Suzi Pilet (Photographe)
- francese
- 1989-07-07
- Durata: 00:49:56
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Descrizione
Elle est le témoin d'une époque. Dès les années trente, elle rencontre Borgeaud, Corinna Bille, Maurice Chappaz et celui qui deviendra son compagnon de plusieurs années, Alexis Peiry. Espagne, conversion au catholicisme avec l'abbé Zundel, expositions, fidèles amitiés, livres créés pour le plaisir, Suzi Pilet raconte une existence hors de toute ambition sociale et pleine d'un inaltérable élan intérieur. C'est cet élan qu'exprime sa photographie, dans des portraits, des paysages solaires, des chantiers, des pylônes, des arbres.
00:00:00 – 00:00:11 (Séquence 0) : Générique de début du Plans-Fixes consacré à Suzi Pilet, photographe, et tourné à Lausanne le 7 juillet 1989. L'interlocuteur est Bertil Galland.
00:00:11 – 00:01:20 (Séquence 1) :
00:01:20 – 00:02:30 (Séquence 2) : Vers 22 ans, Suzi Pilet a passé ses vacances chez une tante à Sierre deux années de suite. Elle y a découvert Rilke et a lu les "Lettres à un jeune poète" et "Les cahiers de Malte Laurids Brigge". Elle se promenait au bord du Rhône pour s’aérer et prendre des photos. Suzi Pilet n’avait pas la possibilité de parler de photographie à son travail, il y avait une allergie réciproque entre elle et son patron.
00:02:31 – 00:03:47 (Séquence 3) : Alors qu’elle était en vacances à Sierre, Suzi Pilet a rencontré Georges Borgeaud sur la route qui monte à Montana. C’était alors un petit jeune homme à qui elle a montré ses premières photographies du Rhône. En les voyant, Georges Borgeaud lui conseilla d’aller voir Corinna Bille.
00:03:48 – 00:05:23 (Séquence 4) : Suzi Pilet raconte sa première rencontre avec Corinna Bille. Sur les conseils de Georges Borgeaud, Suzi s’est rendu seule au Paradou, elle était intimidée. Suzi Pilet se dit timide et audacieuse, selon elle plus on est timide plus on est audacieux. Corinna Bille est venu ouvrir la porte, elle était comme une apparition, Suzi l’a suivie dans de petits couloirs jusqu’à la grande salle à manger. Le contact s’est tout de suite établi, comme une reconnaissance. Suzi Pilet pense que Corinna Bille a toujours été une grande amie, même lorsqu’elles ne se voyaient plus pendant deux ou trois ans, notamment lors de la période espagnole de Suzi.
00:05:24 – 00:07:30 (Séquence 5) : Lorsque Suzi Pilet a rencontré Corinna Bille, elle a aussi rencontré son frère René-Pierre Bille. Elle l’entendait jouer de l’ocarina puis chanter et Corinna lui a dit que René-Pierre sachant qu’elle recevait la visite d’une femme finirait par se montrer. Il est bien sûr apparu. Corinna Bille avait montré ses albums à Suzi Pilet, notamment celui où elle parle de Ramuz comme du "responsable". Elles ont en commun cette passion de faire des livres, des carnets, des maquettes. Suzi Pilet dit que le jour où elle a rencontré Corinna et René-Pierre Bille, elle a eu deux chocs. René-Pierre l’a intriguée en lui parlant de sa grotte dans le bois de Finges et elle est partie en vélo, avec ses sandales, un peigne et sa brosse à dents, le retrouver 15 jours plus tard dans sa grotte. Cela était un peu rapide et Suzi pense que René-Pierre a été surpris par le fait qu’ils se ressemblent trop tous les deux.
00:07:32 – 00:09:36 (Séquence 6) : Suzi Pilet rencontre son grand amour par l’intermédiaire de Maurice Chappaz. Ce dernier est venu la rencontrer à Entre-Deux-Villes, entre Vevey et La Tour-de-Peilz, probablement sur le conseil de Georges Borgeaud. A cette époque Maurice Chappaz ne connaissait pas encore Corinna Bille et n’avait écrit qu’ "Un Homme qui vivait couché sur un Banc" qu’il avait signé du pseudonyme "Pierre". Maurice Chappaz a parlé à Suzi de sa mère malade et surtout de son ami Alexis Peiry. Il lui a raconté qu’il avait été son professeur à Saint-Maurice, qu’il venait de quitter les ordres et qu’il avait monté "L’âne indocile" et peint une fresque de fleurs des montagnes dans une petite chapelle. Tous ces détails avaient attisé la curiosité de Suzi qui se réjouissait de rencontrer Alexis. Cette rencontre s’est faite au château de Glérolles, là où Maurice Chappaz rencontra à la même époque Corinna Bille. Suzi Pilet dit donc que deux histoires d’amour sont nées au même endroit et presque en même temps.
00:09:38 – 00:10:41 (Séquence 7) : Suzi Pilet parle de sa première rencontre avec Alexis Peiry au château de Glérolles, où se tenait le vernissage d’une exposition du peintre Robert. Suzi avait 24 ans et était prête à affronter la rencontre. Alexis se tenait au milieu des gens, habillé de noir. Suzi et lui se sont reconnus, ils étaient tous les deux prêts. Suzi parle de ses yeux couleur azur, une couleur qu’elle aime et qui la calme. Elle aime aussi le rouge, la couleur rouge et le vin. Leur histoire est partie en flèche.
00:10:43 – 00:11:38 (Séquence 8) : Suzi Pilet parle de la foi d’Alexis Peiry qu’elle dit magnifique. Il a été le professeur de Maurice Chappaz à Saint-Maurice où il a été chanoine pendant neuf ans. Suzi pense qu’étant entré dans les ordres très jeune, il en avait probablement beaucoup souffert. Elle croit savoir qu’il s’est aussi senti utilisé par l’école qui avait besoin d’un professeur de grec et de latin, mais s’il faisait bien son travail, l’enseignement ne lui laissait pas assez de moments de silence et de recueillement comme il l’attendait d’une abbaye. Suzi Pilet est restée l’amie d’Alexis Peiry pendant 25 ans, jusqu’à la mort de ce dernier.
00:11:40 – 00:13:51 (Séquence 9) : Suzi Pilet a fait partie de la "Chevalerie errante" avec Maurice Chappaz, Corinna Bille surnommée "Fifon", Houriet qui connaissait le nom de tous les arbres, Chevalley futur grimpeur de l’Himalaya et Alexis Peiry. Ils se retrouvaient tous au bois de Finges. Ils avaient érigé une grande odalisque que Corinna Bille appelait "le grand phallus du bois de Finges". Une ambiance amoureuse régnait au sein de la "Chevalerie errante". Suzi qui ne venait pas d’une famille cultivée, sentait qu’après "Les trois mousquetaires", c’était bien la lecture de Rilke qui l’avait amenée dans ces bois en cette compagnie. A cette époque, René-Pierre Bille vivait dans sa grotte avec son ocarina et était braconnier. Les membres de la "Chevalerie errante" étaient très pauvres, mais avaient le sentiment d’être riches et surtout étaient heureux. Le soir venu tous se dispersaient pour aller dormir quelque part dans le bois de Finges, Suzi allait dormir dans la grotte que René-Pierre Bille lui avait finalement léguée.
00:13:54 – 00:14:10 (Séquence 10) : On demande à Suzi Pilet si c’est elle qui a appris la photographie à René-Pierre Bille. Elle répond que non, que le virus de la photographie était dans l’air. René-Pierre était braconnier d’animaux, il deviendra braconnier d’image et un bon cinéaste également.
00:14:14 – 00:14:38 (Séquence 11) : Suzi Pilet parle du bois de Finges qu’elle a beaucoup photographié et qu’elle décrit comme un paradis. Pour elle, ce bois contenait tous les pays du monde et elle ne ressentait pas le besoin de voyager. Le bois la faisait aussi voyager intérieurement. Elle a commencé par photographier les bords du Rhône. Elle a aimé aussi les cailloux.
00:14:42 – 00:15:30 (Séquence 12) : Pour faire des photographies panoramiques, Suzi Pilet grimpait aux pylônes, qu’elle nomme "archanges du monde". Elle explique qu’entre les membres de la "Chevalerie errante", il existait comme une sorte d’excitation, il fallait s’exhiber, montrer qui on est et de quoi on est capable. Alexis Peiry traversait l’arche des ponts les yeux bandés, comme un funambule, Suzi escaladait les pylônes. Maurice Chappaz était un spectateur et il poussait souvent les autres à faire des choses difficiles. Dans le bois de Finges, naissaient des œuvres sous la plume de Corinna Bille et celle de Maurice Chappaz et sous l’objectif de Suzi Pilet.
00:15:35 – 00:16:47 (Séquence 13) : Suzi Pilet a quitté La Tour-de-Peilz, où elle avait fait son apprentissage, pour aller à Lausanne. Elle était jeune et peu sûre d’elle, on lui avait dit qu’avec ses grands yeux bêtes elle n’irait pas loin, elle avait donc besoin de quelqu’un qui la reçoive et on lui avait conseillé de s’adresser à Maurice Blanc ou Olivier Burnand. Suzi Pilet s’est rendue à Lausanne en vélo, elle compare son vélo à un cheval et parle de ses rêves de chevaux qu’elle partage avec Corinna Bille. A Lausanne, Suzi rencontre d’abord Olivier Burnand qui était très indépendant. Elle a ensuite rencontré Maurice Blanc qui ne pouvait pas la payer mais l’a laissé utiliser son agrandisseur et ses papiers pendant une année.
00:16:53 – 00:18:06 (Séquence 14) : Lorsqu’elle est arrivée à Lausanne, Suzi Pilet a gagné un peu sa vie en photographiant des enfants. L’idée venait de Maurice Blanc, qui était fauché tout comme Suzi et qui avait eu l’idée de faire un petit dépliant intitulé "L’art de voir" pour se présenter. Il y avait des photographies d’enfants sur ce dépliant accompagnées d’un texte de Charles-François Landry. Plus tard, Suzi Pilet a eu une bonne réputation de photographe d’enfants. Pour ces photographies, elle recevait l’aide d’Alexis Peiry qui enseignait le grec et le latin à Lémania le matin puis l’aidait pour les éclairages l’après-midi. Alexis Peiry était aussi doué pour dire des contes aux enfants. Suzi et Alexis passaient parfois l’après-midi entier avec les enfants, c’était un concept très nouveau car les familles n’étaient pas équipées d’appareils comme aujourd’hui.
00:18:12 – 00:18:29 (Séquence 15) : Suzi Pilet a commencé à faire des photographies assez claires plutôt pâles, comme les aimait Maurice Blanc. Suzi aimait ces nuances de gris puis plus tard elle a aimé les noirs bien sûr.
00:18:36 – 00:20:47 (Séquence 16) : Suzi Pilet ne vivait pas toujours avec Alexis Peiry, elle ne le supportait pas car elle doit vivre seule. Suzi Pilet est partie vivre pendant une année sur la terre natale d’Alexis, la Gruyère, à Pringy au pied de la colline de Gruyères. Elle est partie avec son agrandisseur, son peigne et sa brosse à dents et elle s’est installée dans l’ancienne maison d’Alexis. Etant vaudoise en terre fribourgeoise, elle n’avait pas l’autorisation, semble-t-il, de photographier la population. Suzi s’intéressait aux tourbières du Crêt et souhaitait y faire des photographies. Elle s’est engagée comme ouvrière de tourbière, elle poussait donc des wagonnets de 300 kilos de tourbe molle sur des rails. Après deux semaines, elle est allée au travail avec son appareil photo Rollei et a pu faire de bonnes photographies.
00:20:54 – 00:21:31 (Séquence 17) : Suzi Pilet a réalisé sa première exposition en 1947 à la Guilde du livre, elle portait sur des poupées japonaises qu’on lui avait prêtées car elle les trouvait jolies. Suzi Pilet n’aime pas beaucoup les poupées ressemblant à des bébés, mais ces poupées japonaises étaient différentes et l’intriguaient. Suzi partage avec Corinna Bille une sorte de curiosité pour les poupées. Suzi Pilet n’aime pas beaucoup se souvenir des dates, car elle est dans l’éternité, elle est déjà ailleurs.
00:21:39 – 00:24:03 (Séquence 18) : Suzi Pilet voulait avoir avec Alexis Peiry une relation créatrice. On lui avait dit qu’Alexis peignait et qu’il avait dirigé un chœur d’étudiants. Ils voulaient créer quelque chose ensemble mais sans savoir quoi. Alexis Peiry avait un petit garçon et a proposé de faire une histoire d’enfant, ainsi sont nées "Les histoires d’Amadou". Suzi aime bien les petits garçons, plus que les petites filles. Ils ont cherché un personnage, photographier un vrai petit garçon qui aurait grandi d’un livre à l’autre aurait enlevé toute magie, mais ils ont découvert à la boutique l’Art suisse, une poupée fabriquée par une dame suisse allemande qui était, selon Suzi, photogénique et qui avait un air triste qu’elle aimait bien. Leur première histoire s’intitule "L’opinel" et parle d’un petit garçon qui rêve d’un couteau. Ce personnage les représentait tous, Suzi, Alexis et son fils. Ils ont créé sept livres d’Amadou, mais ont mis six ans à publier le premier. En effet, tous les éditeurs contactés trouvaient le projet extraordinaire, mais n’osaient pas se lancer. Ils ont donc publié "L’opinel" par leurs propres moyens. Suzi raconte comment elle fabriquait les histoires avec Alexis.
00:24:11 – 00:25:52 (Séquence 19) : Suzi Pilet et Alexis Peiry ont été beaucoup inspirés par leurs voyages pour "Les histoires d’Amadou". Pour leur dernier volume, c’est l’Espagne qui les inspire. Alexis écrivait "L’alpiniste" quand Suzi a proposé que leur prochaine histoire ensemble s’intitule "Amadou torero". Ils se sont donc passionnés pour la corrida pour créer le livre, pendant deux ans au moins, ils ont rencontré des toreros. Suzi Pilet explique qu’elle n’y retourne plus, pour ne pas être déçue, mais elle parle avec passion des règles et des dangers de la corrida. Pour le livre, Suzi et Alexis avaient fait fabriquer des taureaux par une peintre, Julie Du Pasquier. Elle avait commencé par en faire un joli, couleur cannelle, mais Suzi voulait un taureau plus fort, comme les "Miura" qui sont les plus forts d’Espagne. Suzi a photographié les personnages sur les sables des bords du lac de Neuchâtel.
00:26:01 – 00:27:59 (Séquence 20) : Dans les années 1950, Suzi Pilet s’est convertie au catholicisme. Elle venait d’une famille protestante de Vevey, elle a eu des parents très bien et n’a jamais manqué de rien. Elle a perdu sa mère à 11 ans et se souvient qu’elle était, à cet âge, déjà tellement indépendante que cela ne l’a pas tant choquée. Elle n’a jamais pratiqué sa religion protestante, les religions ne l’intéressaient pas tellement. Alexis Peiry ne l’a pas influencée, ce sont plutôt les mystères de la religion catholique qui l’ont attirée, comme Alexis l’avait prédit elle y est arrivée par la poésie. C’est un de leurs amis communs, Paul Monnier, un peintre verrier, qui recommande à Suzi d’aller voir l’abbé Maurice Zundel.
00:28:08 – 00:30:54 (Séquence 21) : Suzi Pilet raconte sa première rencontre avec l’abbé Zundel, un grand mystique, à Ouchy où elle s’était rendue pour lui dire qu’elle voulait devenir catholique, mais rapidement sans catéchisme. Suzi a découvert ce jour-là qu’il possédait le livre d’Henry Miller "Le sourire au pied de l'échelle". Ils ont entamé une conversation sur le sourire et l’importance de sourire dans la vie, pour s’ouvrir et évoluer. Maurice Zundel a demandé à Suzi pourquoi elle voulait changer de religion, elle lui a expliqué qu’elle n’avait jamais été intéressée par les religions, qu’elle avait une foi naturelle en la nature, en l’homme. Il lui a ensuite demandé si elle avait lu ses livres, ce qu’elle n’avait pas fait et si elle connaissait saint François d’Assise, Suzi le connaissait de nom mais n’avait jamais plongé son nez dans les mystiques. Elle avait tout de même lu "La Cantate à trois voix" de Claudel. L’abbé Zundel lui a recommandé de lire Saint François d’Assise et l’a rencontrée encore quatre fois avant son baptême catholique. Cette conversion a été le cadeau le plus profond à Alexis Peiry et il en a été très impressionné. Suzi a choisi le fils d’Alexis comme parrain, un enfant de 12 ans.
00:31:04 – 00:31:56 (Séquence 22) : Suzi Pilet parle de la pensée de l’abbé Maurice Zundel qui est devenu au fil des ans un ami. Il venait rendre visite à Suzi et Alexis Peiry dans leur atelier où ils partageaient des pommes de terre et du café très noir. Une de ses phrases a marqué Suzi, elle la dit : "L’homme est un aventurier. Pourquoi l’aventure humaine n’est-elle pas une aventure de pure générosité ?". Suzi explique qu’il pensait que l’on cherchait Dieu trop loin et qu’on le voyait comme un dominateur alors qu’il est caché, qu’il a besoin de l’homme pour le rendre visible et vivant.
00:32:06 – 00:34:10 (Séquence 23) : Suzi Pilet a noué une amitié importante et étrange avec Mariano Ortega, un détenu espagnol qui purgeait une longue peine à la prison de la Santé à Paris. C’était un meurtrier, mais si sympathique. Suzi Pilet et Alexis Peiry ont mis des mois pour réussir à le contacter car ils ne faisaient pas partie de la famille. Mariano Ortega est devenu un thème de la photographie de Suzi Pilet au cours de ses neuf années d’emprisonnement. En prison, ce qui manquait le plus à Mariano était son métier de chef de chantier. Suzi aimait déjà les chantiers et les maçons et a décidé de faire des photographies de chantier et de les envoyer à Mariano pour prévenir la dépression qui lui tombait dessus parfois. A la fin de sa peine, Mariano avait reçu la permission de faire une exposition de ces photographies dans sa cellule.
00:34:21 – 00:34:57 (Séquence 24) : Suzi Pilet parle des thèmes de sa photographie qui sont en lien avec les rencontres qu’elle fait. Il y a eu Le Castellet d’Oraison où habitait Edmond Humeau, un ancien professeur du collège de Saint-Maurice qu’elle a rencontré après la mort d’Alexis Peiry. Elle a photographié la région du Castellet et a réalisé une maquette pour un livre qui n’est pas paru.
00:35:09 – 00:36:32 (Séquence 25) : Suzi Pilet a créé énormément. Elle a souvent fait des livres sous forme d’album, des maquettes pas toujours publiées. Elle partage ce goût des albums avec Corinna Bille. Suzi a créé quelques livres sur les pylônes, sur Castellet d’Oraison ou sur l’Espagne. Suzi a aussi écrit des livres. Elle ne se sent pas écrivain et explique que ses écrits sont souvent des déclarations d’amour. Si elle ne peut vivre avec quelqu’un à cause de son caractère, elle a besoin d’admirer certaines personnes et de le leur dire, ce qu’elle fait dans ses livres. Son dernier livre « Cîntec total », chant total, est une confidence sur sa relation avec Alexis Peiry. René Chappaz en a financé l’édition au Cerf-Volant. Suzi a offert ce livre à ses amis car il est trop intime pour se retrouver sur les rayons d’une librairie.
00:36:44 – 00:38:35 (Séquence 26) : Suzi Pilet a eu un nouvel amour après la mort d’Alexis Peiry, mais elle soupçonne Alexis de le lui avoir envoyé. Alexis avait dit à Suzi qu’il n’avait pas peur pour son cœur mais pour ses affaires. Suzi Pilet raconte comment elle a rencontré son nouvel amour Iovita Haralambie. Elle avait entendu un trio de chanteurs roumains interpréter l’aria du "Prince Igor" en Valais et l’un de ces chanteurs lui a téléphoné à de nombreuses reprises par la suite. Après l’avoir un peu découragé, Suzi, intriguée, va le rencontrer en Valais. Lors de cette première rencontre, il lui parle du Sphinx naturel de son pays, la Roumanie. Suzi Pilet s’est donc rendue par la suite en Roumanie pour voir ce rocher à 2400 mètres d’altitude sur un plateau des Carpates à 200 kilomètres de Bucarest. Avec les photographies réalisées en Roumanie, Suzi Pilet a fait une exposition et ce Sphinx est devenu le thème d’un de ses livres, "Sphinx, gardien de ma clairière".
00:38:47 – 00:39:46 (Séquence 27) : Suzi Pilet aime la photographie en noir et blanc depuis toujours et cela reste son médium d’expression. Elle explique que c’est pour elle une écriture qui lui permet de s’exprimer par ses racines, c’est pourquoi elle aime photographier des matières, des rochers, des arbres, des feuilles. Le format de prédilection de Suzi est le 6 x 6, elle se souvient qu’elle l’a choisi alors qu’elle était chez Maurice Blanc. Sur le bureau de Maurice Blanc se trouvait un appareil qu’elle n’avait jamais essayé, un corelei, avec la dernière prise et l’appareil posé sur le bureau elle a fait une photographie d’Alexis Peiry. Suzi Pilet ne travaille jamais avec un pied, elle n’aime pas cela.
00:39:59 – 00:42:38 (Séquence 28) : Pour photographier, Suzi Pilet a besoin d’aimer, d’avoir un choc. Elle se laisse entraîner dans des passions, des emballements fous, comme son amie Corinna Bille d’ailleurs. C’est aussi un emballement qui la saisit lorsque Emmanuel Tommasini entre un jour dans son atelier. Emmanuel est l’homme que Suzi a le plus photographié et le seul avec qui elle a pu vivre, malgré le fait qu’il buvait et était parfois violent. Suzi explique qu’il était unijambiste et souffrait beaucoup. Suzi Pilet raconte leur première rencontre. Emmanuel Tommasini pousse la porte de son atelier un jour de janvier avec ses béquilles et en criant son nom, il était saoul. Il ne la connaissait pas, mais il semblerait que quelqu’un lui avait dit de la contacter en cas de problème, c’est ce qu’il a fait après s’être fait mettre dehors de l’hôtel des voyageurs. Emmanuel prenait des médicaments contre la douleur qui ne faisaient pas bon ménage avec le vin qu’il buvait. Il a aussi fait quelques séjours à Cery. L’hôpital de Cery est aussi un thème de la photographie de Suzi Pilet. Elle trouve que le parc est le plus beau qu’elle ait vu et lui rappelle la côte d’Azur. Elle allait d’abord à Cery pour voir quelqu’un puis a commencé à photographier le parc et les malades. Suzi Pilet explique qu’Emmanuel Tommasini n’était pas malade de la tête mais que les médicaments qu’il prenait mélangés à l’alcool provoquaient des séismes. Suzi n’a jamais eu peur de lui, elle se souvient qu’à la maison il était un autre homme, indépendant, épris de solitude et de silence et aimant se ressourcer avec de la musique, tout comme elle. Suzi lui a fait découvrir Beethoven.
00:42:51 – 00:42:50 (Séquence 29) : Suzi Pilet joue de la musique tous les matins, elle ne pourrait pas s’en passer.
00:43:04 – 00:43:34 (Séquence 30) : Suzi Pilet a toujours reçu des visites de ses amis à l’atelier ou à la maison, même lorsqu’elle vivait avec Emmanuel Tommasini. On lui demande de parler de ses amis. Elle se souvient de Jacques Mercanton, qui a eu des gestes très généreux à son encontre ou encore Charles-Henri Favrod. Ce dernier a d’ailleurs commenté une exposition que Suzi a faite au Capitole intitulée "Dix ans de photographie" en 1958.
00:43:49 – 00:43:48 (Séquence 31) : Suzi Pilet raconte que les Editions de l’Aire prévoient de publier un ouvrage sur l’ensemble de son œuvre. Elle considère que c’est un très grand cadeau comme le film Plans-Fixes.
00:44:03 – 00:45:11 (Séquence 32) : Suzi Pilet a aussi reçu la visite de poètes. Elle se souvient de la rencontre avec Claude Aubert. Il séjourné deux jours chez elle dans son appartement aux Oliviers, alors qu’elle vivait avec Emmanuel Tommasini. Elle raconte qu’il aimait bien boire mais qu’il était un peu sale, négligé. Longtemps plus tard, il a pris contact avec Suzi pour lui montrer l’article qu’il avait écrit sur le livre d’Alexis Peiry, "L’or du pauvre", qui parle de son enfance en Gruyère et que Suzi l’avait poussé à écrire. Claude Aubert a tenté de séduire Suzi et de s’installer à la place d’Emmanuel. Suzi qui n’a peur de rien a eu un peu peur de Claude Aubert, mais elle aimait sa poésie.
00:45:27 – 00:46:17 (Séquence 33) : Suzi Pilet ne suit pas l’actualité, elle n’aime ni la radio, ni la télévision, ni la presse. Elle ne lit que les manchettes des journaux. C’est sa petite sœur, son ange gardien, qui lui envoie les informations qu’elle estime importantes pour Suzi, des articles ou des séances de cinéma qu’elle ne doit absolument pas manquer.
00:46:34 – 00:47:17 (Séquence 34) : Suzi Pilet raconte sa première rencontre avec Pierre Dudan qui était venu la trouver car il avait besoin d’un portrait pour le Guet. Comme elle n’écoute pas la radio, Suzi ne situait pas très bien le personnage et elle pensait qu’il était mort. Pierre Dudan lui a dit qu’il venait chez elle parce qu’il était un ressuscité et cela a emballé Suzi Pilet. De leur amitié est né un livre. Suzi a beaucoup photographié les mains de Pierre Dudan car elles la frappaient. Suzi Pilet a aussi photographié les mains de Pierre Dudan mort avec les mains de sa femme posées dessus. C’est une photographie que Suzi trouve très émouvante.
00:47:34 – 00:48:46 (Séquence 35) : Suzi Pilet loue parfois une chambre dans son appartement. Elle a ainsi fait la connaissance de Mak's Samba Mabiala qu’elle rapproche d’une apparition, un peu comme Corinna Bille. Elle se souvient qu’il écrivait toujours et faisait de la biologie, mais c’est son regard qui frappe Suzi. Elle voit dans son regard qu’il savait qu’il avait un trésor à l’intérieur. Suzi a senti sa nature poétique et aussi qu’il allait devenir quelqu’un, elle a même prédit qu’il serait "le géant de l’an 2000".
00:49:04 – 00:49:38 (Séquence 36) : Générique de fin du Plans-Fixes consacré à Suzi Pilet, photographe, et tourné à Lausanne le 7 juillet 1989.
Lien aux découpage sur la base de données original
00:00:00 – 00:00:11 (Séquence 0) : Générique de début du Plans-Fixes consacré à Suzi Pilet, photographe, et tourné à Lausanne le 7 juillet 1989. L'interlocuteur est Bertil Galland.
00:00:11 – 00:01:20 (Séquence 1) :
00:01:20 – 00:02:30 (Séquence 2) : Vers 22 ans, Suzi Pilet a passé ses vacances chez une tante à Sierre deux années de suite. Elle y a découvert Rilke et a lu les "Lettres à un jeune poète" et "Les cahiers de Malte Laurids Brigge". Elle se promenait au bord du Rhône pour s’aérer et prendre des photos. Suzi Pilet n’avait pas la possibilité de parler de photographie à son travail, il y avait une allergie réciproque entre elle et son patron.
00:02:31 – 00:03:47 (Séquence 3) : Alors qu’elle était en vacances à Sierre, Suzi Pilet a rencontré Georges Borgeaud sur la route qui monte à Montana. C’était alors un petit jeune homme à qui elle a montré ses premières photographies du Rhône. En les voyant, Georges Borgeaud lui conseilla d’aller voir Corinna Bille.
00:03:48 – 00:05:23 (Séquence 4) : Suzi Pilet raconte sa première rencontre avec Corinna Bille. Sur les conseils de Georges Borgeaud, Suzi s’est rendu seule au Paradou, elle était intimidée. Suzi Pilet se dit timide et audacieuse, selon elle plus on est timide plus on est audacieux. Corinna Bille est venu ouvrir la porte, elle était comme une apparition, Suzi l’a suivie dans de petits couloirs jusqu’à la grande salle à manger. Le contact s’est tout de suite établi, comme une reconnaissance. Suzi Pilet pense que Corinna Bille a toujours été une grande amie, même lorsqu’elles ne se voyaient plus pendant deux ou trois ans, notamment lors de la période espagnole de Suzi.
00:05:24 – 00:07:30 (Séquence 5) : Lorsque Suzi Pilet a rencontré Corinna Bille, elle a aussi rencontré son frère René-Pierre Bille. Elle l’entendait jouer de l’ocarina puis chanter et Corinna lui a dit que René-Pierre sachant qu’elle recevait la visite d’une femme finirait par se montrer. Il est bien sûr apparu. Corinna Bille avait montré ses albums à Suzi Pilet, notamment celui où elle parle de Ramuz comme du "responsable". Elles ont en commun cette passion de faire des livres, des carnets, des maquettes. Suzi Pilet dit que le jour où elle a rencontré Corinna et René-Pierre Bille, elle a eu deux chocs. René-Pierre l’a intriguée en lui parlant de sa grotte dans le bois de Finges et elle est partie en vélo, avec ses sandales, un peigne et sa brosse à dents, le retrouver 15 jours plus tard dans sa grotte. Cela était un peu rapide et Suzi pense que René-Pierre a été surpris par le fait qu’ils se ressemblent trop tous les deux.
00:07:32 – 00:09:36 (Séquence 6) : Suzi Pilet rencontre son grand amour par l’intermédiaire de Maurice Chappaz. Ce dernier est venu la rencontrer à Entre-Deux-Villes, entre Vevey et La Tour-de-Peilz, probablement sur le conseil de Georges Borgeaud. A cette époque Maurice Chappaz ne connaissait pas encore Corinna Bille et n’avait écrit qu’ "Un Homme qui vivait couché sur un Banc" qu’il avait signé du pseudonyme "Pierre". Maurice Chappaz a parlé à Suzi de sa mère malade et surtout de son ami Alexis Peiry. Il lui a raconté qu’il avait été son professeur à Saint-Maurice, qu’il venait de quitter les ordres et qu’il avait monté "L’âne indocile" et peint une fresque de fleurs des montagnes dans une petite chapelle. Tous ces détails avaient attisé la curiosité de Suzi qui se réjouissait de rencontrer Alexis. Cette rencontre s’est faite au château de Glérolles, là où Maurice Chappaz rencontra à la même époque Corinna Bille. Suzi Pilet dit donc que deux histoires d’amour sont nées au même endroit et presque en même temps.
00:09:38 – 00:10:41 (Séquence 7) : Suzi Pilet parle de sa première rencontre avec Alexis Peiry au château de Glérolles, où se tenait le vernissage d’une exposition du peintre Robert. Suzi avait 24 ans et était prête à affronter la rencontre. Alexis se tenait au milieu des gens, habillé de noir. Suzi et lui se sont reconnus, ils étaient tous les deux prêts. Suzi parle de ses yeux couleur azur, une couleur qu’elle aime et qui la calme. Elle aime aussi le rouge, la couleur rouge et le vin. Leur histoire est partie en flèche.
00:10:43 – 00:11:38 (Séquence 8) : Suzi Pilet parle de la foi d’Alexis Peiry qu’elle dit magnifique. Il a été le professeur de Maurice Chappaz à Saint-Maurice où il a été chanoine pendant neuf ans. Suzi pense qu’étant entré dans les ordres très jeune, il en avait probablement beaucoup souffert. Elle croit savoir qu’il s’est aussi senti utilisé par l’école qui avait besoin d’un professeur de grec et de latin, mais s’il faisait bien son travail, l’enseignement ne lui laissait pas assez de moments de silence et de recueillement comme il l’attendait d’une abbaye. Suzi Pilet est restée l’amie d’Alexis Peiry pendant 25 ans, jusqu’à la mort de ce dernier.
00:11:40 – 00:13:51 (Séquence 9) : Suzi Pilet a fait partie de la "Chevalerie errante" avec Maurice Chappaz, Corinna Bille surnommée "Fifon", Houriet qui connaissait le nom de tous les arbres, Chevalley futur grimpeur de l’Himalaya et Alexis Peiry. Ils se retrouvaient tous au bois de Finges. Ils avaient érigé une grande odalisque que Corinna Bille appelait "le grand phallus du bois de Finges". Une ambiance amoureuse régnait au sein de la "Chevalerie errante". Suzi qui ne venait pas d’une famille cultivée, sentait qu’après "Les trois mousquetaires", c’était bien la lecture de Rilke qui l’avait amenée dans ces bois en cette compagnie. A cette époque, René-Pierre Bille vivait dans sa grotte avec son ocarina et était braconnier. Les membres de la "Chevalerie errante" étaient très pauvres, mais avaient le sentiment d’être riches et surtout étaient heureux. Le soir venu tous se dispersaient pour aller dormir quelque part dans le bois de Finges, Suzi allait dormir dans la grotte que René-Pierre Bille lui avait finalement léguée.
00:13:54 – 00:14:10 (Séquence 10) : On demande à Suzi Pilet si c’est elle qui a appris la photographie à René-Pierre Bille. Elle répond que non, que le virus de la photographie était dans l’air. René-Pierre était braconnier d’animaux, il deviendra braconnier d’image et un bon cinéaste également.
00:14:14 – 00:14:38 (Séquence 11) : Suzi Pilet parle du bois de Finges qu’elle a beaucoup photographié et qu’elle décrit comme un paradis. Pour elle, ce bois contenait tous les pays du monde et elle ne ressentait pas le besoin de voyager. Le bois la faisait aussi voyager intérieurement. Elle a commencé par photographier les bords du Rhône. Elle a aimé aussi les cailloux.
00:14:42 – 00:15:30 (Séquence 12) : Pour faire des photographies panoramiques, Suzi Pilet grimpait aux pylônes, qu’elle nomme "archanges du monde". Elle explique qu’entre les membres de la "Chevalerie errante", il existait comme une sorte d’excitation, il fallait s’exhiber, montrer qui on est et de quoi on est capable. Alexis Peiry traversait l’arche des ponts les yeux bandés, comme un funambule, Suzi escaladait les pylônes. Maurice Chappaz était un spectateur et il poussait souvent les autres à faire des choses difficiles. Dans le bois de Finges, naissaient des œuvres sous la plume de Corinna Bille et celle de Maurice Chappaz et sous l’objectif de Suzi Pilet.
00:15:35 – 00:16:47 (Séquence 13) : Suzi Pilet a quitté La Tour-de-Peilz, où elle avait fait son apprentissage, pour aller à Lausanne. Elle était jeune et peu sûre d’elle, on lui avait dit qu’avec ses grands yeux bêtes elle n’irait pas loin, elle avait donc besoin de quelqu’un qui la reçoive et on lui avait conseillé de s’adresser à Maurice Blanc ou Olivier Burnand. Suzi Pilet s’est rendue à Lausanne en vélo, elle compare son vélo à un cheval et parle de ses rêves de chevaux qu’elle partage avec Corinna Bille. A Lausanne, Suzi rencontre d’abord Olivier Burnand qui était très indépendant. Elle a ensuite rencontré Maurice Blanc qui ne pouvait pas la payer mais l’a laissé utiliser son agrandisseur et ses papiers pendant une année.
00:16:53 – 00:18:06 (Séquence 14) : Lorsqu’elle est arrivée à Lausanne, Suzi Pilet a gagné un peu sa vie en photographiant des enfants. L’idée venait de Maurice Blanc, qui était fauché tout comme Suzi et qui avait eu l’idée de faire un petit dépliant intitulé "L’art de voir" pour se présenter. Il y avait des photographies d’enfants sur ce dépliant accompagnées d’un texte de Charles-François Landry. Plus tard, Suzi Pilet a eu une bonne réputation de photographe d’enfants. Pour ces photographies, elle recevait l’aide d’Alexis Peiry qui enseignait le grec et le latin à Lémania le matin puis l’aidait pour les éclairages l’après-midi. Alexis Peiry était aussi doué pour dire des contes aux enfants. Suzi et Alexis passaient parfois l’après-midi entier avec les enfants, c’était un concept très nouveau car les familles n’étaient pas équipées d’appareils comme aujourd’hui.
00:18:12 – 00:18:29 (Séquence 15) : Suzi Pilet a commencé à faire des photographies assez claires plutôt pâles, comme les aimait Maurice Blanc. Suzi aimait ces nuances de gris puis plus tard elle a aimé les noirs bien sûr.
00:18:36 – 00:20:47 (Séquence 16) : Suzi Pilet ne vivait pas toujours avec Alexis Peiry, elle ne le supportait pas car elle doit vivre seule. Suzi Pilet est partie vivre pendant une année sur la terre natale d’Alexis, la Gruyère, à Pringy au pied de la colline de Gruyères. Elle est partie avec son agrandisseur, son peigne et sa brosse à dents et elle s’est installée dans l’ancienne maison d’Alexis. Etant vaudoise en terre fribourgeoise, elle n’avait pas l’autorisation, semble-t-il, de photographier la population. Suzi s’intéressait aux tourbières du Crêt et souhaitait y faire des photographies. Elle s’est engagée comme ouvrière de tourbière, elle poussait donc des wagonnets de 300 kilos de tourbe molle sur des rails. Après deux semaines, elle est allée au travail avec son appareil photo Rollei et a pu faire de bonnes photographies.
00:20:54 – 00:21:31 (Séquence 17) : Suzi Pilet a réalisé sa première exposition en 1947 à la Guilde du livre, elle portait sur des poupées japonaises qu’on lui avait prêtées car elle les trouvait jolies. Suzi Pilet n’aime pas beaucoup les poupées ressemblant à des bébés, mais ces poupées japonaises étaient différentes et l’intriguaient. Suzi partage avec Corinna Bille une sorte de curiosité pour les poupées. Suzi Pilet n’aime pas beaucoup se souvenir des dates, car elle est dans l’éternité, elle est déjà ailleurs.
00:21:39 – 00:24:03 (Séquence 18) : Suzi Pilet voulait avoir avec Alexis Peiry une relation créatrice. On lui avait dit qu’Alexis peignait et qu’il avait dirigé un chœur d’étudiants. Ils voulaient créer quelque chose ensemble mais sans savoir quoi. Alexis Peiry avait un petit garçon et a proposé de faire une histoire d’enfant, ainsi sont nées "Les histoires d’Amadou". Suzi aime bien les petits garçons, plus que les petites filles. Ils ont cherché un personnage, photographier un vrai petit garçon qui aurait grandi d’un livre à l’autre aurait enlevé toute magie, mais ils ont découvert à la boutique l’Art suisse, une poupée fabriquée par une dame suisse allemande qui était, selon Suzi, photogénique et qui avait un air triste qu’elle aimait bien. Leur première histoire s’intitule "L’opinel" et parle d’un petit garçon qui rêve d’un couteau. Ce personnage les représentait tous, Suzi, Alexis et son fils. Ils ont créé sept livres d’Amadou, mais ont mis six ans à publier le premier. En effet, tous les éditeurs contactés trouvaient le projet extraordinaire, mais n’osaient pas se lancer. Ils ont donc publié "L’opinel" par leurs propres moyens. Suzi raconte comment elle fabriquait les histoires avec Alexis.
00:24:11 – 00:25:52 (Séquence 19) : Suzi Pilet et Alexis Peiry ont été beaucoup inspirés par leurs voyages pour "Les histoires d’Amadou". Pour leur dernier volume, c’est l’Espagne qui les inspire. Alexis écrivait "L’alpiniste" quand Suzi a proposé que leur prochaine histoire ensemble s’intitule "Amadou torero". Ils se sont donc passionnés pour la corrida pour créer le livre, pendant deux ans au moins, ils ont rencontré des toreros. Suzi Pilet explique qu’elle n’y retourne plus, pour ne pas être déçue, mais elle parle avec passion des règles et des dangers de la corrida. Pour le livre, Suzi et Alexis avaient fait fabriquer des taureaux par une peintre, Julie Du Pasquier. Elle avait commencé par en faire un joli, couleur cannelle, mais Suzi voulait un taureau plus fort, comme les "Miura" qui sont les plus forts d’Espagne. Suzi a photographié les personnages sur les sables des bords du lac de Neuchâtel.
00:26:01 – 00:27:59 (Séquence 20) : Dans les années 1950, Suzi Pilet s’est convertie au catholicisme. Elle venait d’une famille protestante de Vevey, elle a eu des parents très bien et n’a jamais manqué de rien. Elle a perdu sa mère à 11 ans et se souvient qu’elle était, à cet âge, déjà tellement indépendante que cela ne l’a pas tant choquée. Elle n’a jamais pratiqué sa religion protestante, les religions ne l’intéressaient pas tellement. Alexis Peiry ne l’a pas influencée, ce sont plutôt les mystères de la religion catholique qui l’ont attirée, comme Alexis l’avait prédit elle y est arrivée par la poésie. C’est un de leurs amis communs, Paul Monnier, un peintre verrier, qui recommande à Suzi d’aller voir l’abbé Maurice Zundel.
00:28:08 – 00:30:54 (Séquence 21) : Suzi Pilet raconte sa première rencontre avec l’abbé Zundel, un grand mystique, à Ouchy où elle s’était rendue pour lui dire qu’elle voulait devenir catholique, mais rapidement sans catéchisme. Suzi a découvert ce jour-là qu’il possédait le livre d’Henry Miller "Le sourire au pied de l'échelle". Ils ont entamé une conversation sur le sourire et l’importance de sourire dans la vie, pour s’ouvrir et évoluer. Maurice Zundel a demandé à Suzi pourquoi elle voulait changer de religion, elle lui a expliqué qu’elle n’avait jamais été intéressée par les religions, qu’elle avait une foi naturelle en la nature, en l’homme. Il lui a ensuite demandé si elle avait lu ses livres, ce qu’elle n’avait pas fait et si elle connaissait saint François d’Assise, Suzi le connaissait de nom mais n’avait jamais plongé son nez dans les mystiques. Elle avait tout de même lu "La Cantate à trois voix" de Claudel. L’abbé Zundel lui a recommandé de lire Saint François d’Assise et l’a rencontrée encore quatre fois avant son baptême catholique. Cette conversion a été le cadeau le plus profond à Alexis Peiry et il en a été très impressionné. Suzi a choisi le fils d’Alexis comme parrain, un enfant de 12 ans.
00:31:04 – 00:31:56 (Séquence 22) : Suzi Pilet parle de la pensée de l’abbé Maurice Zundel qui est devenu au fil des ans un ami. Il venait rendre visite à Suzi et Alexis Peiry dans leur atelier où ils partageaient des pommes de terre et du café très noir. Une de ses phrases a marqué Suzi, elle la dit : "L’homme est un aventurier. Pourquoi l’aventure humaine n’est-elle pas une aventure de pure générosité ?". Suzi explique qu’il pensait que l’on cherchait Dieu trop loin et qu’on le voyait comme un dominateur alors qu’il est caché, qu’il a besoin de l’homme pour le rendre visible et vivant.
00:32:06 – 00:34:10 (Séquence 23) : Suzi Pilet a noué une amitié importante et étrange avec Mariano Ortega, un détenu espagnol qui purgeait une longue peine à la prison de la Santé à Paris. C’était un meurtrier, mais si sympathique. Suzi Pilet et Alexis Peiry ont mis des mois pour réussir à le contacter car ils ne faisaient pas partie de la famille. Mariano Ortega est devenu un thème de la photographie de Suzi Pilet au cours de ses neuf années d’emprisonnement. En prison, ce qui manquait le plus à Mariano était son métier de chef de chantier. Suzi aimait déjà les chantiers et les maçons et a décidé de faire des photographies de chantier et de les envoyer à Mariano pour prévenir la dépression qui lui tombait dessus parfois. A la fin de sa peine, Mariano avait reçu la permission de faire une exposition de ces photographies dans sa cellule.
00:34:21 – 00:34:57 (Séquence 24) : Suzi Pilet parle des thèmes de sa photographie qui sont en lien avec les rencontres qu’elle fait. Il y a eu Le Castellet d’Oraison où habitait Edmond Humeau, un ancien professeur du collège de Saint-Maurice qu’elle a rencontré après la mort d’Alexis Peiry. Elle a photographié la région du Castellet et a réalisé une maquette pour un livre qui n’est pas paru.
00:35:09 – 00:36:32 (Séquence 25) : Suzi Pilet a créé énormément. Elle a souvent fait des livres sous forme d’album, des maquettes pas toujours publiées. Elle partage ce goût des albums avec Corinna Bille. Suzi a créé quelques livres sur les pylônes, sur Castellet d’Oraison ou sur l’Espagne. Suzi a aussi écrit des livres. Elle ne se sent pas écrivain et explique que ses écrits sont souvent des déclarations d’amour. Si elle ne peut vivre avec quelqu’un à cause de son caractère, elle a besoin d’admirer certaines personnes et de le leur dire, ce qu’elle fait dans ses livres. Son dernier livre « Cîntec total », chant total, est une confidence sur sa relation avec Alexis Peiry. René Chappaz en a financé l’édition au Cerf-Volant. Suzi a offert ce livre à ses amis car il est trop intime pour se retrouver sur les rayons d’une librairie.
00:36:44 – 00:38:35 (Séquence 26) : Suzi Pilet a eu un nouvel amour après la mort d’Alexis Peiry, mais elle soupçonne Alexis de le lui avoir envoyé. Alexis avait dit à Suzi qu’il n’avait pas peur pour son cœur mais pour ses affaires. Suzi Pilet raconte comment elle a rencontré son nouvel amour Iovita Haralambie. Elle avait entendu un trio de chanteurs roumains interpréter l’aria du "Prince Igor" en Valais et l’un de ces chanteurs lui a téléphoné à de nombreuses reprises par la suite. Après l’avoir un peu découragé, Suzi, intriguée, va le rencontrer en Valais. Lors de cette première rencontre, il lui parle du Sphinx naturel de son pays, la Roumanie. Suzi Pilet s’est donc rendue par la suite en Roumanie pour voir ce rocher à 2400 mètres d’altitude sur un plateau des Carpates à 200 kilomètres de Bucarest. Avec les photographies réalisées en Roumanie, Suzi Pilet a fait une exposition et ce Sphinx est devenu le thème d’un de ses livres, "Sphinx, gardien de ma clairière".
00:38:47 – 00:39:46 (Séquence 27) : Suzi Pilet aime la photographie en noir et blanc depuis toujours et cela reste son médium d’expression. Elle explique que c’est pour elle une écriture qui lui permet de s’exprimer par ses racines, c’est pourquoi elle aime photographier des matières, des rochers, des arbres, des feuilles. Le format de prédilection de Suzi est le 6 x 6, elle se souvient qu’elle l’a choisi alors qu’elle était chez Maurice Blanc. Sur le bureau de Maurice Blanc se trouvait un appareil qu’elle n’avait jamais essayé, un corelei, avec la dernière prise et l’appareil posé sur le bureau elle a fait une photographie d’Alexis Peiry. Suzi Pilet ne travaille jamais avec un pied, elle n’aime pas cela.
00:39:59 – 00:42:38 (Séquence 28) : Pour photographier, Suzi Pilet a besoin d’aimer, d’avoir un choc. Elle se laisse entraîner dans des passions, des emballements fous, comme son amie Corinna Bille d’ailleurs. C’est aussi un emballement qui la saisit lorsque Emmanuel Tommasini entre un jour dans son atelier. Emmanuel est l’homme que Suzi a le plus photographié et le seul avec qui elle a pu vivre, malgré le fait qu’il buvait et était parfois violent. Suzi explique qu’il était unijambiste et souffrait beaucoup. Suzi Pilet raconte leur première rencontre. Emmanuel Tommasini pousse la porte de son atelier un jour de janvier avec ses béquilles et en criant son nom, il était saoul. Il ne la connaissait pas, mais il semblerait que quelqu’un lui avait dit de la contacter en cas de problème, c’est ce qu’il a fait après s’être fait mettre dehors de l’hôtel des voyageurs. Emmanuel prenait des médicaments contre la douleur qui ne faisaient pas bon ménage avec le vin qu’il buvait. Il a aussi fait quelques séjours à Cery. L’hôpital de Cery est aussi un thème de la photographie de Suzi Pilet. Elle trouve que le parc est le plus beau qu’elle ait vu et lui rappelle la côte d’Azur. Elle allait d’abord à Cery pour voir quelqu’un puis a commencé à photographier le parc et les malades. Suzi Pilet explique qu’Emmanuel Tommasini n’était pas malade de la tête mais que les médicaments qu’il prenait mélangés à l’alcool provoquaient des séismes. Suzi n’a jamais eu peur de lui, elle se souvient qu’à la maison il était un autre homme, indépendant, épris de solitude et de silence et aimant se ressourcer avec de la musique, tout comme elle. Suzi lui a fait découvrir Beethoven.
00:42:51 – 00:42:50 (Séquence 29) : Suzi Pilet joue de la musique tous les matins, elle ne pourrait pas s’en passer.
00:43:04 – 00:43:34 (Séquence 30) : Suzi Pilet a toujours reçu des visites de ses amis à l’atelier ou à la maison, même lorsqu’elle vivait avec Emmanuel Tommasini. On lui demande de parler de ses amis. Elle se souvient de Jacques Mercanton, qui a eu des gestes très généreux à son encontre ou encore Charles-Henri Favrod. Ce dernier a d’ailleurs commenté une exposition que Suzi a faite au Capitole intitulée "Dix ans de photographie" en 1958.
00:43:49 – 00:43:48 (Séquence 31) : Suzi Pilet raconte que les Editions de l’Aire prévoient de publier un ouvrage sur l’ensemble de son œuvre. Elle considère que c’est un très grand cadeau comme le film Plans-Fixes.
00:44:03 – 00:45:11 (Séquence 32) : Suzi Pilet a aussi reçu la visite de poètes. Elle se souvient de la rencontre avec Claude Aubert. Il séjourné deux jours chez elle dans son appartement aux Oliviers, alors qu’elle vivait avec Emmanuel Tommasini. Elle raconte qu’il aimait bien boire mais qu’il était un peu sale, négligé. Longtemps plus tard, il a pris contact avec Suzi pour lui montrer l’article qu’il avait écrit sur le livre d’Alexis Peiry, "L’or du pauvre", qui parle de son enfance en Gruyère et que Suzi l’avait poussé à écrire. Claude Aubert a tenté de séduire Suzi et de s’installer à la place d’Emmanuel. Suzi qui n’a peur de rien a eu un peu peur de Claude Aubert, mais elle aimait sa poésie.
00:45:27 – 00:46:17 (Séquence 33) : Suzi Pilet ne suit pas l’actualité, elle n’aime ni la radio, ni la télévision, ni la presse. Elle ne lit que les manchettes des journaux. C’est sa petite sœur, son ange gardien, qui lui envoie les informations qu’elle estime importantes pour Suzi, des articles ou des séances de cinéma qu’elle ne doit absolument pas manquer.
00:46:34 – 00:47:17 (Séquence 34) : Suzi Pilet raconte sa première rencontre avec Pierre Dudan qui était venu la trouver car il avait besoin d’un portrait pour le Guet. Comme elle n’écoute pas la radio, Suzi ne situait pas très bien le personnage et elle pensait qu’il était mort. Pierre Dudan lui a dit qu’il venait chez elle parce qu’il était un ressuscité et cela a emballé Suzi Pilet. De leur amitié est né un livre. Suzi a beaucoup photographié les mains de Pierre Dudan car elles la frappaient. Suzi Pilet a aussi photographié les mains de Pierre Dudan mort avec les mains de sa femme posées dessus. C’est une photographie que Suzi trouve très émouvante.
00:47:34 – 00:48:46 (Séquence 35) : Suzi Pilet loue parfois une chambre dans son appartement. Elle a ainsi fait la connaissance de Mak's Samba Mabiala qu’elle rapproche d’une apparition, un peu comme Corinna Bille. Elle se souvient qu’il écrivait toujours et faisait de la biologie, mais c’est son regard qui frappe Suzi. Elle voit dans son regard qu’il savait qu’il avait un trésor à l’intérieur. Suzi a senti sa nature poétique et aussi qu’il allait devenir quelqu’un, elle a même prédit qu’il serait "le géant de l’an 2000".
00:49:04 – 00:49:38 (Séquence 36) : Générique de fin du Plans-Fixes consacré à Suzi Pilet, photographe, et tourné à Lausanne le 7 juillet 1989.
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