Jacques Chessex (Ecrivain)

  • français
  • 1988-03-26
  • Durée: 00:50:57

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Description

Poète et romancier, Prix Goncourt 1973 pour "L'Ogre", Jacques Chessex retrace dans ce film les étapes de sa création, sa découverte de la poésie, ses premiers contacts à Paris avec la Nouvelle Revue Française, Arland, Ponge. Il dresse aussi les portraits des écrivains qu'il aime, Gustave Roud, Maurice Chappaz, Flaubert, Hemingway et bien d'autres. Le film s'achève sur une profession de foi entrée comme telle, de vive voix, dans la liste de ses œoeuvres.

00:00:00 – 00:00:11 (Séquence 0) : Générique de début du Plans-fixes consacré à Jacques Chessex, écrivain, et tourné à Ropraz le 26 mars 1988. L'interlocuteur est Bertil Galland.
00:00:11 – 00:02:38 (Séquence 1) : L’interlocuteur de Jacques Chessex, Bertil Galland, situe l’entretien. Il a lieu au printemps de l’année 1988 à Ropraz. Depuis sa première œuvre en 1954, Jacques Chessex a publié une trentaine de livres. Il sera difficile de faire le tour dans la durée de l’entretien du jaillissement poétique et de la vie de Jacques Chessex. Pour commencer, Jacques Chessex est invité à lire un de ses derniers poèmes tiré du recueil "Le calviniste" et intitulé "L’aveugle".
00:02:38 – 00:05:11 (Séquence 2) : Jacques Chessex tente de se souvenir du moment de son enfance où il a senti naître un sentiment poétique face à la vie, face aux choses. Aussi loin qu’il s’en souvienne, il a toujours ressenti l’émotion poétique et le besoin de la dire. Très tôt, il a ressenti la nostalgie de l’expression, il a été frappé par la beauté de la nature, des êtres, la splendeur animale, la végétation, la naissance, du printemps par exemple. Il a grandi proche de la nature, des ruisseaux, des animaux, dans la campagne non loin de Payerne dans la Broye. Jacques Chessex a ressenti très tôt un besoin profond, irrépressible de dire, d’exprimer pour faire durer ce qui était mortel, les saisons, les êtres. Il a commencé par des sortes de mélopées intimes qui l’ont amené à écrire à l’adolescence.
00:05:11 – 00:05:48 (Séquence 3) : Jacques Chessex a sans doute choisi l’écriture plutôt que la musique ou la peinture qui l’attiraient également, car son père écrivait. Il venait par son grand-père, puis son père, d’une famille d’hommes qui avaient la main à la plume, qui ouvraient des livres, qui écrivaient des livres. Il a toujours vu son père écrire, corriger des épreuves, c’est donc par l’écriture qu’il s’est très tôt exprimé.
00:05:49 – 00:08:42 (Séquence 4) : Après Payerne, Jacques Chessex a étudié au collège de Béthusy à Lausanne, qui s’appelait à cette époque le collège classique cantonal. Jacques Mercanton y enseigna puis Jacques Chessex lui-même. Jacques Chessex doit ensuite quitter le pays de Vaud dans des circonstances pénibles, alors que sa famille se divise. Il part pour Fribourg. On l’inscrit au collège Saint-Michel où il obtiendra son bac en 1952. On lui demande ce que lui a apporté la dimension catholique de Fribourg. Jacques Chessex indique que Fribourg lui a apporté une dimension métaphysique fondée sur une philosophie et sur l’observation d’une religion vivante, à travers une ferveur incarnée par le peuple fribourgeois et certains êtres privilégiés qui étaient ses professeurs, maîtres à penser, à Saint-Michel. Jacques Chessex veut parler de l’Abbé Dutoit, grand latiniste, de l’Abbé Carrier, spécialiste de la littérature du Moyen Age et de la Renaissance française, et du père Emonet, maître de philosophie. Ce professeur, par son exemple vivant, son exaltation philosophique, sa simplicité pratique et religieuse, n’a pas cessé d’illuminer l’existence de Jacques Chessex.
00:08:44 – 00:10:44 (Séquence 5) : Gilbert Salem a décrit Jacques Chessex durant la période de ses études comme un "dandy bagarreur". Jacques Chessex se souvient que, jeune homme, il avait l’impression d’être un curieux mélange lorsqu’il s’initiait à la lecture de Platon, Aristote, Saint-Thomas ou des grands poètes latins comme Virgile, des élégies, d’Horace, de Saint Ambroise. Un mélange de violence et d’esprit de revanche dus à une exigence élevée envers lui-même et envers son pays. Jacques Chessex se dit aussi un peu dandy et bagarreur, un peu mercenaire, avide de toutes sortes de joies humaines, mondaines, mais doté d’un appétit de science, de réflexion, et d’un esprit d’investigation philosophique et rhétorique, qu’il juge rétrospectivement exceptionnel.
00:10:47 – 00:12:52 (Séquence 6) : Jacques Chessex a étudié à la Faculté des lettres de l’Université de Lausanne et parle des rapports entre les écrivains et l’université. Bertil Galland évoque la méfiance exprimée par les "Cahiers vaudois" et notamment Paul Budry. De nombreux autres auteurs sont passés par la Faculté des Lettres de Lausanne, comme Ramuz, Roud, Mercanton, Velan, Jaccottet. Jacques Chessex explique que la Faculté des lettres leur a donné des professeurs ayant un sens aigu de la littérature et même de l’écriture. Il pense à Gilbert Guisan, homme très rigoureux, passionné de rhétorique et qui lui a enseigné la lecture des textes selon leur ton mais aussi leur forme, leur structure. Il pense à Jacques Mercanton qui souhaitait enseigner la couleur et la musique des œuvres, leur timbre. Jacques Chessex qualifie Gilbert Guisan de méthodique et Jacques Mercanton de romantique.
00:12:55 – 00:13:55 (Séquence 7) : Jacques Chessex a écrit des chroniques sur l’invitation de Franck Jotterand à la Gazette littéraire, chroniques qui l’ont fait connaître des lecteurs de Suisse romande et de France. La Gazette littéraire était un journal sérieux et élégant, parfois drôle, très bien mis en page, qui avait un impact très fertile sur une population de lecteurs francophones. Alors qu’il était très jeune, Jacques Chessex était chargé de la chronique du roman tenue auparavant par Marcel Arland qu’il retrouvera par la suite à "La Nouvelle revue française".
00:13:59 – 00:15:42 (Séquence 8) : Après avoir publié lui-même "Le jour proche" "Aux miroirs partagés", Jacques Chessex rencontre Henri-Louis Mermod qui le fascinait alors qu’il était enfant puis adolescent. Il se souvient des volumes très soignés se trouvant dans la bibliothèque de son père et que publiait Mermod. Jacques Chessex a aussi découvert la poésie suisse à travers des auteurs publiés par Mermod, comme Gustave Roud, Pierre-Louis Matthey, Ramuz, Edmond Gilliard, Philippe Jaccottet ou Charles-Albert Cingria. Il est impressionné par la qualité de l’œuvre de cet éditeur qu’il qualifie d’artiste de l’édition. Jacques Chessex estime que c’est son côté sensuel et sensoriel qui l’a amené à Mermod, le goût des belles choses, de la plastique éditoriale. Lorsque Mermod a accepté les poèmes qu’il lui proposait, Chessex en a été heureux car il lui semblait qu’il entrait, grâce à lui, dans une sorte de classicisme vaudois.
00:15:46 – 00:16:52 (Séquence 9) : Jacques Chessex a rencontré à Paris tout le milieu de "La Nouvelle revue française", la NRF. Il a d’abord rencontré Jean Paulhan puis Marcel Arland. Il ne le rencontrait pas dans les bureaux feutrés de la NRF, mais chez lui ou aux Arènes de Lutèce pour jouer aux boules. Paulhan appréciait le fait que Chessex aime Auberjonois et Ramuz, mais surtout Charles-Albert Cingria. Ils avaient des conversations stupéfiantes pour le jeune homme qu’il était et Paulhan semblait tout connaître et parlait des gens et des choses avec un humour à la sévérité extrême.
00:16:57 – 00:18:19 (Séquence 10) : Jacques Chessex a passé quelques semaines chez Marcel Arland à Brinville en Seine et Oise. Il aimait la fureur concentrée d’Arland, sa folie, sa noirceur. Il se souvient de soirées où ils buvaient ensemble de la prunelle faite par la mère d’Arland et que ce dernier devait aller chercher en haut d’un placard à l’aide d’un tabouret car son épouse Jeanine l’avait confisquée. Ces soirées étaient très étonnantes et fécondes, car Marcel lui racontait son entrée à "La Nouvelle revue française", ses rencontres avec André Gide, Paul Valéry, Martin du Gard ou ceux de la nouvelle génération Tardieu, Frénaud. Comme Paulhan, Arland aimait la peinture et les peintres et connaissait bien les écrivains suisses. La relation que Jacques Chessex a eue avec Arland était amicale, confiante, parfois entrecoupée d’éclats, et féconde pour Chessex, pour son écriture, car Arland le poussait à écrire des nouvelles, à tenir une chronique pour la NRF, l’encourageait à faire de la prose.
00:18:24 – 00:20:18 (Séquence 11) : Jacques Chessex a fait lire à Paris, à Marcel Arland et à Georges Lambrichs, son premier recueil en prose "La tête ouverte", qui est un récit fait de fragments. Jean Starobinski que Jacques Chessex a eu la chance de bien connaître a lu "La tête ouverte" et a montré à Chessex le pouvoir qu’avait la prose de le révéler à lui-même. Bertil Galland témoigne du sentiment de jubilation qui a saisi les lecteurs lorsqu’est paru ce texte. Il explique cela par le fait que Jacques Chessex changeait avec ce court récit le ton de sa propre œuvre lyrique mais aussi le ton de la littérature suisse romande. Le personnage du renard est, selon Bertil Galland, le précurseur de la suite de l’œuvre de Chessex. Jacques Chessex ressent aussi ce texte comme un tournant, car jusque-là il était un poète élégiaque et "La tête ouverte" lui a donné l’humour, la liberté de mouvement et une sorte de sinuosité dans le récit en lien avec le personnage du renard, une franchise d’allure, mais aussi l’esquive, l’attention et la fuite.
00:20:24 – 00:21:03 (Séquence 12) : Jacques Chessex parle du renard, personnage de "La tête ouverte", qui lui a donné conscience de sa parenté extrême avec certains animaux, ceux qui savent à la fois se cacher et attaquer, se retirer pour réfléchir, nous faire risette puis nous sauter à la gorge ou nous griffer. Jacques Chessex estime que son masque est à la fois celui du renard de "La tête ouverte" et du chat de certains de ses poèmes en prose. Le monde animal avec ses paniques, son sacré, n’a pas cessé de le hanter.
00:21:10 – 00:23:57 (Séquence 13) : Bertil Galland s’exprime sur l’œuvre de Jacques Chessex, de "La tête ouverte" dans lequel un ton très personnel apparaissait à l’année 1967 où parurent "La confession du pasteur Burg", "Reste avec nous", un essai sur Cingria et "L'ouvert obscur". Bertil Galland commente la variété de ces œuvres et y décèle une inspiration venue de Calvin ou de Velan dans "La confession du pasteur Burg", un ton "Nouvelle revue française" dans d’autres œuvres, une réponse au "Portrait des Valaisans" de Chappaz dans le "Portrait des Vaudois". L’interlocuteur demande à Jacques Chessex si cette admiration fascinée, ces inspirations lui ont permis d’avancer dans sa propre œuvre par la conquête de registres successifs. Jacques Chessex aime cette notion de registre et compare son travail d’écriture au fait de jouer d’un orgue, de pouvoir se servir des voix les plus diverses pour atteindre à une sorte de symphonie. Avant 1967, Jacques Chessex avait écrit des élégies, comme dans "Une voix la nuit" ou "Batailles dans l’air", ou un récit enjoué, avec "La tête ouverte". Il a souhaité ensuite s’essayer à des genres, à des écritures audacieuses, différentes, et dont la réunion allait constituer un tout. Un orgue est un instrument possédant toutes les voix. Jacques Chessex voulait que toutes ces voix puissent retentir dans ce qu’il faisait, de la critique ou du récit, du poème ouvert dans "Reste avec nous" et plus hermétique ou hanté dans "L’ouvert obscur".
00:24:05 – 00:24:50 (Séquence 14) : Bertil Galland suggère à Jacques Chessex de faire sortir des limbes et saluer les écrivains qu’il aime, à la façon de "La divine comédie" de Dante. Jacques Chessex commence par Ernest Hemingway qui a toujours été son modèle par son courage, son défi à la peur, son abnégation à la douleur et sa fascinante audace à écrire sous les cornes du taureau.
00:24:58 – 00:25:17 (Séquence 15) : Jacques Chessex évoque Francis Ponge qui lui rappelle de se méfier du romantisme qui est en lui et de le dominer, de pratiquer une rhétorique décapante, de couper son arbre en quelque sorte pour qu’il pousse mieux.
00:25:25 – 00:26:00 (Séquence 16) : Bertil Galland parle d’une ressemblance physique entre Jacques Chessex et Gustave Flaubert. Pour Jacques Chessex, Flaubert est le maître dans l’écriture et il est tenté de l’appeler "Mon Flaubert". Quoi qu’il arrive, quelque désert que l’on traverse, il y a à combler ce vide par la masse de l’écrit sans cesse remis sur le métier malgré les dégouts et les fatigues. Il faut avancer dans l’écriture héroïquement, heure par heure.
00:26:09 – 00:26:36 (Séquence 17) : Jacques Chessex évoque Charles-Albert Cingria. Il est pour lui l’anti Flaubert. Il est celui que l’on rencontre à la halte pour faire jolie lessive de toutes ces idées sérieuses, pour boire, pour manger. C’est le monde donné sans remords à un pèlerin qui quête l’essentiel.
00:26:46 – 00:27:22 (Séquence 18) : Pour Jacques Chessex, Maupassant lui évoque son fond blessé, le grincement, la terreur d’être enfermé. Maupassant est aussi un regard fixe et enténébré sur le monde, la société, sur un certain nombre d’attitudes qui sont celles des grimaces de l’amour. C’est cette crispation de l’être qui finira dans la folie pour Maupassant.
00:27:33 – 00:28:19 (Séquence 19) : Jacques Chessex parle de François Nourissier, représentant de la tradition française, qui est venu regarder la Suisse puis l’a portée, l’a fécondée et a ouvert à de nombreux écrivains suisses, dont Jacques Chessex, les portes de grandes maisons d’édition, de revues. François Nourissier a fait cela au travers de ses critiques ou par son entregent tout à fait personnel. Pour Jacques Chessex, Nourissier est un homme d’une intelligence supérieure, un écrivain, un musicien et un homme d’administration littéraire, un grand connétable des lettres qui a rendu un immense service aux écrivains de Suisse en les promouvant à Paris.
00:28:30 – 00:29:20 (Séquence 20) : Jacques Chessex a écrit dans "Carabas" : "L’autre c’est Maurice" en parlant de Maurice Chappaz. En écrivant le "Portrait des Vaudois", Jacques Chessex ne pouvait s’empêcher de penser au "Portrait des Valaisans" de Chappaz. Dans le livre de Maurice Chappaz, il y avait une liberté, un enthousiasme, l’attachement à la nature et aux hommes enracinés dans cette nature qui portait Jacques Chessex et lui font considérer Maurice Chappaz comme un frère ainé.
00:29:32 – 00:30:52 (Séquence 21) : Jacques Chessex se souvient de Gustave Roud qui vivait non loin de Ropraz. Pour Chessex, Roud a toujours été un Saint, un grand intercesseur qu’il considérait comme un poète et qui lui a prouvé que la plus pure poésie était possible en Suisse et cela malgré la rareté de ses lecteurs et le peu d’éditeurs prêts à la publier, à part peut-être Mermod. Ramuz a aussi beaucoup aimé Roud et l’a aidé à se faire un chemin dans l’édition. Roud, en plus de l’homme d’écriture, était surtout une présence qui était et reste une présence spirituelle. Il y avait dans l’attention de Roud aux phénomènes visibles et cachés, quelque chose d’un mage, d’un homme par qui le réel est transformé vers sa plus vraie nature. Rencontrer le regard de Gustave Roud, écouter sa parole, c’était goûter à l’éternité.
00:31:04 – 00:34:48 (Séquence 22) : Jacques Chessex a réalisé un grand éclat avec la parution du "Portrait des Vaudois", sa première œuvre populaire, de "Carabas", chef-d’œuvre baroque, et "Les saintes écritures". Bertil Galland lui demande d’expliquer, en regard de ces trois textes, sa position sur la politique littéraire de la Suisse. Il lui demande aussi s’il a eu l’impression de devoir mener un combat pour la littérature dans sa vie et dans son pays. Jacques Chessex souligne qu’il y a eu une réaction politique face à ses œuvres. Cela vient du fait que jusqu’alors la littérature suisse était trop timide, trop réservée quant à ses sujets et surtout quant à la manière de les traiter. Il y avait dans les œuvres littéraires vaudoises une sorte de bienséance à observer, une façon de ne pas dire la blessure, de ne pas faire souffrir le lecteur en disant les choses crûment ou de manière abrupte. Dans le "Portrait des Vaudois", Chessex a très explicitement voulu dire les choses les plus douces mais aussi les choses les dures, ce qui lui a valu de la colère mais aussi de la reconnaissance. Avec "Carabas", Chessex a pu encore aller plus loin car il ne parlait plus seulement du pays mais aussi de lui-même, de son moi, non pas un moi narcissique mais un moi bâtonné par l’auteur et se moquant de lui dans ses qualités et ses défauts. Cela dans une tradition augustinienne ou rousseauiste, avec des audaces baroques et sur le ton de la confession provocante.
00:35:01 – 00:36:45 (Séquence 23) : Jacques Chessex parle du texte "Les saintes écritures" où il a tenté de recenser toute la richesse, toute la gloire profonde de son pays. Un pays qu’il avait loué et attaqué dans le "Portrait des Vaudois" et blâmé dans "Carabas". Jacques Chessex voulait donc faire un inventaire de ceux qui lui avaient donné une voix, une façon de ressentir l’écriture vaudoise et parfois suisse romande. En 1972, Jacques Chessex a publié chez Bertil Galland une vingtaine d’études consacrées aux écrivains qui lui paraissent être les phares qui éclairent, qui rayonnent profondément dans la nuit d’un pays qui a été très dur avec ses écrivains. "Les saintes écritures" devaient donc rendre à ces hommes, mais aussi à ces femmes, notamment Catherine Colomb, Corinna Bille et Anne-Lise Grobéty. Jacques Chessex voulait créer une sorte de panthéon vivant où figurent les grands inspirateurs de ce lieu et de ce siècle.
00:36:58 – 00:38:31 (Séquence 24) : Jacques Chessex a été accusé de terrorisme en lien avec la politique qu’il souhaitait non pas pour son œuvre cette fois-ci, mais pour la littérature de son pays. Il considérait que les écrivains de son pays étaient souvent méconnus, méprisés. Jacques Chessex voulait donner à une certaine frange de lecteurs le courage d’aller plus loin avec des auteurs d’une haute qualité littéraire et qui étaient les égaux des plus grands écrivains français. Il souhaitait rendre justice à ces écrivains par des revues, des mouvements de pensée, des conférences, des cours dédiés à la littérature locale. Il fallait dire et montrer quelles étaient les œuvres majeures chez les auteurs contemporains mais aussi chez les classiques. Cette politique mise en place depuis une trentaine d’années a porté ses fruits.
00:38:44 – 00:39:31 (Séquence 25) : Dans les années 1950 et 1960, Jacques Chessex et Bertil Galland étaient consternés de voir que les lecteurs de Gustave Roud étaient trop rares et ils souhaitaient encourager la lecture de cet auteur. Ils ont donc organisé une grande manifestation poétique à Crêt-Bérard où ils ont convié des centaines de personnes. Tout le monde est venu rendre hommage à Gustave Roud qui fêtait ce jour-là ses 60 ans. Durant cette Fête des Lettres vaudoises, il y a eu des lectures, des témoignages et la publication d’un hommage à Roud devenu un cahier historique. Grâce à cette manifestation, Roud a obtenu un rayonnement public. Gustave Roud s’est étonné du fait que les responsables de la manifestation soient de jeunes gens, Chessex et Galland entre autres.
00:39:45 – 00:40:40 (Séquence 26) : Jacques Chessex a fondé avec Bertil Galland la revue "Ecriture". Dans les années 1960, il leur semblait que, malgré la présence de revues comme "Aujourd’hui" ou "Rencontre", il fallait au pays une revue qui publie des textes difficiles, exigeants, qui témoignent de la vitalité profonde des lettres très diverses du pays. Le premier numéro de la revue "Ecriture" est sorti en été 1964. Jacques Chessex s’en souvient avec révérence et reconnaissance. "Les Cahiers de la Renaissance vaudoise" ont porté cette revue, animée par Bertil Galland et Jacques Chessex pendant de nombreuses années.
00:40:55 – 00:44:22 (Séquence 27) : Bertil Galland souligne qu’il y a deux pans dans la personnalité de Jacques Chessex. Un pan lumineux et un pan plus sombre qui effraie parfois les amis de Chessex car il le précipite dans des extrêmes stylistiques mais aussi de vie. Bertil Galland trouve dans le côté poisson de Jacques Chessex trace de la mort de son père, de l’alcool, de l’amour des femmes et il lui demande de l’expliquer. Jacques Chessex est d’accord qu’il y a un pan solaire et un pan nocturne dans sa personnalité, mais il lui semble que ces deux pans font partie de sa nature et qu’ils sont constitués comme une unité. Jacques Chessex est tout autant attaché à sa part lumineuse qu’à sa part d’ombre et ne pourrait s’imaginer sans l’une d’elles. La vie humaine mène naturellement vers une quête métaphysique de la lumière, de la clarté, en chemin l’homme peut passer par des stations douloureuses, intenses pour l’âme ou pour le corps. Chessex révèle ici ce qui peut le pousser vers la voie agnostique ou mystique. Dans la contemplation de la beauté de certaines œuvres, Chessex trouve parfois, comme Malraux l’a formulé, la révélation d’un autre monde, du sacré.
00:44:38 – 00:44:56 (Séquence 28) : Jacques Chessex pense qu’il n’y a pas de salut possible. Les saints ont révélé dans leur message que sans acceptation de notre condition d’humain, voué à la mort, on risque de ne pas voir Dieu dans l’éternité. Il y a quelque chose de la quête du Graal, selon Chessex, dans toute vie d’homme et singulièrement dans celle d’un artiste.
00:45:12 – 00:47:11 (Séquence 29) : Jacques Chessex parle de la mort. Devant la mort, comme devant la lumière, Jacques Chessex se sent comme celui qui n’a pas le droit d’entrer dans le temple, le profane. Celui qui ne se sent pas digne d’entrer dans le temple et d’y prier avec les autres. Jacques Chessex pense que la mort comme la lumière est mystérieuse. Enfant déjà, la mort le préoccupait, puis à l’adolescence, chez les écrivains, dans l’élégie, chez les romantiques, les mystiques, les philosophes, et très récemment chez Jankélévitch. Cette préoccupation de la mort n’est pas complaisante ou esthétique, mais elle appartient à une méditation. Jacques Chessex la compare aux peintures, aux vanités, où l’on voit un moine tenter de prier la main posée sur un crâne et où l’on peut lire parfois l’expression "Memento mori". L’écriture existentielle est celle que pratique celui qui accepte de dire l’urgence de l’existence qui contient et la perdition et le salut.
00:47:28 – 00:48:38 (Séquence 30) : Jacques Chessex a parfois le sentiment d’avoir accompli un certain chemin "sub specie aeternitatis". Auparavant, sa voix était stupéfaite de la beauté, du monde, des femmes, de l’art ou des animaux, et assoiffée de la dire. Dans ses dernières manifestations, dans des poèmes comme "Le Calviniste" ou dans "Jonas", sa voix tente de dire la part de secret et de mystère. Jacques Chessex pense se trouver sur la voie de la contemplation de l’éternel ou en tous les cas de quelque chose qui échappe au trivial, au terre-à-terre. Chessex a donc une voix et une voie, une intonation et une direction.
00:48:56 – 00:50:07 (Séquence 31) : Jacques Chessex souhaite ne pas avoir perdu sa vie. Cela non pas dans une idée d’économie ou de thésaurisation, mais bien dans l’espoir que la parole qui lui a été donnée rejoigne et témoigne peu à peu de la Parole, de la Création.
00:50:25 – 00:50:38 (Séquence 32) : Générique de fin du Plans-fixes consacré à Jacques Chessex, écrivain, et tourné à Ropraz le 26 mars 1988.
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