte impression. Music est originaire de la région de Gorizia, entre la Dalmatie et Venise. Une région située à l’intersection de trois mondes, le monde vénitien, le monde des collines de la Dalmatie et le monde austro-hongrois à qui appartenait la Dalmatie lorsque Music est né. Music a connu un parcours tragique puisqu’il a été déporté à Dachau. Il est un des seuls à avoir dessiné dans le camp même. Il se réfugiait dans l’infirmerie parmi les malades du typhus, où les "capos" craignaient de se rendre. Il dessinait ce qu’il voyait à travers la fenêtre, soit des montagnes de cadavres. Il a raconté à Bernard Blatter qu’il pouvait exister une véritable beauté dans ce tragique. Pendant une vingtaine d’années, Music a réprimé ses souvenirs puis ils ont ressurgi avec véhémence dans sa série intitulée "Nous ne sommes pas les derniers". On y voit des cadavres squelettiques qui ouvrent leur bouche pour happer une dernière bouchée d’oxygène. A sa sortie de Dachau, Music montre que l’art est encore possible en retournant à Venise et en y peignant les œuvres les plus douces, les plus exquises et raffinées qui soient.
00:43:39 – 00:46:59 (Séquence 22) : Bernard Blatter a organisé une grande rétrospective des œuvres de Zoran Music, que l’on peut considérer comme à l’opposé d’un art du doute, des installations, des déchets. Bernard Blatter parle des derniers autoportraits de Music, réalisés alors qu’il avait fait une attaque et avait perdu la mémoire. Sans savoir qui il était lui-même, il réalisait des autoportraits. Cela rappelle à Bernard Blatter ce que l’on ressent lorsqu’on visite ses parents âgés et qu’ils nous reconnaissent un instant avant de se replier en eux-mêmes, en un lieu mystérieux et secret. Music, avec ses autoportraits, nous permet d’éprouver ce qu’il éprouve, parce que sa peinture est si forte et parce qu’elle use de moyens si dépouillés qu’ils disent l’essentiel. Bernard Blatter voit à travers ces œuvres ce qui est l’essence même de l’existence et de la dignité de l’homme. Il y a chez Music un dépouillement mais à aucun moment de la fatuité d’un ricanement supérieur qui flatte simplement son ego sans toucher autrui. Il y a partage alors que chez d’autres la finalité d’une œuvre ne se résume qu’à un tas de choses. Bernard Blatter voit dans cet art quelque chose de l’ordre de la fraternité, d’un en-soi qui va à la rencontre d’une finitude, d’un infini.
00:47:07 – 00:48:09 (Séquence 23) : L’interlocuteur demande à Bernard Blatter ce qu’est une ligne juste. Il estime que c’est une ligne dont le parcours, l’élan, la vitalité traduit parfaitement l’esprit dans toutes ses inflexions. C’est une ligne qui n’est pas seulement un parcours intellectuel mais qui est aussi un plaisir du geste, rapport de l’outil à la matière qu’il s’agisse de papier, de bois ou de toile. Cette ligne est une espèce de plénitude, une abstraction qui cesse d’être pour devenir vérité.
00:48:17 – 00:48:43 (Séquence 24) : Générique de fin du Plans-fixes consacré à Bernard Blatter, Directeur du musée Jenisch de 1982 à 2004, tourné à Montreux le 23 août 2005.
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