Jeanneret M. Golovtchiner L. (et le théâtre Boulimie)

  • Französisch
  • 2010-03-22
  • Dauer: 00:49:17

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Beschreibung

A l'âge de 5 ans, elle dit avec conviction vouloir faire du théâtre. Le gigantesque rire des adultes qui entendent cette déclaration devient prémonitoire quant à sa vocation. Depuis le 24 février 1970, date de l'ouverture du Théâtre Boulimie, Martine Jeanneret et Lova Golovtchiner, à la tête de leur troupe, font rire le public romand. Leur théâtre, qui s'installe dans les locaux de la «Soupe populaire» en plein centre de Lausanne, occupe une place à part dans l'offre théâtrale de la ville car il est essentiellement dédié à l'humour. L'histoire de cette réussite commence en fait en 1962 avec un spectacle qui s'intitule «Boulimie». Suivra le «Cabaret officiel» de l'Expo 64 puis, au bout de six ans de nomadisme, le théâtre que l'on connaît aujourd'hui. Bilan de ces 40 ans: 22 spectacles «maison», une vingtaine de créations (Woody Allen, Boris Vian, Raymond Queneau, Pierre Dac, etc.) et plus de 150 accueils. Le nombre de spectateurs- plus de quatre cent mille - scelle le succès jamais démenti de cette entreprise théâtrale.

00:00:00 – 00:00:08 (Séquence 0) : Générique de début du Plans-Fixes consacré à Martine Jeanneret et Lova Golovtchiner, le Théâtre Boulimie, et tourné à Lausanne le 22 mars 2010. L'interlocuteur est Jacques Poget.
00:00:08 – 00:01:19 (Séquence 1) : Depuis près de 40 ans Martine Jeanneret et Lova Golovtchiner font rire les Romands. L’interlocuteur leur demande comment se déroule leur travail. Lova Golovtchiner n’a pas une recette pour faire rire le public, cela demande beaucoup de travail et de bénéficier d’une chance de rencontrer un public qui est en phase avec ce qu'ils racontent. En effet même si on écrit pour se faire plaisir, il n'est pas certain que l'idée séduira l’assistance. Pour lui, leur chance est d’avoir assez souvent rencontré pendant quarante ans une audience réceptive à leurs créations.
00:01:20 – 00:01:25 (Séquence 2) : Générique de début du Plans-Fixes consacré à Martine Jeanneret et Lova Golovtchiner, le Théâtre Boulimie, et tourné à Lausanne le 22 mars 2010. L'interlocuteur est Jacques Poget.
00:01:27 – 00:03:43 (Séquence 3) : Martine Jeanneret et Lova Golovtchiner ont célébré les 40 ans du Théâtre Boulimie le 24 février 2010. En réalité, celui-ci a commencé à exister en 1962 dans la cave du théâtre universitaire. Il portait le nom du spectacle: le Cabaret-théâtre Boulimie. Ils ont choisi le nom avant la pièce et sans réelle raison. Lova Golovtchiner précise qu'ils avaient un petit projet de spectacle et savaient déjà que cela prendrait la forme d'un cabaret-théâtre. Un jour sur une plage au Danemark, un de leurs amis en voyage avec eux a lancé le mot "boulimie". Ils l’ont trouvé drôle et l'ont choisi comme nom. L'interlocuteur leur demande si c'est à cause de leur nom qu'ils sont allés dans des restaurants du cœur. Martine Jeanneret précise que s'ils se sont retrouvés dans plusieurs restaurants par la suite et qu'ils ont pris la place de celui de Lausanne, ce n’est qu’un pur hasard. Ce lieu qui correspondait à ce qu'ils cherchaient leur a été proposé par Bernard Meuwly, architecte de la Ville. Ils s'y sont installés et ont construit tout le théâtre de leurs propres mains, notamment les gradins en quatre mois avec l'aide d'un ami, Jean-Jacques Schenk, qui était un peu le maître d'œuvre, car Martine Jeanneret et Lova Golovtchiner étaient peu doués pour les travaux. Ils ont appris à planter des clous et ont décapé les parois pour ainsi restaurer entièrement le théâtre. Ils ont intitulé leur premier spectacle "L'oiseau mort, le gant et la pantoufle" car en faisant les travaux ils ont trouvé un jour une pantoufle, un autre un oiseau mort puis un gant. Comme ils sont toujours à la recherche d'un titre, ils ont trouvé que l'assemblage des ces mots était drôles ce qui a formé le titre de leur premier spectacle.
00:03:45 – 00:05:51 (Séquence 4) : Martine Jeanneret et Lova Golovtchoner ont toujours travaillé sans se soucier de la suite de leur carrière, en préparant leur saison d'année en année. Lova Golovtchiner n'a pas été obnubilé par l'idée de devoir s’engager dans une longue carrière. Ils ont passé beaucoup de temps à chercher ce qu'ils présenteraient l'année suivante, lui, en écrivant, elle, en lisant de nombreux textes. Pour Martine Jeanneret, il lui semble que ce sont seulement dix ans qui se sont écoulés depuis l’ouverture du théâtre. Ce sentiment est peut-être dû au fait que l’endroit, mis à part quelques aménagements, n'a pas changé de décoration depuis son ouverture. Les gradins qu'ils ont eux-mêmes fabriqués sont toujours présents et ils ont accueilli plus de 400’000 spectateurs. Une chose a cependant récemment changé : une station de métro à 50 mètres du "Théâtre Boulimie" a été construite. Ils en réclamaient une depuis 1970.
00:05:53 – 00:06:52 (Séquence 5) : L'interlocuteur demande à Martine Jeanneret et Lova Golovtchiner s'ils ont débuté en pensant mettre sur pied un théâtre consacré uniquement à l'humour. L'idée était déjà présente en 1962 quand ils souhaitaient créer un cabaret-théâtre. Leur spectacle Boulimie a été présenté à l'Exposition nationale de 1964. L'interlocuteur précise qu'ils représentaient le cabaret officiel de cet évènement qui les a fait connaître. Ils ont ensuite joué dans des salles lausannoises comme le Théâtre des Faux-Nez ou celui du Lapin Vert. Ils étaient alors à la recherche d'un lieu. Ils pensaient en avoir trouvé un à Lutry, mais le contrat n'a pas été conclu, ils ont alors pu accepter l'offre de l'architecte de la Ville de Lausanne.
00:06:55 – 00:09:10 (Séquence 6) : Lova Golovtchiner précise que quarante ans de Théâtre Boulimie représentent 22 spectacles "maison" qu'il a écrits, environ trente spectacles d'humour, de comédies, d'adaptations de pièces et de sketches ainsi que de nombreux accueils de représentations. En effet, il y a eu 150 spectacles qui ont été joués sur cette scène. Pierre Desproges a proposé de venir afin de roder son spectacle. Et 95 % des spectacles accueillis étaient des pièces dont ils avaient entendu parler ou qu'ils avaient vues. Ils ont reçu beaucoup de Suisses allemands et notamment les Mummenschanz qui débutaient leur carrière dans les années 1970-1971. Ils étaient deux lors de leur premier passage qui a été une fulgurante révélation. Ils sont allés rapidement à Paris puis à Broadway. Ils ont également reçu Emile qui a d'abord joué en suisse allemand. Sa représentation reste un beau souvenir : il provoquait de tels éclats de rire que Martine Jeanneret et Lova Golovtchiner étaient inquiets pour leurs gradins. Quand ils ont ouvert la location, il y avait une longue file d'attente et ils ont vendu tous les billets en quelques heures. Comme il jouait à ses débuts dans ce théâtre en langue suisse allemande, c'est principalement la communauté d’outre Sarine qui venait le voir. Ils l'avaient vu à Bâle. Eux-mêmes ne comprenaient rien, mais ils avaient trouvé qu'il était éblouissant et ils étaient ravis de l'accueillir chez eux. Lova Golovtchiner souligne que bon nombre de gens célèbres et d'autres moins connus se sont produits dans leur théâtre. C'était pour eux une époque formidable, car ils pouvaient révéler des talents et savaient qu'ils pouvaient attirer du public avec des noms inconnus et pas médiatisés.
00:09:13 – 00:11:05 (Séquence 7) : L'interlocuteur souligne que les comédiens les plus célèbres de ce théâtre étaient eux-mêmes, Lova Golovtchiner et Martine Jeanneret, et qu'ils avaient dès le début l'idée de créer un théâtre d'humour alors qu'ils étaient d'influence brechtienne. Martine Jeanneret réfute cette idée, car avant de rencontrer Lova Golovtchiner, elle a joué dans différents théâtres en Suisse romande et chez Planchon. Lui précise qu'entre les âges de 20 et 30 ans, on a envie de changer le monde et une mentalité militante, et l'auteur qui incarnait cette idée de transformation du monde c'était Brecht. Ils ont joué dans "Sainte Jeanne des abattoirs" et dans "l'Exception et la règle" sous la direction d'Alain Knapp et d'autres spectacles issus de cette mouvance. Ils aimaient l'humour et cela les a incités à créer le premier spectacle Boulimie. L'humour l'a emporté sur le militantisme théâtral. Ils n'ont pas décidé à l'avance de rester toujours dans le domaine humoristique, mais le public était avide de cette offre, de l'envie de rire. Lova Golovtchiner et Martine Jeanneret ont monté deux ou trois pièces de styles différents, plus dramatiques qu’amusants, mais empreints d’un ton grinçant telles que "Les Bâtisseurs d'Empire" de Vian. Ils étaient cependant un peu tristes de voir un public tranquille et se sont rendus compte qu'ils ne supportaient pas l'absence de rire. Pour eux, l’idée d’avoir une programmation de forme humoristique s'est imposée simplement. Cela les différenciait de l'offre des autres théâtres de la ville et diversifiait cette dernière.
00:11:08 – 00:13:08 (Séquence 8) : Martine Jeanneret est interrogée sur l'origine de son nom et sur son parcours qui l'a menée au Théâtre Boulimie. Elle explique que son nom n'est pas vaudois, elle est d'origine neuchâteloise. Dès son enfance, elle ressentait une étrange envie de pratiquer du théâtre, mais elle ne peut pas expliquer l'origine de son attrait pour cet art. Son envie inexpliquée de faire du théâtre est une sorte d'idée infuse, dont elle a regardé le sens, et qui s’avère être un don de la vie. Elle se souvient qu'un jour un ami de sa grand-mère, un auteur dramatique connu à Paris, lui avait demandé ce qu'elle souhaiterait faire quand elle serait grande et qu'il avait éclaté de rire quand elle avait répondu qu'elle désirait faire du théâtre. Elle se rappelle avoir été terrorisée par ce rire, mais elle a poursuivi dans cette voie. Il était bizarre à cet âge d'avoir un avis aussi catégorique et net, car elle n'avait jamais vu de théâtre. Plus tard, à l'école, elle n'avait qu'une idée en tête, celle de monter sur l'estrade et d'être en représentation. Ainsi elle s'organisait pour avoir toutes ses chances d'aller réciter des poésies, par exemple elle en apprenait plus que ses camarades. Elle demandait à réciter des poèmes tels que "Les Djinns" de Victor Hugo. Elle s'imaginait l'arrivée au loin de ces êtres surnaturels. Cette œuvre comportait à son commencement des vers courts, suivis de longs lorsqu'ils détruisaient tout sur leur passage, et à nouveau des vers brefs quand ils s'en allaient vers le lointain. Martine Jeanneret se souvient qu'elle pouvait prendre une voix toute petite pour les premiers vers, une énorme au milieu puis à nouveau la diminuer à la fin du poème.
00:13:12 – 00:14:29 (Séquence 9) : Martine Jeanneret affirme que la poésie était pour elle déjà comme le théâtre. Elle se souvient du poème "Les canards" de Miguel Zamacoïs pour lequel il fallait représenter les animaux évoqués et de la fable de La Fontaine "Les deux chèvres" dans laquelle les bêtes se font bousculer dans la rivière parce qu'elles ont l'une et l'autre la grosse tête. On lui avait demandé de réciter une poésie à une séance de clôture. Elle avait reçu un tonnerre d'applaudissements pour la fable "Le chat et le vieux rat" de La Fontaine, et se souvient d’être allée se cacher à cause de sa timidité. En elle habitait une sorte de dualité, opposant une envie d'être en représentation et de faire rire à une grande timidité qui l'a bloquée toute sa vie et contre laquelle elle a dû lutter. Il lui semble qu'elle arrive mieux à la dominer maintenant, mais cela reste un handicap dans ce métier de comédien.
00:14:33 – 00:16:19 (Séquence 10) : Martine Jeanneret a suivi des études et a passé son bac. Elle a dû un jour avouer à ses parents qu'elle désirait s’adonner au théâtre, ce qui a provoqué chez eux un éclat de rire plus impressionnant que celui qu'elle avait subi à l'âge de cinq ans et qu'elle évoque précédemment. Ses parents estimaient qu'elle n'était pas faite pour ce métier, car elle avait une santé faible et était timide. Le milieu théâtral les effrayait également. Son père était peintre, et bien qu'il fût lui-même artiste il a toujours refusé qu'elle se dirige dans cette voie. Elle a alors décidé de ne pas compter sur ses parents et de se débrouiller seule. Elle a attendu l'âge de la majorité pour choisir un cours de théâtre. Elle a suivi l'enseignement de Blanche Derval qui était un excellent professeur et qui a formé de bons comédiens tels que Nelly Borgeaud, Jean-Marc Bory et Lise Ramu. Martine Jeanneret pensait qu'elle ne pourrait pas jouer à Paris. Elle y est allée plus tard pour y passer des auditions et pour jouer avec Boulimie. Elle explique que ses parents souhaitaient qu'elle se fît "ausculter" par un professionnel. Par l'entremise d'un auteur dramatique qu'elle a évoqué déjà précédemment, elle a été reçue par Georges Chamarat et a été auditionnée à la Comédie française et chez Germaine Montero. Le verdict de ces entretiens lui a été favorable. Cela la satisfaisait complètement au point qu’elle avait décidé qu'elle ne suivrait pas l'université ni n’apprendrait un métier, car elle ne voulait pas avoir d'éventuelles portes de sortie.
00:16:24 – 00:17:38 (Séquence 11) : Martine Jeanneret a commencé à travailler dans des théâtres romands, mais elle n'était pas satisfaite par le travail, car à l'époque les spectacles étaient montés trop rapidement. Par exemple, la pièce "Les Femmes Savantes" dans laquelle elle jouait Henriette avait été préparée en quinze jours. On ne les aidait pas à trouver la "vérité du rôle". Elle a décidé d'aller tenter sa chance chez Planchon au Théâtre de Villeurbanne, qui était déjà très connu et où se jouaient des pièces telles que "Tartuffe" avec Michel Auclair. Elle a auditionné par exemple à Paris à l'Odéon et a été engagée ensuite pour figurer par exemple dans "Maître Puntila et son valet Matti" de Brecht ou "Iphigénie Hôtel" qui finalement n'a pas été monté. A cette époque, elle connaissait déjà Lova Golovtchiner et comme ils nourrissaient déjà l'idée de monter un petit cabaret, Martine Jeanneret a quitté Planchon après une année. Elle avait une amie qui a attendu pendant trois ans un rôle intéressant, mais il y avait très peu de femmes dans ce théâtre: il y avait 30 comédiens pour 4 comédiennes. Lova Golovtchiner et Martine Jeanneret avaient envie de réaliser des pièces drôles.
00:17:43 – 00:19:27 (Séquence 12) : L'interlocuteur demande à Martine Jeanneret si leur relation conjugale a commencé avant le duo théâtral. Elle pense que leur histoire d'amour a débuté trop rapidement. Lova Golovtchiner précise qu’ils se sont mis en couple au milieu de "Sainte Jeanne des abattoirs" montée par Benno Besson. Ils ont d'ailleurs dû sauter une répétition pour aller se marier, ce à quoi Benno Besson leur avait alors demandé la raison de leur absence. Depuis leur rencontre, ils ont toujours travaillé ensemble. Lova Golovtchiner nuance cette affirmation en précisant que Martine Jeanneret a joué dans une œuvre de Goldoni monté à Carouge par François Simon, et a collaboré à quelques pièces à son propre compte. Dès qu'ils ont ouvert le Théâtre Boulimie, elle n'a plus eu le temps de participer à d'autres projets à l’extérieur. Elle estime avoir eu la chance de posséder un théâtre à elle, sinon elle pense qu'elle aurait moins travaillé. Ses amies trouvaient des rôles avec difficulté. Elle souhaitait s’impliquer dans la mise sur pied d’un spectacle en participant intégralement à son processus: la première lecture, le choix des textes, le montage, le décor, la scénographie et la mise en scène en passant par la direction des acteurs. Elle a énormément appris chez Planchon.
00:19:33 – 00:20:59 (Séquence 13) : Pendant l'année où Martine Jeanneret a travaillé chez Planchon, elle a assisté à toutes les répétitions. Il y avait aussi Jacques Rosner qui était un formidable directeur d'acteurs. Elle a pu collaborer avec eux au cours de sa carrière à Boulimie. Elle n'a pas tout de suite proposé sa participation comme metteur en scène. Elle a débuté dans ce rôle en 1976-1977 avec une pièce de Roland Dubillard. C'est un auteur pour lequel il faut être proche du texte, car il est impératif de réussir à faire rire spontanément le public. Il est aussi nécessaire de trouver le ton juste. Elle considère que la mise en scène est liée à la mise en place du rire, celui du public. En prenant part au travail du comédien, il est possible de prévoir la réaction des spectateurs.
00:21:05 – 00:23:45 (Séquence 14) : L'interlocuteur interroge Lova Golovtchiner sur l'origine de son nom. Il explique que c'est un nom "bielo-juif", mais que lui est plutôt genevois. Le prénom Lova c'est la diminution de Léon en russe. Il pense d'ailleurs que Tolstoï était appelé Lova ou Liova. L'interlocuteur dit qu'il y a trois fils rouges dans sa vie et lui demande comment après avoir écrit un mémoire de licence sur Marivaux, il est devenu humoriste. Lova Golovtchiner précise que ces trois fils rouges se chevauchent. Il a passé son enfance à Genève où il a obtenu un baccalauréat puis il s'est installé à Lausanne où il a pratiqué du théâtre et a suivi parallèlement des études de Lettres. Il a rejoint ensuite le théâtre même s'il était déjà très présent auparavant. Directement après la réalisation de son mémoire, il a été engagé comme remplaçant titulaire au Gymnase de la Cité pour enseigner la littérature. Il a occupé ce poste durant sept ans. Il a remplacé tous les professeurs de français qui prenaient des congés pour des raisons diverses telles que prendre une année sabbatique ou terminer une thèse de doctorat. Le deuxième fil rouge de sa vie est le théâtre. Avec ses amis, à l'école primaire, il montait des spectacles comme "Barbe bleue" ou "Guillaume Tell", dans la cour d'un immeuble et faisait payer les parts de gâteaux confectionnés par les mamans. Il se souvient bien de son rôle de Joseph qu'il a joué dans le spectacle de Noël de l'école, car il avait une réplique affreuse. Il disait à Marie qu'il la protégerait. Ce rôle était interprété par une fille qui avait de la force et qui plaquait tous les garçons au sol. Il avait alors honte de réciter cette phrase. Dans sa jeunesse, il allait au théâtre tout seul voir une troupe appelée "Le petit studio" qui jouait les dimanches après-midi à Genève des adaptations de "Poil de carotte" et de "Sans famille" d'Hector Malot.
00:23:52 – 00:24:50 (Séquence 15) : Vers l'âge de seize ou dix-sept ans, Lova Golovtchiner s'est rendu avec un ami au Festival d'Avignon durant trois années consécutives. Cet événement a été pour lui une révélation. Il a été ébahi par le Dom Juan avec Jean Vilar et Daniel Sorano. Il garde un merveilleux souvenir d'une pièce qu'il considère comme l'un des plus beaux spectacles de sa vie, "Les Caprices de Marianne" avec Geneviève Page, Gérard Philippe et une musique de Maurice Jarre joué dans la Cour d'Honneur du Palais des Papes. Cela lui a donné envie d'être un peu acteur. Avec des amis du quartier, collégiens comme lui, ils ont monté "Georges Dandin" puis "Guichet" de Jean Tardieu. Ils ont fait une tournée de dix représentations en Suisse romande pendant un été. Ils ont par exemple joué dans la cour du château d'Yverdon, au Casino de Vallorbe et dans la salle de fête de Château-d'Œx.
00:24:57 – 00:25:51 (Séquence 16) : Lova Golovtchiner a passé son baccalauréat. Il avait entendu parler des Faux-nez à Lausanne et sans avoir de visées professionnelles, il souhaitait continuer le théâtre. Il a pris contact avec Charles Apothéloz qui l'a accepté dans la troupe. Elle était bien établie, existait depuis près de dix ans et comptait des gens comme Abplanalp, Jacqueline Burnand, Marcel Imhoff. Lova Golovtchiner s’est produit pendant près d'un an et demi, entre autres dans "Sainte Jeanne des abattoirs" et il a participé à une pièce de O'Casey sous la direction de Mentha. Lova Golovtchiner s'est aussi occupé du Théâtre universitaire dans lequel il a joué, mais aussi pour lequel il a mis en scène et qu'il a présidé. C'est dans le cadre de ce théâtre que le premier spectacle Boulimie a eu lieu.
00:25:58 – 00:28:43 (Séquence 17) : Lova Golovtchiner explique que le troisième fil rouge dans sa vie est le sens de l'humour l’accompagnant dans sa passion théâtrale. Dans sa famille, on aimait l'humour, ils écoutaient beaucoup la radio en famille et les émissions de variétés. Ils étaient des auditeurs inconditionnels de l'émission "Le Bonjour" de Jack Rollan le mardi à 13h avec son père lorsqu'il n'était pas en voyage. Il se souvient que vers l'âge de dix ou onze ans il est allé en vacances à Paris avec sa mère. Les amis qui les accueillaient lui ont demandé ce qu'ils souhaitaient visiter. Il se souvient d’avoir formulé le désir de voir Robert Lamoureux qui était alors le grand comique de l'époque. Ils sont allés aux Trois Baudets et ont vu "La chasse au canard". Il y avait un homme qui embrouillait tout le spectacle, c'était le pianiste Darry Cowl. Il a eu l'occasion de le revoir par la suite en tant que spectateur et dans des films. A ce lieu est associé un souvenir du "Théâtre Boulimie". Son patron Jacques Canetti a fait passé un enregistrement des sketches de Boulimie à la radio et les a fait écouter à Pierre Dac. Au cours d’un après-midi ils ont vu arriver ce petit monsieur un peu rondouillard et très charmant. Adolescent, il enregistrait avec ses amis des sketches pour l'école et quand ils avaient une heure de libre ils passaient des bandes préenregistrées. Plus tard, après avoir découvert Poiret et Serrault, il a découvert à Genève le cabaret le"Moulin à poivre" fondé par Bernard Haller avec Pierre Raymond, Catherine Charbon, Michel Soutter, [ Jean-pierre Rembalgo ] et [ Gilbert Divonne ]. Ils jouaient dans de toutes petites salles à l'étage dans des bistrots. Ce cabaret lui a donné l’envie d'imaginer la création d'un spectacle semblable. C'est plus tard et sur la base des souvenirs de ce cabaret que Lova Golovtchinet et Martine Jeanneret ont créé un spectacle boulimie qui alternait des gags, des sketches et des chansons.
00:28:51 – 00:31:01 (Séquence 18) : Peu après l'ouverture du Théâtre Boulimie, Lova Golovtchiner a commencé à animer l'émission radiophonique "La Tartine". Celle-ci a duré près de 27-28 ans. Il a participé à des programmes qui ont marqué l'histoire de la radio et de la télévision tels que "Au fond à gauche", "Cinq sur cinq" et "le Fond de la corbeille" en 1989. Ses envies de théâtres se sont évanouies pour laisser place à l'humour. Il a éprouvé un plaisir différent en faisant de la télévision. Il n'y a pas de public, c'est donc un peu un travail dans le vide, car personne ne rit excepté parfois les caméramans. C'est devenu pour lui une passion et un défi de travailler à chaud sur l'actualité, car elle ouvre la possibilité de travailler sur de nombreux sujets et selon divers angles d'attaque. Il n'a jamais eu la sensation de se répéter ou de faire un travail répétitif. L'actualité est une des sources d'inspiration de Boulimie. Il écrit ses spectacles en songeant à une tournée en Suisse romande l'année suivante, il devait donc rester compréhensible.
00:31:09 – 00:34:26 (Séquence 19) : Martine Jeanneret et Lova Golovtchiner comptabilisent quarante ans de Théâtre Boulimie et autant de vie commune. Ils codirigent les lieux sans trop de disputes et se sont répartis les tâches naturellement. Chacun s'était dirigé ce vers quoi il avait le plus d'affinités. Ainsi, Lova Golovtchiner est chargé de la partie administrative, car Martine Jeanneret avait essayé à une époque de gagner sa vie en tant que secrétaire, mais elle a finalement dû prendre quatre mois de repos forcé. Lova Golovtchiner souligne que chez certains couples les tâches sont distribuées à l'avance : l'un se charge des courses alors que l'autre de la cuisine, de même, l'un s'occupe de la lessive et le second du repassage, mais pour eux cela ne se passe pas comme cela. Martine Jeanneret et Lova Golovtchiner ont souhaité avoir un enfant. Ils ont d'ailleurs appris la nouvelle de la future naissance de leur enfant au moment où on leur attribuait les lieux où ils se trouvent encore actuellement. Cela a été une magnifique année, la naissance de leur théâtre et celle de leur enfant. Pour en revenir aux tâches, elle s'est chargée de gérer les costumes et accessoires. Elle en possède un grand nombre ainsi que des meubles qu'elle restaure elle-même, comme le raccommodage de vêtements ou la réparation de l'équipement électrique d'une lampe. Ils gèrent ensemble toutes les autres besognes liées au théâtre. Lova Golovtchiner considère que ce n'est pas un métier si difficile et qu'il n'est pas indispensable de passer par l'université ou de suivre des cours de gestion pour diriger un théâtre. Il est nécessaire d'être honnête et de payer les gens. Il assume la communication, tâche que Martine répugne. Par exemple il répond seul aux interviews. Il a cependant réussi à la convaincre de participer à ce film Plans-Fixes.
00:34:34 – 00:37:19 (Séquence 20) : Lova Golovtchiner explique que c'est un théâtre public et privé. Ils touchent des subventions, mais ils n'en avaient pas à leur début. Ils se sont aperçus que pour faire survivre le Théâtre avec l'argent dont ils disposaient, il fallait que les spectacles qui avaient du succès puissent avoir une vraie durée de vie. Ils ont choisi de le gérer comme un théâtre privé parisien, c'est-à-dire de prolonger les représentations qui marchent. Martine Jeanneret aime qu'une pièce soit jouée longtemps et déplore le fait de faire jouer un comédien sur quinze jours, car les nouveaux éléments sont progressivement découverts. Ils ne regrettent pas d'avoir renoncé à l'abonnement et l'avantage de ce choix est qu'ils n'ont pas l'obligation d'interrompre un spectacle en plein succès. Par exemple, ils ont joué des spectacles entre 60 et 126 fois. Ils ont pu étaler leurs spectacles sur des saisons entières moyennant une subvention qui ne leur permettait que deux productions par an et un ou deux accueils. Grâce à cette manière de programmer, ils ont tenu durant quarante ans. La rumeur selon laquelle ils pré-programmeraient leur prolongation est fausse. Ils choisissent cette option quand ils commencent à refuser du monde. Martine Jeanneret souligne que le public doit venir avant d'attendre les prolongations.
00:37:28 – 00:38:38 (Séquence 21) : L'interlocuteur demande à Martine Jeanneret et Lova Golovtchiner comment ils se partagent le travail artistique quand ils montent une pièce. Elle lit beaucoup de textes de théâtre. Auparavant, elle cherchait des textes parmi des auteurs comme Pierre Dac, Raymond Queneau et Roland Dubillard. Maintenant, il s’agit principalement de pièces qui sortent à Paris. Il est difficile de trouver un bon texte fort. Lova Golovtchiner explique qu'il faut aussi une distribution restreinte, car ils ne peuvent pas dépasser cinq ou six comédiens, et un décor peu envahissant, car l'espace au Théâtre Boulimie est restreint. Ils doivent être séduit par l’écriture de l’auteur qui doit contenir un aspect d'humour.
00:38:47 – 00:41:51 (Séquence 22) : L'interlocuteur invite Martine Jeanneret et Lova Golovtchiner à définir un "humour boulimique". Lova Golovtchiner dirait qu’il n'est pas facile d’en proposer une définition. Il considère que l'humour doit résister à l'écrit et qu'il n'est pas dû seulement à la performance du comédien. La caractéristique des spectacles boulimies, c'est la diversité et la variété. Ils ont toujours joué des spectacles à trois, puis à quatre et depuis treize ans à cinq comédiens avec Kaya Güner, Frédéric Gérard et Samy Benjamin. Les spectacles offrent une alternance de chose plus longue à deux ou à trois, à une époque où les gens sont saturés par les one-man-show, il pense qu'ils sont ravis de voir cinq personnalités différentes. Ce sont des comédiens qui ont leurs propres ressources, qui font rire différemment, et qui incitent l'auteur à créer des choses pour eux. Lova Golovtchiner a écrit par exemple des sketches pour Samy Benjamin et Martine Jeanneret qu'il ne pourrait pas jouer lui-même. L'identité de Boulimie réside dans la variété des jeux. Il donne l'exemple d'un sketch qui appartient à leurs classiques de ces dernières années : "La partie de Pralinés". La pièce met en scène des gens qui jouent à ce qui ressemble à une partie d'échecs, mais d'une manière tellement arbitraire que l’on ne comprend rien aux règles de jeu. Chaque fois qu'un joueur prend une des pièces de l'autre, il la mange, car ce sont des pralinés. Il n'est donc pas possible de tenir un rôle en solo durant cette scène. Plusieurs "sketches théâtraux" exigent la présence de plusieurs comédiens, car ils sont composés de dialogues. Lova Golovtchiner pense que leurs spectateurs sont très sensibles à ce type de jeu et au mélange d'humour. Il en existe cinq ou six types qui coexistent à l'intérieur d'un même spectacle Boulimie et qui portent par exemple un regard sur la société, sous forme de satire ou de critique, ou bien de façon burlesque et loufoque comme la pièce évoquée précédemment. Il y a aussi des sketches qui s'inspirent de la vie quotidienne et qui résultent de l'observation de ce que l’on est.
00:42:00 – 00:42:55 (Séquence 23) : Lova Golovtchiner part du principe que les gens n'ont pas tous le même sens de humour, mais que tous possèdent le sens d'un certain humour. Par exemple il y a des gens qui sont perdus face à des choses qui sont trop absurdes et ils vont se retrouver face à un sketch qui a trait directement à l'actualité, de manière satirique. Il est donc nécessaire de trouver le juste dosage entre les formes d'humour et de rire. Martine Jeanneret précise que les cinq comédiens de Boulimie n'ont pas forcément le même humour, mais l’expriment d’une même façon à l’intérieur du spectacle, selon Lova Golovtchiner. Les deux interviewés ont, quant à eux, le même sens de l’humour. Lova Golovtchiner peut cependant imaginer qu'il y a des choses que les autres n'aimeraient pas forcément écrire, car ils ont des personnalités distinctes, mais il y a un amalgame qui se crée entre eux et qui caractérise Boulimie.
00:43:05 – 00:44:49 (Séquence 24) : On les invite à parler du travail d'écriture. Martine Jeanneret précise que Lova Golovtchiner écrit tout seul. Il se lève à 4h30 du matin tous les deux étés et s'enferme dans le salon-bibliothèque jusqu'à 9h-10h du matin. Sa mission à elle consiste à lire les textes qu'il lui présente. Si elle aime ce qu'il a écrit, la journée se déroule agréablement. Elle précise que Lova Golovtchiner est collaborant, car il accepte toujours de remanier ou de raccourcir un texte quand il est trop long ou quand des éléments paraissent moins drôles que d'autres. A la fin de l'été, les sketches forment une pile de papier, soit presque la matière pour deux spectacles, mais cela se résorbe après la première lecture avec des amis et des comédiens. Ils coupent des segments également au moment des répétitions, puis parfois aussi lors de la générale. Ils arrivent finalement à une durée de spectacle d'une heure et 50 minutes. Lova Golovtchiner explique qu'il y a une progression dès la fin de l'écriture qui va dans le sens d'un diminuendo. Il y a aussi un travail qui vient sur scène. Les cinq comédiens décident ensemble de ce qu'ils vont faire. Lova Golovtchiner propose parfois, comme pour le sketch des passages à piéton, un schéma de départ, puis chacun apporte sa contribution. Ils présentent un sketch sur les prestations telles qu'elles sont offertes aujourd'hui par la société, là aussi il y a une contribution de chacun des comédiens.
00:44:59 – 00:45:41 (Séquence 25) : L'interlocuteur souligne qu'ils ont des sketches réellement durs, par exemple sur la mort ou sur les prêtres pédophiles. Lova Golovtchiner explique qu'ils sont à la frontière de l’incorrect mais qu'il y a un public sensible à l'humour noir ou macabre, même si certaines gens le trouve grinçant et pensent que ce sont des sujets à ne pas traiter. Il estime cependant que si le sketch est réussi il ne faut pas avoir peur de le jouer. Il cite la phrase "on peut rire de tout", mais, ajoute-t-il, "pas avec n'importe qui". Au moment où les sketches sont présentés sur scène, ils rient de tout avec n'importe qui, sauf que le spectateur avant de venir au théâtre sait en principe ce qu'il vient voir. Si celui-ci déteste le Théâtre Boulimie, parce qu'il n'a jamais aimé les spectacles précédents, nulle ne l'oblige à revenir.
00:45:52 – 00:47:05 (Séquence 26) : L'interlocuteur dit qu'un des sketches les plus anciens de Boulimie est celui de "La lettre de condoléances" et demande à Martine Jeanneret et Lova Golovtchiner quelles en ont été les sources. Elle explique qu'il a été écrit d’après une "inspiration maison", c'est-à-dire à partir de ce qui se passait chez eux. La matière de ce sketch est venue à la suite du décès des parents d'un ami de Lova Golovtchiner pour lesquels ils ont essayé de rédiger une lettre de condoléances à deux. A chaque fois qu'il essayait de manifester son chagrin, elle cherchait à savoir s'il l’exprimait de manière adéquate. Finalement ils étaient tellement morts de rire qu'ils ont décidé de l'écrire et Lova l'a terminé. C'est un sketch intemporel, il a été réalisé vers 1968 et marche toujours aussi bien. Ils ne peuvent plus écrire une lettre de condoléances ensemble. Plusieurs sketches s'inspirent de leur propre vie quotidienne : par exemple il souille facilement de taches ses habits à cause de sa maladresse, quant à elle, elle ne cherche pas à faire le ménage et rouspète tout de suite. Ils se sont aperçus que de nombreux spectateurs vivent la même scène chez eux.
00:47:17 – 00:48:33 (Séquence 27) : L'interlocuteur demande à Martine Jeanneret et Lova Golovtchiner s'il y a un message Boulimie après quarante ans d'humour en Suisse romande. Pour eux, ce qui leur importe est la notion de plaisir. Au début de leur aventure, Lova Golovtchiner se disait qu'ils allaient peut-être dire des choses qui allaient changer le monde. Ils reçoivent souvent des témoignages de gratitude des spectateurs pour les moments qu'ils ont passés au théâtre. Lova Golovtchiner souligne que lorsqu'on est jeune on ne prête pas attention à ces messages, mais que finalement on se dit que c'est formidable d'avoir soulagé des gens et de leur avoir fait oublier un instant leurs légers maux. Lova Golovtchiner ajoute que si en plus de donner du plaisir aux gens, ils donnent une voix à des pensées qui les remuent, mais qu’ils n’arrivent pas à formuler, cela le satisfait. Pour eux, ce sont ces éléments qu'on peut attendre d'un spectacle Boulimie et ce vers quoi ils ont tendu depuis 40 ans.
00:48:45 – 00:49:04 (Séquence 28) : Générique de fin du Plans-Fixes consacré à Martine Jeanneret et Lova Golovtchiner, le Théâtre Boulimie, et tourné à Lausanne le 22 mars 2010.
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