Jean-François Amiguet (Raconteur d'histoires)

  • français
  • 2014-06-19
  • Durée: 00:47:58

Die unten dargestellten Filmaufnahmen werden Ihnen über Vimeo (https://vimeo.com/) zur Konsultation angeboten.

Description

C’est avec peu de moyens que Jean-François Amiguet réalise, dès 1971, ses premiers documentaires. En 1983, il passe au long métrage et entame une trilogie avec Alexandre, sélectionné à Locarno. Il tourne ensuite le second volet, La Méridienne (1988) qui est sélectionné dans la section Un Certain Regard au Festival de Cannes. Enfin, L’Ecrivain public (1993) clôt la trilogie. Il travaille ensuite pour la Radio télévision suisse et découvre la réalité du pays romand. Il revient au cinéma en 2003 avec Au sud des nuages, puis Sauvage (2010), son dernier long métrage. Son prochain film s’intitulera L’homme qui racontait son grand-père, 2e volet d’une nouvelle trilogie. Sa recherche esthétique est empreinte de « l’esprit Michel Soutter », celui de l’urgence de faire du cinéma.

00:00:00 – 00:00:16 (Séquence 0) : Générique de début du Plans-Fixes consacré à Jean-François Amiguet et tourné à Lausanne, le 19 juin 2014. L'interlocuteur est Frédéric Maire.
00:00:16 – 00:02:58 (Séquence 1) : L'interlocuteur rappelle que Jean-François Amiguet a délivré un cinéma personnel et original unique en Suisse. Jean-François Amiguet possède une grande culture générale et surtout cinématographique. Ses films sont souvent autobiographiques, mêlant fiction et réalité. Le cinéaste suisse a choisi la Cinémathèque suisse pour le tournage de ce film. Il considère que la Cinémathèque suisse est sa "deuxième maison", parce qu'il y aime les films projetés, mais surtout parce que les films suisses y occupent une place particulière et sont diffusés et sauvegardés. Ayant le souci de la pérennité des œuvres du cinéma suisse, il voit ce lieu comme sacré, voire religieux. Un lieu au carrefour du passé, du présent et du futur.
00:02:59 – 00:04:55 (Séquence 2) : Jean-François Amiguet est né à Vevey dans un milieu modeste. Il se souvient d'avoir été un enfant assez protégé. La vie était simple. Le contexte de l'immédiat Après-guerre a inspiré un sentiment de peur des communistes à la maison comme à l'école. Ce sentiment est alors renforcé par la politique internationale : la politique agressive de Khroutchev et la crise des missiles à Cuba. Il se souvient même que ses parents lui demandent à l'âge de 11 ans de dormir dans leur lit par peur d'une possible invasion.
00:04:56 – 00:06:24 (Séquence 3) : Jean-François Amiguet ne se souvient pas d'avoir eu peur des russes, mais d'aller à l'école. Il craint la récréation et court à chaque fois se cacher dans les toilettes, imaginant ce qui se passe dans la cour. Ce réflexe l'a beaucoup aidé dans son imagination, puisqu'il était obligé de penser ce qui se passait ailleurs. Il décide alors de raconter cela à ses camarades, ce qui lui permet de surmonter cette peur et de redescendre dans le préau.
00:06:26 – 00:08:02 (Séquence 4) : Jean-François Amiguet a vécu dans un milieu simple dans lequel la culture n'existait pas. Il n'y avait pas d'accès à la littérature ni au théâtre. Il découvre le cinéma vers l'âge de 16-18 ans, grâce aux revues Cinéma 66-67-68. La providence intervient grâce aux soirées du vendredi organisées par Freddy Buache à la Cinémathèque. Il se souvient que Buache y faisait intervenir ses amis cinéastes, les Straub, Solanas, etc. Le climat est à l'insurrection, le monde semble basculer. Il décide très vite, vers 1967-1968, de faire du cinéma.
00:08:04 – 00:09:27 (Séquence 5) : Jean-François Amiguet devient réalisateur. Il se souvient que dans les années 60, contrairement à aujourd'hui, il était très facile de faire des films. Son ami Guy Michaud produit son premier film pour mille francs. Il se rend pour tourner à la Brévine, inspiré par une relation amoureuse. La fille le quitte trois jours avant le tournage, il décide alors de réaliser un documentaire. Des gens talentueux font du cinéma à cette époque : Marcel Schüpbach, Frédéric Gonseth. Ces cinéastes qui l'inspirent sont réunis autour de ce qui s'appelle Cinéma Marginal.
00:09:29 – 00:10:36 (Séquence 6) : Jean-François Amiguet se souvient que l'association Cinema Marginal permettait d'acheter du matériel avec le produit des entrées de films projetés à Lausanne. Ils achètent par exemple les droits du film de Godard "One plus One" et le diffusent devant mille personnes. Avec cet argent, ils achètent du matériel pour tourner. Cinema Marginal est ainsi à la fois un lieu de diffusion, de production, tout cela dans une grande simplicité.
00:10:38 – 00:12:59 (Séquence 7) : Jean-François Amiguet appartient à la deuxième génération du nouveau cinéma suisse, initiée par Tanner, Goretta, etc. Le réalisateur se souvient que cette première génération était très présente et bienveillante. Il se rend avec Guy Michaud sur le tournage des films de Michel Soutter, Claude Goretta, alors à la Commission fédérale les aide beaucoup en favorisant leurs projets. Il travaille avec Tanner sur son film "le Milieu du monde" en 1974 où il rencontre le producteur Robert Boner. Grâce à Tanner, il apprend beaucoup sur le travail de tournage avec une équipe. Ce sont les premières coproductions, notamment avec la France, alors qu'auparavant les budgets sont moindres et l'auteur du film est à la fois le scénariste, le producteur et le réalisateur.
00:13:02 – 00:16:21 (Séquence 8) : Jean-François Amiguet réalise "Alexandre", son premier long-métrage. Il se souvient que la production a été une affaire compliquée. Il connaît successivement sept échecs à Berne mais se lance tout de même dans une production avec des moyens modestes. Grâce à Raymond Vouillamoz, patron de la fiction à la Télévision Suisse romande, ils obtiennent un financement complémentaire. Il se souvient alors de la leçon de Jean Eustache qui proposait, à défaut de moyens, de chercher le luxe. Ils écrivent alors avec Anne Gonthier, la scénariste, à James Mason, qui vit dans la région, pour lui proposer de tenir le rôle du père dans le film. Celui-ci accepte. Le tournage se déroule très bien dans une ambiance détendue. A partir du deuxième jour de tournage, voyant son incompétence dans la direction d'acteurs, James Mason arrête le tournage et lui demande de le regarder. Il lui explique que pour que le jeu de l'acteur soit lisible, il faut que l'acteur lance un coup d'œil qui annonce ce qu'il va faire. Le film lui permet donc d'apprendre in vivo le métier.
00:16:25 – 00:18:19 (Séquence 9) : En 1977, sur l'initiative du producteur Robert Boner, réalisateurs, techniciens et producteurs se regroupent autour du projet d'Yves Yersin "Les Petites Fugues" qui ne parvient pas à se concrétiser. Grâce à cette association, il devient possible de post-produire le film. Cette expérience d'association est très fructueuse et incarne la dernière partie de l'utopie collective soixante-huitarde en Suisse romande. Après cela, les maisons de production se développent et les désirs s'individualisent. C'est une véritable école d'exigence.
00:18:23 – 00:19:32 (Séquence 10) : Jean-François Amiguet décide le jour de ses 30 ans de faire une trilogie sur les incertitudes du cœur. Il veut raconter de petites histoires à la manière de Rohmer qu'il admire. L'histoire du film "Alexandre" tourne autour d'un personnage absent que deux hommes qui aiment la même femme recherche.
00:19:36 – 00:20:50 (Séquence 11) : Jean-François Amiguet se souvient qu'avant la projection de son film "Alexandre" à Locarno, le film est projeté à la Cinémathèque. Le moment est encourageant grâce à l'accueil amical de Freddy Buache. Locarno est la première confrontation avec une salle de 1500 personnes, il se sent très impressionné. L'accueil est chaleureux et un encouragement pour la suite de la trilogie.
00:20:55 – 00:23:10 (Séquence 12) : Jean-François Amiguet réalise "la Méridienne", deuxième partie de sa trilogie, dont le matériel se trouve déjà en partie dans son premier film. Le film doit beaucoup à deux amis proches: au producteur Gérard Ruey d'une part, très exigeant au niveau des décors et du maquillage, mais aussi à l'autre producteur, Jean-Louis Porchet d'autre part, avec qui ils auditionnent à Paris plus de 300 comédiens pour ce film. Ils trouvent à ce moment-là Kristin Scott Thomas qui n'avait jamais joué dans des films en français. Ils réalisent ainsi un film plus professionnel qui se démarque des pratiques collectives précédentes.
00:23:15 – 00:24:48 (Séquence 13) : Jean-François Amiguet a gardé un très bon souvenir de la sélection de son film "la Méridienne" dans la catégorie un Certain regard du Festival de Cannes. Le film est projeté un jour de pluie, ce qui joue un rôle important puisque le film est ensoleillé et un hymne à la beauté des femmes. Il monte sur scène avec Fredy Buache et Anne Gonthier arborant un pardessus et un parapluie, attitude comique qui a suscité la sympathie du public, très nombreux. Il explique que participer à Cannes ouvre des portes, puisque suite à cela il a été invité dans le monde entier. Il refuse même des propositions de films, préférant rester à Vevey avec son cercle d'amis. Il n'a pas de regrets.
00:24:54 – 00:26:46 (Séquence 14) : Jean-François Amiguet raconte que son film "la Méridienne" connaît un certain succès et que l'appel de Paris se manifeste. Admirateur de Rohmer, il se rapproche de Margaret Ménégoz, productrice aux Films du Losange, qui le met en contact avec Daniel Toscan du Plantier. Cette relation lui permet d'avoir un budget plus confortable pour son film suivant "l'Ecrivain public" qui le fait travailler avec une équipe prestigieuse. Il se sent toutefois plus habile lorsqu'il doit se débrouiller avec un plus petit budget. Il pressent ainsi au moment de tourner que c'est la fin d'une certaine époque du cinéma suisse et prend conscience de son statut d'outsider. Il ressent une certaine division en lui.
00:26:52 – 00:30:12 (Séquence 15) : Jean-François Amiguet sort fatigué du tournage du dernier opus de sa trilogie. Il perd son père trois jours avant le début du tournage. En raison de cela, il fait tendre le long-métrage vers la comédie dramatique, décevant un peu les attentes du public. Décevant également sur le plan financier, cette expérience le pousse à prendre un nouveau départ. Il a la chance de recevoir une lettre de Raymond Vouillamoz qui lui propose de devenir réalisateur pour la télévision. Il accepte et quitte ses histoires sentimentales pour se plonger dans la réalité du pays romand; les prisons, les soins intensifs sont autant de thèmes qu'il traite dans les Temps Présents qu'il réalise. Tournant avec de petites équipes il découvre une façon spontanée de travailler. Il rencontre ensuite Benoît Aymon qui l'invite à collaborer à l'émission Passe-moi les jumelles. Il est comblé parce que dans ce cadre, il peut faire du documentaire tout en utilisant ce qu'il a appris à faire avec la fiction. Il a par la suite envie de travailler en fiction cette fois avec les outils du documentaire. Il réalise "Au Sud des nuages".
00:30:19 – 00:32:22 (Séquence 16) : Avec son film "Au Sud des nuages" Jean-François Amiguet réalise un cinéma plus enraciné. Ancré à la fois dans le décor de la montagne valaisanne et de ses habitants et en Extrême Orient, il confronte le réalisateur à un autre univers. Il fait pour ce tournage 24 jours de train à travers la Russie, la Mongolie et la Chine, ce qui est une expérience exotique et dépaysante pour quelqu'un qui a peu voyagé comme lui. Il s'est embarqué dans quelque chose qui le dépasse complètement, tant sur la plan du cadre que du scénario. Arrivé au bout de son périple en Chine avec les 80'000 spectateurs qui assistent au combat de buffles, quelque chose se révèle à lui. Le film est encore aujourd'hui fréquemment projeté.
00:32:30 – 00:35:18 (Séquence 17) : Le film "Au Sud des nuages" associe autant des éléments machiniques que naturels. Jean-François Amiguet considère que le train est le meilleur directeur d'acteurs au monde. Son rythme dicte quelque chose aux acteurs. Il explique n'avoir jamais eu aussi peu à diriger les comédiens. Il est également fasciné par les paysages de Sibérie et de Mongolie. Il se rend compte en faisant ce film que ce qui l'intéresse c'est de filmer des visages dans le paysage. Il explore ensuite cette dimension dans son dernier film "Sauvage", dans lequel il n'y a presque pas de dialogues. Avec ce silence, lui qui aime tant parler, se rapproche d'un cinéaste japonais comme Ozu, qui propose un cinéma aux dialogues épurés. C'est en filmant à la montagne avec Benoît Aymon qu'il a commencé à développer cette approche.
00:35:26 – 00:36:43 (Séquence 18) : Jean-François Amiguet évoque la louve sauvage qui apparaît dans son dernier film. Il a ressenti le besoin de la représenter pour faire le contrepoint à l'idée que notre société est civilisée, alors que le cinéaste la voit comme sauvage. Ce qui l'intéresse au-delà de l'animal, c'est son lien avec le paysage et la nature. Il voit son film comme un hymne à une planète menacée. C'est un pressentiment ancien, puisque ses premiers courts-métrages ont déjà une couleur écologique.
00:36:52 – 00:38:27 (Séquence 19) : Jean-François Amiguet a depuis longtemps eu envie de travailler avec Jean-Luc Bideau, qui joue Bernard dans son dernier film Sauvage. Il a eu autrefois un projet commun où Bideau devait incarner un entraîneur de foot, ce projet ne s'est pas réalisé. Il apprécie beaucoup Bideau, un grand raconteur d'histoires. Filmer Bideau sous toutes les coutures a été un grand bonheur pour lui, malgré les difficultés du cadre choisi. Il considère qu'un artiste doit aller au bout de ses démarches malgré les difficultés. Le cinéaste souhaite toutefois aujourd'hui retourner à la comédie.
00:38:36 – 00:40:24 (Séquence 20) : Jean-François Amiguet a souvent réuni autour de lui des comédiens ayant fait une importante carrière: Kristin Scott Thomas, François Morel, James Mason. S'il aime travailler avec les comédiens, le cinéaste pense que cela vient d'un désir refoulé. En raison de sa timidité il s'est découragé de devenir comédien. Il admire les comédiens comme Zouk, Bernard Haller capables d'être seuls sur scène. Jean-François Amiguet aurait voulu faire un one-man show et aime les comédiens pour ce qu'ils lui offrent par procuration en travaillant pour lui. Aujourd'hui, il se contente de placer la caméra et renonce à la direction d'acteur, laissant les acteurs libres de s'exprimer.
00:40:34 – 00:41:17 (Séquence 21) : Jean-François Amiguet estime le jeu du mensonge qu'offre une fiction, il se sent comme un raconteur d'histoires. Il apprécie tester ses histoires auprès de ses amis. La vie est pour lui une comédie.
00:41:28 – 00:44:01 (Séquence 22) : Jean-François Amiguet explique qu'à la mort de sa mère en 2008, il reçoit la lettre d'une dame de 83 ans vivant au Havre qui lui dit avoir été la dernière maîtresse de son grand-père. Il découvre alors la vie secrète de son grand-père, musicien ayant travaillé pour Bécaud, Aznavour, Trenet. Ce personnage a été tabou au sein de la famille, on a tu son existence. Il a quitté sa femme en 1929 pour aller vivre une vie de bohème à Paris. Le cinéaste découvre des photos de lui et comprend que cet homme l'a marqué inconsciemment, puisqu'il a réalisé certaines de ses aspirations inassouvies. Cette rencontre avec la maîtresse de son grand-père a été une révélation qui l'a conduit à un projet de film sur son grand-père. S'il est devenu un raconteur d'histoires avant d'être cinéaste, c'est un peu grâce à lui.
00:44:12 – 00:46:25 (Séquence 23) : Le cinéma suisse doit revenir aujourd'hui à ses fondamentaux, ce que nous sommes ici et maintenant. Il souhaite s'impliquer dans ces nouveaux films en jouant lui-même la comédie, en traitant de ce qui lui est proche. Il s'inspire ici d'Alain Cavalier qui se met en scène dans des films à petit budget. Il considère que c'est là l'avenir du cinéma. En articulant cette idée, il se rapproche de l'esprit des films de Michel Soutter et de ses premiers pas de cinéaste. Il souhaite retrouver l'énergie folle des débuts du cinéma suisse.
00:46:37 – 00:47:15 (Séquence 24) : Jean-François Amiguet considère que le cinéaste suisse doit se mettre en jeu dans ses films pour se dire. Il espère par là toucher un public. Les moyens sont faibles, c'est pourquoi il faut une plus grande implication personnelle. Aujourd'hui, à 64 ans, il a encore l'impression de tout apprendre, de tout recommencer à zéro révélant un désir de filmer absolument intact.
00:47:27 – 00:47:45 (Séquence 25) : Générique de fin du Plans-Fixes consacré à Jean-François Amiguet raconteur d'histoires et tourné à Lausanne, le 19 juin 2014.
Lien aux découpage sur la base de données original
Ce document a été sauvegardé avec le soutien de Memoriav.
304 Documents dans la collection
Commenter
Commenter