Pierre Centlivres (Anthropologue, le goût de l'autre)

  • français
  • 2003-02-22
  • Durée: 00:48:30

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Description

Après des études de lettres à l'Université de Lausanne, Pierre Centlivres quitte la Suisse pour connaître le vaste monde et obtient un poste d'enseignant en Guinée, alors dans l'effervescence de sa jeune indépendance. L'Afrique est un choc pour lui, il a besoin de comprendre, d'avoir des clés de lecture, ce qui l'incite à changer d'orientation. De retour en Suisse, il entreprend des études d'ethnologie auprès de Jean Gabus à l'Université de Neuchâtel. Son premier poste au Musée national de Kaboul lui fait connaître l'Afghanistan, il y rencontre sa femme Micheline, également ethnologue. Toute leur vie, ils auront une relation privilégiée avec ce pays. En 1974, il succède à Jean Gabus à la tête de l'Institut d'ethnologie de Neuchâtel, auquel il donnera un grand essor jusqu'en 1998. Pour P. Centlivres, se mettre à l'école de l'autre, en toute modestie, est une des clés de l'ethnologie.

00:00:00 – 00:00:22 (Séquence 0) : Générique de début du Plans-Fixes consacré à Pierre Centlivres, anthropologue, et tourné à Neuchâtel le 22 février 2003. L'interlocuteur est Raphaël Aubert.
00:00:22 – 00:01:35 (Séquence 1) : Raphaël Aubert parle de l'Afrique et de l'Afghanistan, des multiples travaux de recherche de Pierre Centlivres, ainsi que de l'Institut de Neuchâtel. Pierre Centlivres est un homme curieux, notamment des autres. Pierre Centlivres est né le 7 août 1933 à Mont-la-Ville, au pied du Jura vaudois. Son père était pasteur et l'Eglise et la théologie sont un milieu qui a compté pour lui, notamment parce que la famille allait de paroisse en paroisse, de Mont-la-Ville à La Sarraz, puis à Cully et enfin à Saint-Cergue. Ses souvenirs d'enfance à La Sarraz sont radieux, grâce au paysage magnifique et à la proximité des gorges du Nozon et celles de la Venoge, de la garrigue et des puits au pied du Jura. Ensuite, il se souvient que la France en face de Cully et du Lavaux lui semblait inaccessible, car c'était à la fin de la deuxième guerre mondiale.
00:01:36 – 00:02:54 (Séquence 2) : Son enfance dans une cure avec un père pasteur lui a laissé des traces. Même s'il n'est pas pratiquant actuellement, il a baigné dans un milieu de protestantisme ouvert. Certains principes lui sont restés comme l'idée d'universalité : les souffrances, la raison et l'espérance sont en effet des notions présentes dans toute l'humanité. Pierre Centlivres explique qu'il n'a au fond jamais vraiment songé à faire de la théologie et à devenir pasteur. Il lui semblait en effet qu'il fallait être doué de qualités extraordinaires pour cela et il se sentait attiré par d'autres choses et activités.
00:02:56 – 00:04:09 (Séquence 3) : Pierre Centlivres raconte ses études de lettres, qu'il explique par son goût pour la littérature et les arts. Quand il était plus jeune, ses parents lui reprochaient de lire des livres qui n'étaient pas de son âge. Avant de faire des études en lettres, il était au collège classique cantonal de Lausanne, où il a fait ses humanités en étudiant le latin et le grec. A l'université, il a continué ces deux disciplines en y ajoutant la philosophie et la littérature française. Pierre Centlivres cite parmi ses maîtres, René Bray, spécialiste du classicisme français et Jacques Mercanton, dont les cours sur Montaigne et Rousseau habitent encore ses souvenirs.
00:04:11 – 00:04:46 (Séquence 4) : Pierre Centlivres parle de Jacques Mercanton, qui a compté pour lui et qui était un écrivain, même en donnant ses cours, car son langage était châtié, recherché, mais également marqué par l'émotion. Pierre Centlivres garde un souvenir précis de sa manière de parler, hachée et parfois sourde, et reconnaissable parmi toutes les autres.
00:04:49 – 00:05:39 (Séquence 5) : Pierre Centlivres parle de son amitié avec Jacques Chessex, avec lequel il a participé à la rédaction d'une revue, "Pays du lac". Ils étaient dans la même classe au collège classique cantonal, puis dans des classes parallèles, avant de se retrouver à la Faculté des lettres de l'Université de Lausanne. Pierre Centlivres a fait partie du conseil de rédaction de plusieurs revues étudiantes éphémères, ce qui a contribué à lui donner le goût pour les lettres et la poésie. Jacques Chessex écrivait déjà des poèmes qui restent, selon Pierre Centlivres, remarquables.
00:05:42 – 00:06:43 (Séquence 6) : Pierre Centlivres raconte la façon dont il est parti enseigner en Guinée et de la grande différence avec la Faculté des lettres, dans son ancienne situation à Lausanne, entre le château et la cathédrale, à l'écart de la rumeur du monde. Il n'avait donc que peu conscience de la décolonisation mais il souhaitait partir hors de Suisse avant d'y enseigner et il a passé deux ans en Afrique.
00:06:46 – 00:09:11 (Séquence 7) : Pierre Centlivres parle de la Guinée qu'il a connue, quand elle était sous l'égide de Sékou Touré, c'est-à-dire en complet refus de la France du général de Gaulle. Pour Pierre Centlivres, c'était un endroit passionnant car le rendez-vous de tous les révolutionnaires du Tiers-Monde. Sékou Touré était à l'avant-garde de l'indépendance africaine, notamment du Congo, du Mali et de l'Algérie. De fait, le FLN avait un représentant à Conakry, qu'il a connu. Il a pu faire connaissance ainsi avec un monde en changement, où tout était pour lui un choc, du climat à la vie quotidienne. Pierre Centlivres a d'abord été nommé à Conakry dans un lycée à la française en pleine africanisation. Puis, il est allé dans une école secondaire, à l'intérieur du pays à Kankan. Il a enseigné le latin, la littérature française et négro-africaine. Pour cela, il a dû lire de nombreux auteurs africains, comme Senghor, Césaire ou Niane. Il a également découvert la forêt guinéenne avec ses missionnaires et ses fétichistes.
00:09:14 – 00:10:06 (Séquence 8) : Pierre Centlivres explique que c'est en Guinée qu'il s'est réorienté vers l'ethnologie, notamment en étant témoin de divers événements marquants, comme certains rites d'initiation en forêt et les transformations de l'Afrique en elle-même à cette époque. Il a ainsi assisté à la réunion des grands révolutionnaires du Tiers-Monde à Conakry et à l'émergence du fondamentalisme musulman, des phénomènes dont la compréhension lui échappait. Il a donc décidé de refaire des études, cette fois d'ethnologie, pour être capable d'appréhender ce monde en changement.
00:10:10 – 00:12:43 (Séquence 9) : Raphaël Aubert explique qu'au moment où Pierre Centlivres s'est mis à l'ethnologie, cette discipline était dans une période Levi-Strauss passionnante. Pierre Centlivres confirme et raconte qu'il est venu étudier l'ethnologie à Neuchâtel, seule université à l'enseigner avec le professeur Gabus, fort d'expériences chez les Esquimaux et au Sahara. C'était une époque d'effervescence en sciences humaines et surtout en ethnologie, notamment car c'est là que Levi-Strauss a écrit ses grands livres, comme "Tristes tropiques", "Anthropologie structurale 1", "La pensée sauvage" et "Les mythologiques". Il était très séduisant de voir se développer sous ses yeux le structuralisme et l'intellectualisme de l'époque. L'idée de système par exemple apparaissait comme une méthode très puissante pour étudier la culture, mais aussi la cuisine, certains codes pratiques et systèmes artistiques. C'était une pensée englobante qui pouvait expliquer presque tout. De son côté, Pierre Centlivres allait écouter les maîtres de ses camarades étudiants en ethnologie à Paris. Donc, il allait assister aux cours et séminaires de Lévi-Strauss autant qu'il le pouvait et également à ceux du linguiste structuraliste Martinet.
00:12:47 – 00:13:40 (Séquence 10) : Pierre Centlivres explique que l'ethnologie et l'anthropologie structurale étaient très à la mode quand il s'y est lui-même mis. Les cours de Lévi-Strauss étaient par exemple très suivis, comme plus tard ceux de Lacan. Mais au-delà de la mode, c'était une activité astreignante sur le terrain et durable, puisque les activités de Lévi-Strauss ont continué et que le structuralisme est toujours un moyen puissant d'analyse.
00:13:44 – 00:14:40 (Séquence 11) : Pierre Centlivres parle de sa nomination à un poste en Afghanistan, comme consultant au musée national de Kaboul, en 1964. C'était très surprenant, car retournant d'Afrique, il se voyait avoir une carrière d'africaniste. Or son professeur, Jean Gabus, lui a dit qu'il n'avait rien pour lui en Afrique mais qu'un poste se libérait à Kaboul : l'UNESCO l'a en effet chargé de réorganiser le musée national et il fallait continuer le travail en envoyant un conseiller. Après s'être un peu préparé, Pierre Centlivres est parti pour Kaboul.
00:14:45 – 00:15:39 (Séquence 12) : Pierre Centlivres raconte sa première image de l'Afghanistan, où tout était nouveau, différent de l'Afrique, en termes de climat, de civilisation et de paysage. L'Afghanistan a fait partie des grands empires : les Achéménides, l’Empire d’Alexandre, les Ghaznévides. C’était une société en partie lettrée.
00:15:44 – 00:16:41 (Séquence 13) : Pierre Centlivres explique que, s'il a été engagé au musée national de Kaboul, il n'a jamais vraiment compris ce qu'il devait y faire. Quand il est arrivé, le directeur, Monsieur Motamedi, lui a donné une place dans le bureau et lui a demandé de décrire dans un registre les nouvelles pièces de la collection du musée. Son activité s'est bornée à cela au début, car le musée abritait surtout de l'archéologie. C'était un musée splendide qui illustrait le fait que l'Afghanistan a été au carrefour des routes de l'Asie.
00:16:47 – 00:17:40 (Séquence 14) : Pierre Centlivres parle de sa rencontre avec son épouse, Micheline, en Afghanistan. Elle était depuis quelques années en Iran, où elle préparait une thèse comme boursière de l'Université de Téhéran. Elle parlait mieux persan que lui qui avait commencé à l'apprendre au bazar de Kaboul. Comme l'été à Téhéran était brûlant, Micheline allait profiter du climat plus frais de l'Afghanistan. C'est ainsi que, bien que vaudois tous les deux, ils se sont rencontrés à Kaboul.
00:17:47 – 00:18:27 (Séquence 15) : Pierre Centlivres parle de sa rencontre avec sa femme, Micheline, à Kaboul et de son mariage à Pully. Ensemble ils ont travaillé sur le bazar de Tash Kurgan et elle est devenue sa collaboratrice et lui son collaborateur : ils sont un vrai couple d'ethnologues, où l’égalité prévaut.
00:18:34 – 00:19:28 (Séquence 16) : Pierre Centlivres raconte Kaboul comme il l'a connue au début : une ville rêvée, tout droit sortie de ses lectures de la route de la soie et des "Mille et une nuits". Il y avait encore une vieille ville en terre, avec un quartier hindou et sikh, fermé la nuit par de grandes portes en bois, avec des caravansérails, des arches sculptées, des chameaux. Il y avait également des bâtiments modernes et une circulation automobile.
00:19:35 – 00:23:33 (Séquence 17) : Raphaël Aubert explique qu'après un premier séjour en Afghanistan, Pierre Centlivres y est retournera plusieurs fois, notamment car sa thèse porte sur l'étude du bazar de Tash Kurgan. Raphaël Aubert qualifie ce bazar de traditionnel, mais Pierre Centlivres le rejette car le terme ne signifie pas grand-chose puisque les traditions ne sont pas immuables. La ville était un peu oubliée et merveilleuse architecturalement puisque construite en briques crues autour de ce fameux marché. Pour lui, ce bazar est le plus beau d'Afghanistan : il est d'ailleurs classé par l'UNESCO, même s'il a été entièrement détruit pendant la guerre. Ce qui a intéressé Pierre Centlivres dans ce marché est qu'il représentait un fait social total : sa fonction n'était pas qu'économique puisqu'il s'y passait des choses importantes au niveau religieux, administratif et social et qu'il y avait la prison, le trésor public, des écoles religieuses et des bains publics. Tout tournait donc autour des deux jours de marché de la semaine. Pierre Centlivres a analysé et étudié son fonctionnement, ses relations avec l'économie locale et nationale, l'impact de la redistribution des biens. Le marché ne reposait pas que sur le commerce agricole mais aussi sur l'artisanat avec, par exemple, la fameuse aiguière de Tash Kurgan, fabriquée localement par des chaudronniers. Ce qui a fasciné Pierre Centlivres fut le regroupement en corporations des artisans, comme au Moyen Age. Ces corporations étaient inspirées spirituellement par les principes mystiques du soufisme et guidées par le catéchisme.
00:23:40 – 00:24:26 (Séquence 18) : Pierre Centlivres parle de ses relations avec ses sujets d'études, des gens qui sont devenus progressivement ses amis. Il insiste sur le fait qu'il y a en général une très grande distance entre l'ethnologue et ses interlocuteurs mais précise que, en ce qui le concerne, il est vrai qu'il s'en est fait des amis. Il était un jeune ethnologue qui doutait de réussir à pratiquer l'observation participante de la bonne manière. Au final, les choses se sont passées différemment puisqu'il est devenu l'objet de curiosité et devait répondre à plus de questions qu'il n'en posait.
00:24:34 – 00:24:59 (Séquence 19) : Pierre Centlivres parle de l'Afghanistan, qu'il aime beaucoup et qui le fascine, même si ce n'est pas son seul pays d'élection. En effet, il est ethnologue et anthropologue et se doit de s'intéresser à plusieurs pays et cultures. L'Afghanistan reste néanmoins un des pays où il aime le mieux y retourner et qui l'a le plus marqué.
00:25:07 – 00:26:15 (Séquence 20) : Raphaël Aubert explique que Pierre Centlivres soutient sa thèse en 1961, avant de revenir en Suisse et d'enseigner à Berne. En 1974, il est nommé professeur à l'Institut d'ethnologie de Neuchâtel, ce qui pousse Raphaël Aubert à lui demander s'il n'aurait pas plutôt voulu être un ethnologue errant. Pierre Centlivres reconnaît qu'une fois nommé à un poste fixe, il devient difficile d'aller longtemps sur le terrain, sauf pendant des congés sabbatiques. Il estime cependant avoir beaucoup appris en enseignant à Neuchâtel l'ethnologie générale et pas seulement celle de l'Afghanistan. Comme professeur, il a pu être un éternel étudiant.
00:26:23 – 00:27:19 (Séquence 21) : Raphaël Aubert parle de l'Institut d'ethnologie de Neuchâtel, que Pierre Centlivres a rejoint en 1974 et qui était assez petit : il n'y avait à l'époque que quelques dizaines d'étudiants alors qu'il y en a 300 aujourd'hui. Pierre Centlivres précise qu'en fait, quand il a remplacé Jean Gabus comme directeur, il y avait 17 étudiants. Gabus s'est surtout consacré à sa carrière de muséographe et de metteur en scène d'expositions. Et s'il était un professeur enthousiaste, il ne préparait que peu ses cours : les étudiants n'étaient donc pas très élevés. Mais, progressivement, et avec l'extension du poste de Pierre Centlivres, il a pu avoir des collaborateurs et l'institut a pris de l'importance.
00:27:28 – 00:28:49 (Séquence 22) : Pierre Centlivres explique un peu plus son activité d'ethnologue : quand il est arrivé à Neuchâtel en 1974, il y avait encore une distinction forte entre l'ethnologie axée sur l'exotique et le primitif et les études folkloriques ou d'ethnographie européenne. Elle n'a plus lieu d'être puisque selon Pierre Centlivres, l'ailleurs est ici et l'ici est ailleurs. Ce qui est intéressant actuellement est les relations entre les cultures et les sociétés mais pas de faire une division arbitraire entre l'ici et l'ailleurs.
00:28:59 – 00:31:20 (Séquence 23) : Pierre Centlivres parle de ses travaux ethnologiques sur la Suisse, qui selon son interlocuteur auront un impact direct sur la politique suisse. Il s'est notamment intéressé à la question de la naturalisation pour un projet de recherche entrant dans le cadre des programmes nationaux de recherche en Suisse sur l'identité nationale. Il a en effet relevé que, durant les deux ans environ que dure le processus de naturalisation, le candidat fait apparaître des normes implicites et explicites de ce qu'il appelle "la suissité" ou identité nationale. Par exemple, cette dernière a un aspect référentiel, quotidien et relationnel. Cette étude montre que c'est bien l'Autre qui révèle qui nous sommes.
00:31:31 – 00:32:31 (Séquence 24) : Pierre Centlivres parle de ses travaux ethnologiques sur la Suisse et la question des mariages binationaux, un projet entrant dans le cadre des programmes nationaux de recherche sur les migrations. Ces mariages mixtes sont très nombreux en Suisse : un sur quatre au moins, selon Pierre Centlivres. De plus, les origines des partenaires étrangers sont très diverses : Europe de l'Est, Turquie, Afrique du Nord et centrale, où les différences culturelles sont assez grandes.
00:32:42 – 00:33:36 (Séquence 25) : Pierre Centlivres parle de la problématique de l'identité suisse, qu'il a notamment commentée dans des articles sur les expositions nationales. Pour lui le sujet est important car le pays est multiculturel, avec des langues et des histoires différentes. Il s'intéresse en outre à la fameuse barrière de rösti, qui lui semble très évanescente. De même, il s'interroge sur les objets des expositions nationales.
00:33:48 – 00:35:24 (Séquence 26) : Pierre Centlivres parle du thème des réfugiés qu'il a beaucoup étudié puisque ces personnes forment une société et un monde à part, notamment en Afghanistan. Dans les années 1980, le nombre des réfugiés afghans est passé à environ cinq millions, soit presque le quart de la population, qui est allée en Iran et au Pakistan, ceci sans mentionner les personnes déplacées de l'intérieur. Pierre Centlivres et sa femme ont donc souhaité retourner en Afghanistan, avec l'aide du Haut Commissariat aux réfugiés et du fonds national, pour étudier ce qui se passait au sein de ces masses en mouvement. A leur grande surprise, la société et la culture afghanes se perpétuaient et ne collaient pas à l'image de malheureux, imaginée ailleurs.
00:35:36 – 00:38:32 (Séquence 27) : Pierre Centlivres parle du thème des sociétés marginales et des marges en général. Il soulève la question des réfugiés qui ne sont peut-être pas des marginaux puisqu'ils sont de plus en plus nombreux à être déplacés et réfugiés. De plus, il y a de plus en plus de communautés transnationales et la norme n'est plus l'autochtonie mais la diaspora, le déplacement et la migration. Les réfugiés afghans n'en sont qu'un exemple, même si la culture afghane est suffisamment forte pour que même en déplacement, les afghans puissent reformer une société et une identité. D'ailleurs le code tribal afghan prévoit l'accueil et l'hospitalité de personnes voisines, souffrant de difficultés momentanées ; et le modèle illustre du prophète Mahomet quittant la Mecque pour Médine est présent et valorisé dans la culture afghane. Ceci implique que les personnes accueillant les réfugiés sont positivées : les Pakistanais qui ont hébergé les réfugiés de Kaboul ont eu droit au titre de compagnons. Ces références culturelles sont donc salvatrices pour les réfugiés qui ainsi ne désespérèrent pas de leur situation.
00:38:44 – 00:40:56 (Séquence 28) : Pierre Centlivres revient sur l'évolution de l'ethnologie, notamment en termes de champs d'application, par rapport à l'ethnologie classique. Il en explique la différence : avant, on étudiait une petite communauté et on en tirait une monographie. Actuellement, l'ethnologie se penche sur des problèmes très différents et le primat du primitivisme et de l'isolationnisme n'existe plus. Le monde dans lequel on vit est un monde de mobilité, de changement et de diaspora : c'est cela qui intéresse les ethnologues. Ils travaillent sur l'impact social et culturel des nouveaux "ethno scapes". L'ethnologie n'a cependant pas changé dans sa définition par une approche et un objet donnés. L'approche se doit d'être directe et qualitative : elle ne privilège aucun angle d'attaque particulier. Elle doit s'accompagner également d'une longue étude sur le terrain.
00:41:09 – 00:42:45 (Séquence 29) : Pierre Centlivres parle du livre qu'il a publié avec sa femme Micheline, "Portraits d'Afghanistan". Pour eux, l'Afghanistan a beaucoup compté et ils y vont tous les deux ou trois ans depuis les années 1960. C'est pour cela qu'ils souhaitaient marquer cet itinéraire en montrant des textes et des images. Ils ont également voulu montrer un certain nombre de ruptures chez les Afghans, l'exil, le retour et les retrouvailles avec les gens qu'ils ont connus.
00:42:59 – 00:44:00 (Séquence 30) : Pierre Centlivres parle de l'imagerie populaire, un domaine qui l'a beaucoup intéressé. Sa femme et lui ont travaillé sur les images populaires islamiques et en ont beaucoup acheté aux cours de leurs divers voyages, du Maroc à l'Inde, et qui paraissent kitsch mais sont très fortes.
00:44:14 – 00:45:15 (Séquence 31) : Pierre Centlivres parle de son désir de comprendre l'autre, qui est la base du métier d'ethnologue. Il a d'ailleurs réalisé que souvent ses interlocuteurs réagissent à ses questions en se demandant eux-mêmes pourquoi et comment ils sont tels qu'ils sont. L'ethnologie permet donc d'expliciter l'implicite des hommes. La comparaison des points de vue et des observations avec nos propres usages opèrent ainsi un véritable retour sur nous-mêmes.
00:45:30 – 00:46:52 (Séquence 32) : Pierre Centlivres évalue l'apport de l'ethnologie dans sa compréhension du monde : il pense qu'il faut continuer à trouver des clefs de lecture et à étudier les facettes du monde qui sont de plus en plus complexes. Son impression actuelle est que le monde est intelligible pourvu qu'on l'appréhende avec modestie et émotion. De l'homme, l'ethnologie lui a appris qu'il peut être compris. De même la société, les difficultés, la xénophobie et la haine existent, mais en parallèle du désir de l'Autre, du désir de compréhension de son interlocuteur et de le rapprocher de soi. Pierre Centlivres trouve que c'est un réel bonheur d'avoir en face de soi un Afghan et de sentir qu'il essaie de vous comprendre.
00:47:07 – 00:47:28 (Séquence 33) : Pierre Centlivres explique que pour parler de ce qu'il a appris des différents contacts qu'il a eus au cours de sa carrière, il aurait besoin qu'un ethnologue l'étudie. Il dit avoir appris un peu de modestie et d'humilité vis-à-vis de gens qui vivent dans des conditions très difficiles et gardent malgré tout l'espoir et le sens de l'humour.
00:47:44 – 00:47:44 (Séquence 34) : Pierre Centlivres explique qu'il a appris de l'étude de l'homme le fait d'être lui-même un homme curieux et aimant la compagnie de ses semblables.
00:48:01 – 00:48:13 (Séquence 35) : Générique de fin du Plans-Fixes consacré à Pierre Centlivres, anthropologue, et tourné à Neuchâtel le 22 février 2003.
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