Alfred Berchtold (Historien, écrivain)

  • français
  • 1996-01-22
  • Durée: 00:49:07

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Description

Sa curiosité passionnée l'a mené vers les êtres, leurs visages, leurs destins. Chemin faisant, il rencontre aussi un pays. Peu à peu mûrit le grand projet de brosser un "portrait littéraire et moral" de la Suisse romande au tournant du siècle. Résultat : "La Suisse romande au cap du XXe siècle", édité en 1964, fait encore autorité aujourd'hui. "Bâle et l'Europe", paru récemment, manifeste son désir d'échapper à l'étiquette de spécialiste de la Suisse romande.

00:00:00 – 00:00:38 (Séquence 0) : Générique de début du Plans-Fixes consacré à Alfred Berchtold, historien et écrivain, tourné à Chêne-Bougeries le 22 janvier 1996. L'interlocuteur est Daniel Jeannet.
00:00:38 – 00:03:03 (Séquence 1) : L'interviewer cite Nicolas Bouvier qui s'exprime lors de la remise du prix littéraire de la ville de Genève en 1995 sur Alfred Berchtold. Ce dernier répond que ses mots sont réjouissants. Nicolas Bouvier a peut-être mesuré qu'Alfred Berchtold a eu le bonheur de vivre en amateur. Il a toujours pu pratiquer la profession qui lui faisait plaisir qu'il s'agisse de l'enseignement ou de la recherche. Le mot recherche lui paraît trop sérieux car ce qui l'a animé c'était sa curiosité. A l'âge de quatre ans, dans les squares de Montmartre, au lieu de jouer avec les autres enfants, il écoutait ce que disaient les adultes. Cette curiosité l’a poussé à s’intéresser aux êtres, aux destins, aux visages, aux groupements, aux familles et aux ensembles.
00:03:03 – 00:04:19 (Séquence 2) : L’interlocuteur précise qu’Alfred Berchtold est un Zurichois qui a vécu ses 15 premières années à Paris avant de s’installer à Zurich puis à Genève pour poursuivre des études en littérature de langue française. Alfred Berchtold raconte sa vie, ses premières années à Paris. Il habitait à Montmartre au 42 rue Junot. Son enfance parisienne a influencé la suite de sa vie. Par exemple, il n’a pas souffert de nostalgie d’un Suisse enfermé dans son petit pays rêvant de Paris. Il voyait la Suisse d’un point de vue extérieur et il n'a donc jamais eu un esprit cantonal. Il a toujours considéré la Suisse comme un tout, de Genève à Romanshorn et de Schaffhouse au Mendrisiotto.
00:04:20 – 00:05:03 (Séquence 3) : Alfred Berchtold souligne l'importance de son bilinguisme qui lui a permis de se sentir appartenir à deux cultures. A Paris, à Montmartre, il était un élève heureux. Il rend hommage aux maîtres de l'école communale de la rue du Mont-Cenis et aux maîtres du lycée Condorcet. Même si à l’époque, la Suisse ne l'intéressait pas spécialement, il se sentait néanmoins Suisse à part entière. Il n'avait pas de double nationalité. Sa mère était rentrée à Zurich pour sa naissance.
00:05:05 – 00:06:16 (Séquence 4) : Alfred Berchtold était passionné par l'histoire avant ses dix ans grâce à un livre qu'il a reçu à sept ans "La Case de l'oncle Tom". Ce livre fut décisif pour lui. Il souligne qu’il a toujours préféré Lincoln à Napoléon. Dès l'âge de dix ans, il s’intéresse à l'histoire française avec les sept volumes de "L'histoire de France" d'Henry Martin qui se trouvaient chez lui. Son intérêt pour la politique se manifeste également dès l’âge de dix ans, alors que se déroulait la guerre d'Ethiopie et que la menace hitlérienne régnait. A Paris, il dévorait les journaux. La Suisse représentait le pays de ses vacances, de ses grands-parents, de la montagne et du lac. En 1940, les choses ont basculé.
00:06:18 – 00:07:12 (Séquence 5) : Alfred Berchtold parle de son père et de leur retour en Suisse depuis Paris. Son père était cadre dans une entreprise commerciale, Landis & Gyr. Il avait implanté en France l'entreprise suisse. Après les mois de la "drôle de guerre", la fabrique, qui se trouvait près de Bâle, s'est repliée sur Montluçon dans l'Allier, près de Vichy. Alfred Berchtold et sa famille sont venus en Suisse chez ses grands-parents. Il a parlé une autre langue et il est passé du lycée de Paris au gymnase de Zurich. Ce changement s'est fait très simplement. Ses grands-parents étaient d'origine paysanne, mais son grand-père était juge.
00:07:15 – 00:08:45 (Séquence 6) : A Zurich, Alfred Berchtold a été choqué par l'exposition nationale Landi 1939 dont il garde un souvenir reconnaissant. Il était néanmoins très critique vis-à-vis de la Suisse. Il pense que la Suisse n'est pas un pays pour adolescents mais pour quinquagénaires. Il s'intéressait à la France et à la politique européenne, il écoutait les nouvelles de Radio Londres. Ce furent des années heureuses pendant lesquelles il reçut un solide bagage de littérature allemande et suisse allemande. Il se souvient du grand débat au Hallenstadium de Oerlikon, entre le conseiller fédéral Von Steiger et le pasteur Lüthi, à propos de la politique des réfugiés et de l’accueil des Juifs. Il a vécu une époque passionnée. Il n'avait pas l'impression de vivre dans un pays muselé: le débat politique était plus vif et contrasté qu'il l'avait été pendant sa période française.
00:08:49 – 00:09:46 (Séquence 7) : Alfred Berchtold parle du Schauspielhaus de Zurich qui avait une magnifique équipe d'acteurs, réfugiés d'Allemagne, qui ont fait de ce lieu le théâtre de la liberté de langue allemande en Europe. Il se souvient de Maria Becker et "Le soulier de satin", de Giehse qui a créé des œuvres de Brecht, de Gretler qui incarnait Tell et qui, face aux acteurs étrangers, représentait le "terroir résistant". Alfred Berchtold souligne que c’était une époque nourrissante.
00:09:51 – 00:10:13 (Séquence 8) : Alfred Berchtold parle de sa formation. En 1944, il voulait enseigner le français, il s'était toujours nourri de littérature française, mais il ne savait pas où se rendre pour l'étudier. Le professeur neuchâtelois Charly Clerc de l'Ecole polytechnique de Zurich lui conseilla de se rendre à Genève.
00:10:18 – 00:11:43 (Séquence 9) : Alfred Berchtold parle de son rapport aux pasteurs protestants. Il dit avoir eu beaucoup d'amitiés pastorales. Il a listé l'ensemble de l'iconographie pastorale genevoise et a recueilli 400 portraits. Lorsqu'il était encore à Montmartre, il appartenait à la paroisse de la rue du Simplon où se trouvaient des pasteurs français qui l'ont marqué. En 1944, il s'est établi à Genève, chez un pasteur, pour étudier la littérature française à l'université. Le pasteur était un Vaudois passionné de Ramuz qui organisait souvent des lectures. Alfred Berchtold a appris à connaître cet écrivain vaudois qui est mort peu de temps après. Cette découverte ainsi que l'émotion de sa mort ont influencé le choix de sa thèse à l'université.
00:11:49 – 00:12:14 (Séquence 10) : Alfred Berchtold raconte ses années à l'Université de Genève. L’institution était plus petite qu'aujourd'hui. Il a commencé ses études dans une volée d'une vingtaine d'étudiants qui visaient essentiellement à se préparer à l'enseignement secondaire. Ils ont eu des professeurs remarquables. Alfred Berchtold pense en particulier à Marcel Raymond.
00:12:21 – 00:12:57 (Séquence 11) : Lors de ses études, Alfred Berchtold a été marqué par un événement extra universitaire, une conférence sur l'art européen de René Huyghe qui était de passage à Genève. Cette rencontre a fait naître sa curiosité à l'égard de la peinture. Une des premières conférences données par Alfred Berchtold fut consacrée à Van Gogh. Les lettres de Van Gogh adressées son frère et le "Journal de Delacroix" ont une place importante parmi ses lectures.
00:13:04 – 00:14:24 (Séquence 12) : Alfred Berchtold devait suivre deux semestres à l'Université de Genève puis rentrer à Zurich et enseigner le français. Il décida de rester à Genève. Ses parents, une fois la guerre terminée, regagnèrent Montmartre à Paris. Il les rejoignit. A Paris il eut le coup de foudre pour la Suisse. Il recherchait des ouvrages sur des peintres, dont Hodler, lorsqu’il trouva l’ouvrage "Almanach du voyageur en Suisse" dans lequel il put lire un article intitulé "Le génie de la Suisse" de Gonzague de Reynold qu’il ne connaissait pas encore. Pour la première fois, il voyait la Suisse, qui ne l'intéressait que très peu, comme un ensemble avec une physionomie et un visage. Le pays était autre chose que le Männerchor de Steffisbourg ou les heures un peu grises d'instruction civique. Il mesura les relations entre la Suisse et les pays voisins. Il réalisa que la Suisse pouvait être intéressante autant qu'un autre pays et qu'il devait aller à sa rencontre.
00:14:32 – 00:15:16 (Séquence 13) : A Paris, Alfred Berchtold avait des livres sur la Suisse que des grandes tantes lui avaient offerts pour contrer une influence française jugée trop grande. Il commença à parcourir ces livres qu’il n’avait jusque-là jamais ouverts et il y découvrit des noms et des personnalités. Il revint à Genève où il fréquentait l'université et fonda à Genève et à Zurich un mouvement éphémère "Entente universitaire suisse". Ils y débattirent du problème jurassien, du malaise romand. A Zurich, il donna une conférence sous le titre ramuzien "La Suisse, pays qui n'existe pas". La direction de l'Ecole polytechnique lui demanda de rajouter un point d'interrogation dans le titre.
00:15:24 – 00:16:00 (Séquence 14) : Alfred Berchtold raconte le début de son travail de thèse à l'Université de Genève. De retour de Paris où il a découvert sous un jour nouveau la Suisse à travers des lectures, le professeur Marcel Raymond lui propose un sujet de thèse sur la littérature romande au temps de la formation de Ramuz. Il accepte ce sujet en pensant se lancer dans une recherche de quelques années. En réalité, il a passé 15 ans à élaborer sa thèse parallèlement à son enseignement.
00:16:09 – 00:17:51 (Séquence 15) : Alfred Berchtold parle de l'influence de Gonzague de Reynold, auteur de l'article "Le génie de la Suisse", qu'il ne connaissait pas et qui lui a révélé son pays lorsqu'il était à Paris. Il ne partage pas les options politiques de cet auteur. Dans son travail, Alfred Berchtold a collaboré avec des gens de gauche et de droite. L'étiquette politique est importante mais la rencontre humaine l’est davantage. L'influence de Gonzague de Reynold a été déterminante et a conduit Alfred Berchtold à travailler sur la Suisse pendant 50 ans en trouvant chaque jour de nouvelles figures et de multiples aspects du pays. Récemment, il a découvert dans des catalogues au centre culturel suisse à Paris des artistes suisses.
00:18:01 – 00:18:53 (Séquence 16) : Alfred Berchtold parle de son orientation politique et de son travail de recherche sur la Suisse qui l'a porté à rencontrer des hommes d'orientations politiques opposées. Il se considère d'extrême centre. Il a fréquenté des hommes de gauche et de droite sans exclusion. Un pasteur vaudois disait qu'il embrasse dans le même geste le capitaine De Vallière et Pierre Cérésole. Il explique que, dans sa recherche, il essaie d'aller aussi loin qu'il peut : pacifistes, militaires, catholiques, protestants, juifs, agnostiques. Il cherche l'humain au-delà des étiquettes.
00:19:03 – 00:20:03 (Séquence 17) : Alfred Berchtold parle de son travail de doctorat. Le professeur Marcel Raymond lui avait proposé un travail qui devait se concentrer sur Ramuz et les personnes de son entourage. Alfred Berchtold voue une admiration sans failles à Ramuz. Il s’est vite rendu compte qu'il y avait déjà plusieurs spécialistes de Ramuz plus subtiles que lui mais que tout un monde avait été négligé autour de l’écrivain. Il réalisa aussi qu'il devait non seulement étudier les écrivains du cap du XXe siècle, la formule lui avait été soufflée par son professeur, mais qu'il fallait étudier la période précédente et suivante. Le champ était donc immense.
00:20:13 – 00:21:51 (Séquence 18) : Le travail de doctorat d’Alfred Berchtold a duré 15 ans. Il a enseigné parallèlement à ses recherches. Il y a eu des moments différents. Au début, il s'était consacré à son travail de recherche, il a feuilleté les numéros du "Journal de Genève", de la "Gazette de Lausanne", de la "Semaine Littéraire" et d'autres revues sur plusieurs décennies. Il ne pouvait ni faire de plans ni avoir une vision préétablie. Il ne savait pas ce qu'il allait trouver, il composait un puzzle sans modèle. Dans sa recherche, mis à part des noms connus, il a relevé des personnes comme Eduard Rod, Binet-Valmer, Henry Spiess, dont il ne connaissait presque rien. Dans son travail, il estime avoir réussi à citer pour certains auteurs, les quelques lignes qui valaient la peine d'être transmises à la postérité. L’œuvre de quelques-uns est si vaste qu’il n'a pu relever que peu de chose.
00:22:01 – 00:23:01 (Séquence 19) : Alfred Berchtold parle des revues qu'il a dépouillées dans son travail de doctorat. Il cite la "Semaine littéraire", dirigée par Louis Debarge qui était marchand de chapeau. Cet homme souhaitait donner à la Suisse romande une revue d'intérêt général. Les littéraires comme Philippe Monnier pensaient qu'il y avait trop de concessions au public mais des personnes comme Rougemont ont pourtant commencé à écrire dans cette revue. Bien que la publication d'une œuvre de Ramuz avait créé des problèmes, Alfred Berchtold la considère comme une revue très ouverte et éclectique. Par la suite des revues d'avant-garde telles que la "Voile latine" et les "Cahiers vaudois" sont nées.
00:23:12 – 00:24:55 (Séquence 20) : Alfred Berchtold parle de son travail de doctorat. Il s'est vite rendu compte que la littérature pure n'était pas ce qui distinguait le mieux la Suisse romande des autres provinces francophones. Pour sa recherche il devait s’intéresser à des personnalités comme Adolphe Appia, Jaques-Dalcroze, Ansermet, Félix Vallotton et Hodler, de même qu’à des pionniers de la pédagogie moderne ou à Pierre Cérésole. Ce qui était important autour des écrivains, c'étaient les familles spirituelles de la Suisse romande. La tradition protestante a distingué la Romandie, pendant des siècles, des autres provinces comme le Québec et la Belgique, et des provinces de France aussi. La tradition protestante s'étale des affirmations calvinistes aux hésitations de tous les journaux intimistes dont la Suisse romande est riche. Puis vient la dérive laïque, avec Forel et Cérésole, ensuite, la tradition catholique. On lui a reproché d'être remonté jusqu'à la Légion thébaine pour expliquer le cap du XXe siècle.
00:25:06 – 00:25:52 (Séquence 21) : Alfred Berchtold a ouvert sa recherche de doctorat aux écrivains et à des personnalités regroupées en familles : les protestants, les laïcs, les catholiques et les juifs. Après avoir étudié le catholicisme et l'entrée de Fribourg, du Valais et du Jura dans le domaine des lettres romandes, il a étudié la tradition juive à Genève. Il s’est intéressé à Edmond Fleg un des auteurs les plus œcuméniques du judaïsme qui est parti de Genève et qui a écrit "Jésus raconté par le Juif errant", une anthologie juive où s'expriment toutes les voix d'Israël, de Moïse à Einstein. Son doctorat est devenu moins exclusivement littéraire comme le souligne le sous-titre sa thèse, "Portrait littéraire et moral de la Suisse romande".
00:26:04 – 00:26:34 (Séquence 22) : Alfred Berchtold a ouvert sa recherche à des personnalités de la Suisse romande. On lui a reproché d'avoir trop parlé de personnalités de troisième ou quatrième ordre. Il voulait agacer par des définitions, par des boutades sur le Suisse romand, qui ne s'appuyaient pas sur des connaissances mais qui donnaient une forme d'inventaire. Il voulait montrer que l'on pouvait retrouver certaines tendances chez des petits personnages qui se retrouvaient chez Ramuz.
00:26:46 – 00:27:52 (Séquence 23) : L’interlocuteur interroge Alfred Berchtold sur sa méthode de travail, comment il a maîtrisé sa recherche ? Il n'a pas réussi à faire de fiches. Il avait besoin de grandes feuilles avec des extraits, qu'il a dû par la suite à nouveau contrôler. C'est sa femme qui a contrôlé les 3333 citations de la thèse. Son professeur, Marcel Raymond, l'a taquiné sur les innombrables visites faites dans le cadre de son travail. Pour lui, ça a été merveilleux. Il a rencontré les veuves, les enfants, les neveux de plusieurs auteurs décédés comme Ramuz, Budry, De Traz.
00:28:05 – 00:29:22 (Séquence 24) : Pour son travail de doctorat, Alfred Berchtold a rencontré Cendrars accompagné de sa femme à Paris à côté de la Prison de la Santé. Alfred Berchtold se sentait gêné, car il pensait avoir l'air d'un étudiant timide. Cendrars venait de traverser une grave maladie, il ne pouvait donc pas avoir avec lui un langage offensif. Ils ont discuté des personnes qu’il avait connues, de ses ancêtres bâlois. Quand Alfred Berchtold lui a demandé de parler du lieutenant Bringolf de la Légion, Cendrars lui a répondu qu'il était plus drôle que lui. Cette affirmation l'a tant choqué qu'il se souvient surtout et malheureusement de cet épisode. Malgré ceci, son chapitre sur Cendrars est celui qui lui a donné le plus de plaisir à écrire.
00:29:35 – 00:31:21 (Séquence 25) : Le travail de doctorat Alfred Berchtold a répondu à un besoin de rencontrer des personnages. Derrière l'écrivain et l'artiste, il a toujours cherché l'homme. Il visait à réunir ces hommes en famille ce qui lui a été reproché. Par son travail, il a voulu montrer que, loin d'une juxtaposition de personnages et d'œuvres, il y avait un pays qui s'exprimait. Lors de la rédaction de cet ouvrage, il a été touché par ses rencontres et découvertes: le plaisir aux hommes, le plaisir des belles formules d'auteurs recopiées à la main comme celles de Paul Budry, le plaisir de trouver un pays et de le voir sous un éclairage différent, le bonheur de penser à La Chaux-de-Fonds, au Valais, aux Franches Montagnes.
00:31:35 – 00:32:59 (Séquence 26) : Alfred Berchtold parle de son travail de doctorat. Son professeur Marcel Raymond lui a reproché d'avoir inventé le pays qu'il décrit, la Suisse. Il le reconnaît en citant Ramuz : "Peut-être l'ai-je inventé parce que j'en avais besoin". Il l'a toujours cité, peut-être trop. Il voulait montrer qu'il ne faisait pas un exercice de haute virtuosité autour d'un auteur. Marcel Raymond l'a mis en garde du danger du mimétisme. Il a essayé de rendre les personnes pour ce qu'elles étaient réellement, il voulait montrer Cendrars et pas son interprétation. En plus des personnages, il y avait le paysage et les liens, les lignes de force. Les personnes n'étaient pas isolées, elles appartenaient à une région, à un pays, et plusieurs ont vécu longtemps à Paris. Alfred Berchtold pense qu'il faut tenir compte du local, des grands courants de la littérature française et aussi du contexte Suisse alémanique.
00:33:13 – 00:33:36 (Séquence 27) : Alfred Berchtold parle de ses autres activités menées à côté de son travail de doctorat. En même temps qu'il le rédigeait, il enseignait la littérature française et l'histoire et donnait un cours sur la littérature suisse allemande à l'Ecole des bibliothécaires. Le "Journal de Genève" l'avait invité à faire des chroniques sur des poètes alémaniques et sur des peintres. Il avait du plaisir à rendre visite non seulement à des écrivains, ou à leurs veuves, mais aussi à des peintres dans leurs ateliers.
00:33:51 – 00:35:01 (Séquence 28) : Alfred Berchtold parle de son travail sur Bâle et l'Europe. Quand il a terminé son livre sur la Suisse romande, il aurait pu poursuivre et devenir un spécialiste de quelques écrivains suisses romands. Mais il estime ne pas avoir la finesse requise. Aussi, il avait besoin de changer d'air et d'horizon. Il a décidé de conserver la même problématique que son doctorat mais appliquée à la Suisse alémanique. Comme son champ d'investigation était trop vaste, il a limité son travail à la ville de Bâle, mais cette ville l'a retenu pendant 20 ans.
00:35:17 – 00:36:50 (Séquence 29) : Alfred Berchtold parle de son travail sur Bâle et l'Europe. Il explique le choix de ce sujet. Il aurait aussi voulu écrire Saint-Gall, Ascona ou la Suisse centrale et l'Europe, ou Appenzell et le Monde. Il aime chacun des 23 cantons helvétiques. Bâle a eu sa faveur parce qu'elle est à la frontière des nations, des langues et des cultures. Il n'y a pas de sujet plus européen que Bâle. Là se sont déroulés de grandes rencontres internationales, des conciles, des congrès juifs, et le grand congrès socialiste pacifiste de 1912. Il y a eu des débats européens fondamentaux comme le débat Erasme et Luther, Calvin et Castellion. La notion d'art y est aussi présente. C'est à la fois la ville du massacre des images et la ville des mécènes comme les Sacher, et du Musée d'Art moderne.
00:37:06 – 00:37:54 (Séquence 30) : Alfred Berchtold parle de son travail sur Bâle et l'Europe et de l'importance du côté visuel dans ses travaux. Pour son travail sur Bâle, il avait besoin d'images. Il trouve qu'aujourd'hui, dans les sciences humaines, le jargon utilisé n'est pas stimulant. On ne donne pas aux lecteurs un bonheur de lire. L'homme a un besoin fondamental d'images. Son style se caractérise par des reportages et des mots La Danse des morts et le Carnaval sont deux grandes traditions entremêlées à travers les siècles depuis le Moyen Age jusqu’à Böcklin et Tinguely.
00:38:11 – 00:38:51 (Séquence 31) : Alfred Berchtold parle de son travail sur Bâle et l'Europe. Dans cette ville, des peintres se sont exprimés à des moments décisifs de l'histoire. L'image d'Erasme est connue grâce au portrait d'Holbein, un garçon de 20 ans qu'Erasme méprisait. Au temps du Concile y séjourne Konrad Witz, qui ira à Genève par la suite et deviendra l'auteur du "Retable" de Saint-Pierre et de "La pêche miraculeuse". Plus tard, au temps de Nietzsche et Burckhardt, s'y trouve Böcklin. L'image est donc toujours présente à un moment décisif. Elle n'accompagne pas l'histoire du pays, comme c'est le cas dans la plupart des autres cantons suisses.
00:39:09 – 00:39:29 (Séquence 32) : Alfred Berchtold parle de son travail sur Bâle et l'Europe. Il a cité la Danse des morts, le Carnaval, et Erasme. Ce dernier a écrit "Eloge de la folie". Bâle, c'est la ville de l'image. C'est aussi la ville du verbe des imprimeurs et de la formule scientifique, avec Euler. Il y a ce dialogue de l'image, du verbe et de la formule.
00:39:47 – 00:41:20 (Séquence 33) : Alfred Berchtold considère ses recherches comme un travail d'ouverture, ceci parce qu'il estime impossible d'étudier la Suisse sans étudier le monde. Il cite l'exemple de l'écrivain Edmond Fleg qui l'a conduit à Buber et au judaïsme hassidisme. Aussi, il croit qu'il y a, en Suisse, des lignes de force, des grands débats fondamentaux et constitutifs de l'esprit européen. Il cite le martyr de Saint-Maurice d'Agaune, qui pose les bases du débat entre l'officier et l'objecteur de conscience. Il y a eu des débats qui touchaient des questions politiques, religieuses, morales et esthétiques.
00:41:38 – 00:42:15 (Séquence 34) : Alfred Berchtold parle de son travail en général, et des raisons qui l'ont poussé à accomplir ses recherches d'histoire. Il pense que les Suisses et surtout la jeunesse ont besoin d'un pays habité. Les relations qui s'établissent à travers les débats politiques, de quelque parti que ce soit, sont infiniment minces et pauvres, dénués de couleurs et d'humour. A l'occasion de visites qu'il a faites dans des classes d'écoles pour présenter les figures de la Suisse, il pense que les élèves comme lui oubliaient que l'histoire suisse est par définition ennuyeuse.
00:42:34 – 00:43:55 (Séquence 35) : Alfred Berchtold parle de sa proposition pour la célébration de 1291. Il avait suggéré que, dans chaque village, on retrouve le passage et la présence du poète au sens grec, ramuzien, goethéen, de créateur et pas de versificateur. Le passage de l'homme qui a créé quelque chose, le passage du témoin, du prophète, de l'étranger, parfois réfugié, a donné à des petits villages suisses une signification sur la carte spirituelle de l'Europe. Depuis ces villages, des hommes, des artistes sont partis et se sont réalisés en Italie, en France, en Australie ou en Amérique. Une manière de retrouver ce que ces villages ont pu donner de mieux. Cet aspect l'intéresse avant tout dans l'histoire. Une histoire créatrice, histoire de ce que la Suisse a pu donner après avoir tant reçu pendant des siècles. La beauté d'être suisse, c'est de ne pas pouvoir se dire "Mon pays se suffit à lui-même", mais de réaliser qu'il est dépendant de tous les courants d'idées.
00:44:15 – 00:45:11 (Séquence 36) : La deuxième proposition d’Alfred Berchtold pour la célébration de 1291 était d'envoyer des personnes dans des régions éloignées de Suisse: un moyen de prendre conscience de ce qu'est la Suisse et ses habitants, et aussi un moyen pour créer des échanges. Il faudrait, selon lui, que le Genevois moyen connaisse un peu mieux ce qu'est le Mendrisiotto, Ascona et les peintres populaires appenzellois. Il trouve que les Suisses manquent singulièrement d'imagination. Ses propositions, très concrètes, n'ont pas était considérées. Il avait imaginé cette fête dans une perspective européenne. Il critique deux attitudes opposées vis-à-vis de l'Europe, celle de l'enfermement et celle de l'ouverture exagérée, sans lien au territoire et au passé.
00:45:31 – 00:47:14 (Séquence 37) : Alfred Berchtold explique que l'histoire suisse est depuis ses débuts imbriquée dans l'histoire européenne. Elle commence par des histoires de ponts, comme à Genève et à Bâle, et par des histoires de cols et de chemins. Jean Starobinski rappelait à Bellinzone une vieille prière suisse prononcée par ceux qui ouvraient et entretenaient les chemins. Il pense qu'on ne peut pas être de ce pays sans être européen. D'autre part, il exclut une ouverture à l'Europe à n'importe quel prix. L'ouverture du dialogue trouve sa crédibilité dans la proximité. C'est souvent facile de faire l'éloge des qualités d'un peuple lointain. Il faut être capable d'aimer et supporter le canton voisin, partager ses soucis, découvrir ses valeurs. L'Europe a toujours été le continent des grandes diversités, de la complémentarité des différences. S'il y a un humanisme suisse, il affirme la nécessité d'une approche concrète, pragmatique des problèmes, et il insiste sur la notion de polyphonie sur le thème du pont.
00:47:34 – 00:48:23 (Séquence 38) : Alfred Berchtold dit que le fédéralisme suisse impose des réglages fins à ses citoyens mais il n'empêche nullement les hommes d'être audacieux. C'est un pays composite, délicat, infiniment fragile, qui ne peut se payer les audaces dont rêvent certains jeunes et moins jeunes. Il est en même temps un tremplin pour que des individus remettent sans cesse de vieilles routines en question et osent faire ce que l'ensemble ne peut pas. Ce qui compte, c'est d'avancer tous ensemble. Il ne faut pas risquer, par une générosité apparente, des fractures et des retours en arrière qui seraient graves.
00:48:43 – 00:48:46 (Séquence 39) : Générique de fin du Plans-Fixes consacré à Alfred Berchtold, historien et écrivain, tourné à Chêne-Bougeries le 22 janvier 1996.
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