Alain Tanner (Cinéaste)

  • français
  • 2006-09-15
  • Durée: 00:47:48

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Description

Alain Tanner n'est pas un raconteur d'histoires : il se laisse inspirer par des personnages dans lesquels viennent s'incarner des idées; ils sont en porte-à-faux, dans une forme d'inconfort, en fuite d'eux-mêmes. Né à Genève, Tanner, dès l'adolescence, ressent un désir de fuite, la nécessité du départ même. Durant deux ans, il sera écrivain de bord dans la marine marchande. A son retour, il optera pour le cinéma. Débuts à Londres, puis retour en Suisse où il réalise, en 1968, son premier long métrage "Charles mort ou vif" qui sera suivi de "La Salamandre". Successivement présentés au Festival de Cannes, ils obtiendront un énorme succès. Dès lors, Tanner devient producteur de ses propres films, ce qui lui permet une indépendance totale. Le cinéaste nous offre une belle réflexion sur le langage du cinéma.

00:00:00 – 00:00:10 (Séquence 0) : Générique de début du Plans-Fixes consacré à Alain Tanner, cinéaste, et tourné à Genève le 15 septembre 2006. L'interlocuteur est Jean Perret.
00:00:10 – 00:01:16 (Séquence 1) : Alain Tanner explique que les arbres de la propriété où se déroule l'entretien, ont exactement sont âge : ils avaient un mètre de haut quand son père a amené sa famille ici. Pour lui, il n'y a rien de plus sage qu'un arbre : ils sont faciles à filmer quand il y a du vent, ce qu'il adore. Devant l'interlocuteur et lui, un jeune arbre se dresse : Alain Tanner l'a reçu des comédiens de son dernier film, "Paul s'en va", soient les 17 jeunes de l'Ecole d'Art dramatique de Genève. Ils y avaient accroché 17 petits rubans rouges avec leurs noms dessus. Alain Tanner a adoré ce cadeau et ce réjouit de la durée de vie de cet olivier : 1000 ans.
00:01:17 – 00:01:26 (Séquence 2) : Générique de début du Plans-Fixes consacré à Alain Tanner, cinéaste, et tourné à Genève le 15 septembre 2006. L'interlocuteur est Jean Perret.
00:01:27 – 00:04:46 (Séquence 3) : Alain Tanner offre sa réflexion sur sa pratique cinématographique : il ne part jamais d'une histoire à raconter, mais toujours des personnages. Il a pourtant adapté deux fois des romans, mais uniquement parce que les personnages l'intéressaient. Par exemple, quand il a fait "Jonas qui aura 25 ans en l'an 2000" avec John Berger comme co-auteur, ils avaient huit acteurs potentiels. John Berger ne connaissait que deux d'entre eux et ils n'étaient même pas au courant. Alain Tanner lui a montré les huit photographies en lui proposant d'inventer huit destins ou morceaux de destin pour eux ; et de les faire ensuite s'entrecroiser pour la texture du film. Ces personnages formaient une sorte de bilan des idées des années 1960, avec un héritier à la fin sous forme d'un enfant. Ils devaient incarner des prophètes ou des idéogrammes, où les idées viendraient s'incarner, soit prendre chair, puisqu'un personnage ne peut être uniquement un porte-parole. Autre exemple, quand Alain Tanner a fait "Dans la ville blanche", il a conçu ses personnages non comme des idées tombées du ciel, mais comme des rêves, comme des idées remontées de la matière. Bruno Ganz était donc un personnage-matière dans ce film. Ces deux méthodes sont celles de Alain Tanner et varient selon l'instant.
00:04:48 – 00:06:16 (Séquence 4) : Alain Tanner parle des personnages de ses films : certains le guident et il en dirige d'autres. Par exemple, ceux de "Jonas" sont entièrement écrits et cadrés : les auteurs les fabriquent et les guident du début à la fin. Mais, dans le cas d'un autre film, comme "Dans la ville blanche", il n'y a pas de scénario et ses personnages incarnaient une sorte de rêve, après lequel Alain Tanner courait. Dans ce cas précis, il avait rêvé ce personnage six mois avant de l'écrire, car il était chez lui, malade. Il a donc écrit sur cet homme, qui était un peu lui-même, comme tous les Paul de ses films d'ailleurs. Pour ce Paul-ci, il lui a néanmoins un peu couru après, pour lui écrire différents épisodes de son séjour à Lisbonne.
00:06:19 – 00:08:39 (Séquence 5) : Alain Tanner a commencé au cinéma avec un premier long métrage de fiction, "Charles, mort ou vif", en 1969. Cela représente 35 ans de cinéma, mais si l'on considère qu'il a commencé dans les années 1950 à mettre en scène, cela fait plutôt une cinquantaine d'années. Ses débuts de jeune cinéaste ont été quelque peu chaotiques, mais il a pu finalement suivre la ligne qu'il s'était fixée. Il a en effet commencé en Angleterre avec "Nice Time" en 1956, avec Claude Goretta, alors comme un frère pour lui. Le film est sorti en 1957 et a eu un prix au Festival du court métrage à Venise. Cela lui a mis le pied à l'étrier. Alain Tanner est devenu assistant à la BBC, dans la section documentaire, pendant un an, après avoir travaillé deux ans à la cinémathèque anglaise. Puis, il a été assistant à Paris sur des longs métrages de fiction, avant de retourner en Suisse, pour tourner un court métrage de commande, "Ramuz, passage d'un poète", écrit par Franck Jotterand. Il a travaillé ensuite cinq ans pour la Télévision Suisse Romande, mais uniquement dans le reportage, avant de faire le saut à la fiction en 1968.
00:08:42 – 00:10:30 (Séquence 6) : Alain Tanner évoque le Groupe Cinq, genevois, qui, à défaut d'être un groupe étroitement constitué, a été un point de départ. Ces cinq camarades avaient tous en commun le goût du cinéma : Goretta, Soutter, Lagrange, Roy et lui-même. A la base, c'est la télévision qui souhaitait qu'ils se regroupent, pour débuter le long métrage en Suisse romande. On doit leur création à Michel Soutter, qui avait déjà fait trois longs métrages dans les mêmes circonstances, alors que Alain Tanner et les autres pensaient ne jamais avoir accès à ce dont lui avait été témoin dans les studios de Joinville et d’ailleurs. Le point de départ a été quand Soutter a réalisé qu'une fiction n'était que du documentaire, avec des personnages et un texte.
00:10:33 – 00:13:41 (Séquence 7) : Alain Tanner évoque ses origines et ses parents, notamment en lien avec son amour du cinéma. Son grand-père était fils d'un armateur de Trieste, d'où son goût peut-être pour la Méditerranée et la mer. Il a émigré aux Etats-Unis et a épousé la grand-mère de Alain Tanner qui était française. De l'autre côté, le grand-père Tanner - nom allemand - lui est inconnu, car il a abandonné son épouse avant la naissance de son enfant. Une autre partie de la famille venait du midi de le France. Le père d’Alain Tanner était écrivain, peintre et publiciste. Il était un Félibre, du groupement d'écrivains provençaux de Félibrige. Sa mère était d'origine franco-hongroise et elle était née aux Etats-Unis. Les parents ne savaient pas bien ce que signifiait d'être Suisse. C'est l'une des raisons d'ailleurs pour lesquelles Alain Tanner lui-même se met à distance de la notion de cinéma suisse. D'un point de vue artistique, le père et la grand-mère de Alain Tanner étaient peintres, tandis que sa mère a appris le théâtre à Paris avec Jacques Copeau et a joué avec Jouvet. Quant au cinéma, ses parents l'emmenaient en salle comme tous les autres gens : ils allaient au Rialto de Genève voir par exemple "Les enfants du paradis". Il avait donc déjà un rapport avec le monde des arts.
00:13:45 – 00:16:12 (Séquence 8) : Alain Tanner raconte les étapes formatrices de son parcours. Il a notamment découvert le jazz après la dernière guerre : il avait 16 ans en 1946 et les premiers musiciens de jazz noirs-américains sont arrivés en Europe. Il est même allé voir Armstrong et Ellington en 1947, dans un festival à Nice, grâce à son père, qui lui a donné 100 francs et sa permission. Alain Tanner a également connu personnellement Armstrong, car il parlait trois mots d'anglais. Il l'a aidé à faire des courses le lendemain du concert. Le jazz était totalement révolutionnaire à l'époque. Alain Tanner se remémore les premières émissions radio de la RSR, avec Loys Choquart, qui créait le scandale avec "cette musique de sauvages". Les gens se sont intéressés aux origines du jazz et ont découvert les champs de coton d'Amérique, ainsi que la traite des noirs. C'est ainsi que Alain Tanner a réalisé l'existence de l'injustice : ce fut sa première prise de conscience du monde et de la politique.
00:16:17 – 00:16:40 (Séquence 9) : Alain Tanner évoque sa découverte du surréalisme en littérature, quand il avait 20 ans : toutes ses lectures ont dès lors porté sur Breton, Eluard, Tzara, Péret et Cravan.
00:16:45 – 00:17:25 (Séquence 10) : Alain Tanner évoque une des révolutions qui ont jalonné son parcours personnel : le néoréalisme italien au cinéma. Il l'a découvert en salles dans les années 1947-1948. Même s'il n'a pas décidé à l'époque de faire du cinéma, cela lui a montré que le cinéma pouvait être autre chose qu'un simple divertissement et pouvait dire des choses. Il a créé avec Claude Goretta le ciné-club universitaire, quand ils étaient étudiants. Il a également découvert dans le même temps le surréalisme.
00:17:31 – 00:18:34 (Séquence 11) : Alain Tanner raconte sa fuite de la Suisse, qu'il qualifie de nécessaire et vitale. Il est parti prendre la mer avec la Marine marchande, pendant deux années. Il a notamment découvert l'Afrique. Il voyageait avec deux valises : dans l'une, un pantalon de rechange, trois paires de chaussettes et un caleçon ; dans l'autre, toute la littérature surréaliste. Il passait beaucoup de temps en mer à lire.
00:18:40 – 00:19:07 (Séquence 12) : Alain Tanner parle de bateaux et de ses séjours en mer : il était alors écrivain de bord, ce qui impliquait pour lui la découverte du monde du travail. Il a beaucoup appris.
00:19:13 – 00:22:01 (Séquence 13) : Alain Tanner raconte la période de sa vie où il avait 25 ans et était de retour de ses voyages en mer. Malgré sa licence en sciences économiques, il avait le sentiment de n'avoir rien appris à l'école au Collège Calvin de Genève. Il ne savait pas ce qu'il voulait faire, mais savait ce qu'il ne voulait pas faire et a donc décidé de faire du cinéma. Il a dès lors eu un parcours assez sinueux et a été à Paris, où il a rencontré des gens, sans pouvoir vraiment travailler. Il est donc allé à Londres, où les choses ont été plus aisées, car il a pu travailler à la Cinémathèque anglaise. Cette institution avait besoin de gens polyglottes, ce qui l'a arrangé puisqu'il parlait anglais, italien et français. Il y est resté deux ans et a pu ainsi rencontrer Lindsay Anderson et Karel Reisz. Le premier l'a beaucoup aidé, notamment en l'hébergeant durant deux ans chez lui. Anderson et Reisz ont créé ensemble le mouvement du Free Cinema, qui a été très fort en Angleterre, notamment en lien avec le nouveau théâtre anglais et la nouvelle littérature anglaise, comme David Storey ou Alan Sillitoe. Alain Tanner a pu tourner un premier film, avec Claude Goretta.
00:22:07 – 00:26:31 (Séquence 14) : Alain Tanner évoque son retour en Suisse et la création du groupe de production de films de longs métrages à Genève en 1968. Il a tourné pour la télévision sur les événements qui se déroulaient à Paris. En juin, il écrit "Charles, mort ou vif" et voit donc une relation entre ces événements et son film. Dès cette période Alain Tanner a pu commencer à faire du long métrage. Il a donc eu la chance de voir son parcours jalonné de moments historiques propices à son développement personnel et professionnel. Il met en place son propre système et sa propre économique, notamment en ne rentrant pas dans les studios. Il doit cependant beaucoup au Festival de Cannes, qui a passé son premier film, "Charles, mort ou vif", et son deuxième film, "La salamandre". Ce dernier a eu un énorme succès commercial et c'est cela qui lui a permis de devenir son propre producteur, tout en le faisant vivre, lui et sa famille. Parallèlement à cela, il a su tisser des réseaux avec les pays étrangers, du Japon aux Etats-Unis, qui lui ont permis de tourner en Suisse un long métrage de fiction tous les 20 mois environ. Il a ainsi pu conserver une indépendance totale et réellement travailler l'écriture filmique et le cinéma. Alain Tanner a donc œuvré avec des Allemands, des Français, des Portugais, des Anglais, des Italiens, des Espagnols. Contrairement à beaucoup de cinéastes suisses, il ne se demandait pas de quoi serait fait le lendemain, à la condition de garder toujours un petit budget. Par exemple, il a eu besoin d'environ 75000 francs pour "Charles, mort ou vif", de "180000 francs, pour "La Salamandre, ou encore 750000 francs, pour son dernier film, "Paul s'en va" ; là où les producteurs actuels exigent un minimum de cinq millions.
00:26:37 – 00:28:02 (Séquence 15) : Alain Tanner évoque les relations entre politique et cinéma, notamment au niveau fédéral. La loi concernant le cinéma est entrée en vigueur en 1962 ou 1963. Puis une commission fédérale du cinéma s'est créée, avec 27 membres, dont pas un seul cinéaste. Les gens du métier ont demandé à y aller, pour savoir ce qu'il s'y passait, il fallait ne pas y aller à titre individuel mais représenter une association. L'association de réalisateurs, a donc été créée en toute hâte, en 1962, avec cinq personnes dont Tanner, Henry Brandt, Goretta, Walter Marti et Alexandre Seiler. Alain Tanner, initiateur et président, est allé à la commission défendre le cinéma, face à ceux qu'il nomme les 26 ennemis du cinéma. Il en est sorti vivant voire vainqueur.
00:28:09 – 00:33:31 (Séquence 16) : Alain Tanner évoque la notion de modernité telle qu'elle se révèle dans son œuvre de cinéaste. Elle vient de deux choses. Elle part d'abord d'une réflexion esthétique, qui, elle, n'est possible qu'après une certaine rupture avec le vieux cinéma. Ceci a été rendu possible par différents mouvements, comme la Nouvelle Vague en France, le Cinema Nuovo au Brésil, le Jeune Cinéma québécois, et également la Pologne et la Tchécoslovaquie. Une explosion mondiale a eu lieu à ce moment-là et le vieux cinéma a craqué : on ne voulait plus de Boulogne-Billancourt, Cinecittà, Mosfilms ni Hollywood. Partant de là, le langage du cinéma a été retravaillé et le mouvement a également pris une tournure plus idéologique. Il fallait dire des choses neuves avec un cinéma neuf. Alain Tanner, de son côté, a été très influencé, dès son premier long métrage, par Brecht, dont les théories sur la dramaturgie théâtrale sont parfaitement adaptables au cinéma. C'était la façon d’Alain Tanner d'avoir un cinéma de discours, notamment à travers la distanciation de la voix off, du montage ou via la destruction de l'écriture de découpage. Une des conquêtes essentielles a ensuite été réalisée sur le travail des durées : on a pu soudain faire des plans de trois minutes. Alain Tanner en a fait d’une durée de sept minutes au sein d'une fiction, ce qui changeait tout, du regard du spectateur, à la façon de travailler, en passant par la technique de production en "tourné-monté". Alain Tanner commence la journée avec une liste de dialogues. Puis, il voit le décor avec le chef opérateur, ainsi que les lumières, avant de concevoir mentalement un story-board : ses quatre plans de la journée sont très minutieusement planifiés ainsi. Tout cela fait partie de la modernité, car cela rompt avec le cinéma de narration traditionnel. Alain Tanner aime par exemple Ford et la tradition classique, mais a renoncé à la dramaturgie et à la psychologie traditionnelles, car cela implique d'entrer dans le système du récit, donc un découpage, comme dans les films américains. Pour Alain Tanner, le cinéma sert à voir et non à raconter : ses films sont donc composés en moyenne de 200 plans au maximum, ce qui correspond pour lui au temps du regard.
00:33:39 – 00:35:40 (Séquence 17) : Alain Tanner évoque ses personnages, qui, s'il leur refuse toute psychologie, ont une identité, un corps et une voix. Comme le dit Gilles Deleuze, au cinéma, c'est le corps qui importe ; ce qui ne veut pas dire – contrairement à ce qui est débattu actuellement par la critique – qu'il faudrait avoir un cinéma de pur comportement, où il n'y aurait plus d'idée. Pour Alain Tanner, il est possible d'avoir un cinéma discursif, comme avec "Jonas", mais aussi un cinéma du corps, comme dans les trois films qu'il a tournés avec Myriam Mézières et qui sont ancrés dans le sentiment. Cette femme lui a d'ailleurs servi de muse et permis d'explorer un terrain qu'il n'aurait jamais exploré tout seul : celui de l'érotisme et de la représentation de la sexualité au cinéma, une chose très dure à faire et un terrain à risques. D'ailleurs il s'est fait descendre par la critique, car il travaillait sans filet.
00:35:49 – 00:37:07 (Séquence 18) : Alain Tanner évoque son travail de la matière même du cinéma, dans des films comme "La salamandre" ou "Dans la ville blanche", avec le grain ou du huit millimètres. Il ne l'a pas fait systématiquement, mais sur le premier film, il a par exemple usé du ralenti, dont il dit maintenant qu'il faut s'en méfier, puisqu'on en voit partout et pour rien. Pour Alain Tanner, le vrai ralenti a été inventé par Godard, car il lui donne un impact extraordinaire, poétique et fantastique. Quant au second film, le gonflage du super-huit et la déchirure du 35 millimètres ont permis d'aller dans la tête du personnage, pour proposer "une cosa mentale".
00:37:17 – 00:39:10 (Séquence 19) : Alain Tanner parle de la musique de ses films, une autre façon de suggérer une autre vision du monde aux spectateurs, même si en principe, il n'y en a pas besoin au cinéma. En effet, pour lui, le cinéma a fait deux mauvais mariages : premièrement, de raison et forcé, avec la télévision, deuxièmement, non obligatoire et absurde, avec la musique. On n'est en effet pas du tout obligé de mettre de la musique dans un film, comme dans les films de Buñuel. La musique est présente dans tout le cinéma commercial américain, qui est comme un grand supermarché ou un ascenseur. Alain Tanner a toujours mis de la musique dans ses films, car il s'est inspiré de Jean-Luc Godard, qui a fait les premières vraies musiques de film, avec "Pierrot le fou" et "Le mépris". Alain Tanner considère tout le reste comme de la soupe ou du cosmétique. La musique ne doit pas être un moyen de remplissage, mais un soutien au film ou au dialogue, comme un discours parallèle, en contradiction parfois avec les images.
00:39:20 – 00:39:38 (Séquence 20) : Alain Tanner a toujours réalisé la musique de ses films avant le tournage, ce qui contredit toutes les règles traditionnelles.
00:39:48 – 00:42:16 (Séquence 21) : Alain Tanner évoque les thématiques et questions récurrentes ayant jalonné son cinéma : des personnages inconfortables, en porte-à-faux et en fuite d'eux-mêmes et de leur environnement. Lui-même a toujours pris la fuite, peut-être car il vivait en Suisse. Il a eu envie, dès l'adolescence, de partir voir le monde. La Suisse était confinée et étroite pendant et après la guerre. Il habitait à trois kilomètres de la frontière et pour lui, la Suisse n'existe pas. Son désir de fuite et de perte se traduit mieux chez ses personnages féminins que ceux masculins : la femme s'échappe mieux que l'homme, car elle est plus forte, plus jolie et une source d'inspiration visuelle. Il préfère avoir des filles, comme dans par exemple "Messidor", qui est son film de départ, le dernier fait en Suisse, avant de revenir longtemps après. Il représente la fin de quelque chose et le désir d'être ailleurs, ainsi que le constat suivant : les petits territoires sont très vite épuisés par le cinéma. En effet, un film comme "Les petites fugues", sur le canton de Vaud, ne sera pas réalisé à nouveau avant 20 ans.
00:42:27 – 00:44:45 (Séquence 22) : Alain Tanner parle de son film "Requiem", tiré d'un livre de Tabucchi, qu'il ne voulait pas adapter à l'époque, bien qu'il connaisse le traducteur Bernard Comment. Ils l'ont piégé, mais ce fut avec délice. Le film comporte des fantômes et cherche à déstabiliser le temps et l'espace. Alain Tanner s'est laissé convaincre car la manière de traiter le sujet était différente de ce qu’il avait déjà fait et qu'il avait très envie de retourner à Lisbonne. Ce fut très rapide : il s'est passé six mois entre la décision et la première copie. Ce fut également un grand bonheur, avec une bonne ambiance et des acteurs portugais tous plus merveilleux les uns que les autres. Alain Tanner s'est pourtant maintes fois demandé s'il pouvait filmer ce qu'on dit en littérature ou s'il ne pouvait pas mélanger les deux domaines, en mêlant corps et fantômes comme Tabucchi l'a fait dans son livre. Il est très content du résultat.
00:44:57 – 00:46:56 (Séquence 23) : Alain Tanner évoque ses films choraux, notamment du dernier "Paul s'en va", qui est un film de groupe, grâce à 17 étudiants d'art dramatique, qu'il a fréquentés pendant une année avant le tournage, lors de cours et de projections. Au moment de lancer le projet, il s'est senti piégé car il les adorait tous et les voulait tous dans son film. Il a donc décidé avec Bernard Comment de faire un film choral : les 17 étudiants ont le rôle principal, avec comme fil conducteur la disparition d'un des personnages. Le but du film était en fait un travail sur le verbe, car le travail futur de ces jeunes acteurs sera d'être les vecteurs des auteurs. Le film porte donc sur le verbe et la beauté des gens. Son dernier plan est d'ailleurs une image d'Arthur Rimbaud soufflant dans les cheveux des personnages, à contre-jour. C'était un vrai bonheur, précise Alain Tanner.
00:47:08 – 00:47:35 (Séquence 24) : Générique de fin du Plans-Fixes consacré à Alain Tanner, cinéaste, et tourné à Genève le 15 septembre 2006.
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