Gérard Bauer (Ancien diplomate - Avocat)
- francese
- 1991-01-23
- Durata: 00:51:20
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Descrizione
Une carrière caractérisée par beaucoup de patience, de souplesse, de fermeté et de compréhension. Défenseur des intérêts suisses à Paris après la guerre, intéressé par les questions européennes, il collabore entre autres avec Dag Hammarskjöld pour l'application du plan Marshall. Dès 1957, il procède à une analyse de la situation horlogère dans l'Arc jurassien, préconisant, pour éviter la crise menaçante, la décartellisation, l'achat d'équipements neufs, l'adoption de techniques nouvelles, sans effet malheureusement. A 83 ans, Gérard Bauer désire vivre encore "le roman de sa vie". Belle leçon de vitalité!
00:00:00 – 00:00:23 (Séquence 0) : Générique de début du Plans-Fixes consacré à Gérard Bauer, ancien diplomate, tourné à Hauterive, Neuchâtel, le 23 janvier 1991. L'interlocuteur est Claude-Pierre Chambet.
00:00:23 – 00:01:19 (Séquence 1) : L'interlocuteur fait l'état de service de Gérard Bauer : 62 postes, charges et autres positions. Il lui demande donc ce qu'il n'a pas fait, dans cette vie commencée un jour de juin 1907. Bauer répond qu'il regrette ne pas avoir plus voyagé ou mieux connu certains pays : sa soif de connaître les différences, les changements et les mutations est très grande.
00:01:19 – 00:02:16 (Séquence 2) : L'interlocuteur explique que Gérard Bauer est né en juin 1907 à Neuchâtel. Son père était médecin-chef de l'hôpital des Cadolles. Sa jeunesse a été très heureuse, même pendant la première guerre mondiale qui a passionné son frère historien et lui-même. Ils avaient dans leur chambre les plans des fronts dont ils suivaient l'évolution au quotidien.
00:02:16 – 00:03:26 (Séquence 3) : L'interlocuteur évoque le parcours de Gérard Bauer : fils et petit-fils de médecin, il fait pourtant des études de droit à Neuchâtel. Bauer réplique qu'il aurait fait un médecin médiocre. Il a d'ailleurs complété son cursus par des études de sciences politiques à l'école libre de Paris, à l'Institut des hautes études internationales à Genève et à l'académie de La Haye. Il se déplace donc beaucoup et fait appel à des amis pour lui prendre les notes de cours.
00:03:26 – 00:03:39 (Séquence 4) : Gérard Bauer évoque son amour des moyens de communication, comme le chemin de fer, qui remonte à sa jeunesse passée à relier ses différents lieux d'études. La ligne Paris-Dijon-Neuchâtel n'a plus de secrets pour lui depuis cette époque.
00:03:39 – 00:04:27 (Séquence 5) : Gérard Bauer évoque son parcours : une fois son brevet d'avocat en poche, son premier poste est à Zurich où il est stagiaire à l'Office suisse d'expansion commerciale. Son patron lui demande alors de faire une étude de l'incidence des répercussions du nazisme sur les pays d'Europe centrale. Ses conclusions ont établi que la main mise économique du nazisme conduirait à une main mise politique.
00:04:28 – 00:06:15 (Séquence 6) : Gérard Bauer raconte qu'après avoir passé par l'OSEC, il a été désigné comme secrétaire romand du Vorort, soit la chambre de commerce internationale pendant deux ou trois ans où il a travaillé à la préparation de la Suisse à l'économie de guerre. Il a ensuite fait un stage à Berne comme chef adjoint du service juridique lors de la dévaluation. Puis il a été élu comme conseiller communal à Neuchâtel.
00:06:16 – 00:08:18 (Séquence 7) : Gérard Bauer raconte sa nomination comme conseiller communal à Neuchâtel. Il a beaucoup œuvré pour le renouveau du canton, notamment avec René [ Brechet ], rédacteur à la "Feuille d'Avis de Neuchâtel". Ils ont par exemple recommandé la création d'un institut neuchâtelois et cherché à attirer des industries nouvelles sur place pour éviter que la ville ne soit qu'un lieu d'études.
00:08:20 – 00:10:07 (Séquence 8) : Gérard Bauer évoque la guerre, pendant laquelle il a servi. Son régiment neuchâtelois l'a fait beaucoup voyager en Suisse. Il a également beaucoup lu et travaillé pendant ses soirées de libre pour se préparer à la reconstruction européenne d'après la guerre car il était convaincu qu'elle aurait lieu. Il a donc construit l'Europe en pensée et se constitue beaucoup de contacts parmi les réfugiés ou par correspondance, notamment avec le futur secrétaire général des Nations Unies, Dag Hammarskjöld, qu'il retrouvera quelques années plus tard.
00:10:10 – 00:12:59 (Séquence 9) : Gérard Bauer évoque sa carrière comme conseiller communal de Neuchâtel et celle au Grand conseil, qu'il quitte en 1945. Monsieur Petitpierre, conseiller fédéral et neuchâtelois l'appelle à Berne au département de politique fédérale. Ceci lance sa carrière diplomatique internationale car il devient conseiller économique auprès de la Légation suisse à Paris. Il s'agissait de reconstruire les relations économiques, tout en résolvant des problèmes d'ordre plus psychologique et politique. Bauer a dû gérer les nationalisations de l'eau, de l'électricité et de l'assurance accidents. Il a beaucoup appris des relations entre la France et la Suisse.
00:13:02 – 00:14:36 (Séquence 10) : Gérard Bauer évoque le dénuement de l'administration française dans les années 1945 à 1948, au point que les Suisses leur prêtaient leurs machines à écrire pour pouvoir recevoir les licences d'importation. Ils ont même parfois envoyé leurs secrétaires dactylos pour décharger l'administration française. Malgré ces épisodes parfois dramatiques, les partenaires français étaient très accommodants et amicaux. Toutes les relations se déroulaient dans un climat de confiance malgré toutes les divergences d'opinion.
00:14:40 – 00:17:25 (Séquence 11) : Gérard Bauer évoque son évolution progressive vers les questions européennes, sur la demande du Conseil fédéral. En 1948, il est délégué à l'Organisation européenne des coopérations économiques : c'est là que commence sa carrière diplomatique et internationale. A l'époque, il y avait le Plan Marshall et les Américains ont été très généreux pour rétablir l'économie de l'Europe. Bauer lui-même a retrouvé Marshall en Suède et a travaillé la main dans la main avec lui dans le but d'établir le fameux programme. Il a d'ailleurs du retravailler la partie de la conception de l'entraide européenne entre vainqueurs et vaincus car seule la partie de demande d'aide américaine avait été convenablement motivée et argumentée. Il ne s'agissait pas en effet de n'être que dépendants des Américains mais également de reconstruire les relations européennes : d'où l'origine de la première Organisation permanente de coopération européenne. Bauer en est d'ailleurs devenu vice-président du comité exécutif en 1956.
00:17:29 – 00:19:25 (Séquence 12) : Gérard Bauer évoque la création de la communauté acier et charbon en 1951 et sa propre nomination par le Conseil fédéral comme délégué au Luxembourg. Il était voisin de Jean Monnet. Or la Suisse ne voulait pas participer à la communauté, Bauer a fait la navette entre Paris, le Luxembourg et le Conseil d'Europe à Strasbourg. Il était également président d'une commission mixte regroupant l'OCDE et le conseil de l'Europe. C'est là que le plan de libération des échanges a été progressivement mis au point, de même que le rétablissement de la transférabilité puis la convertibilité des monnaies. Ce fut la base du marché unique puis de la Communauté européenne. A cette époque, Bauer habitait Paris et a fait de nombreux déplacements en train.
00:19:30 – 00:20:40 (Séquence 13) : Gérard Bauer évoque son amour du chemin de fer qu'il développe en étant délégué à la Conférence diplomatique créant la conférence européenne des transports. La question s'est posée alors de savoir si elle siégerait à Bruxelles ou dans un cadre plus large. Les pools agricole et aérien y ont été discutés avant d'échouer. A cette époque, en 1956, a eu lieu la première crise pétrolière et c'est l'équipe de Bauer qui a été chargée par les Américains du ravitaillement en pétrole de l'Europe entière.
00:20:46 – 00:21:34 (Séquence 14) : Gérard Bauer évoque la nécessité d'évaluer la situation européenne en 1956 lors de la première crise pétrolière : l'Europe était vulnérable et notamment dépendante des ressources pétrolières du Moyen-Orient. Il a donc écrit un rapport au gouvernement pour qu'il tienne compte de cette situation et établisse des relations économiques équilibrées avec le Moyen-Orient. Ce rapport est passé à la trappe car on pensait maîtriser le jeu de l'offre et de la demande. L'aspect politique a été négligé, menant aux crises que l'on connaît.
00:21:40 – 00:24:27 (Séquence 15) : Gérard Bauer évoque ses trajets en train, notamment Neuchâtel-Paris, qui lui permettaient de rencontrer des cheminots et autres personnalités ferroviaires. Il a toujours admiré la SNCF, son esprit d'équipe, sa discipline et surtout Louis Armand, son directeur, un ancien résistant. Quand il faisait la route dans le réseau en voie de reconstruction, ils étaient toujours obligés de s'arrêter à Dijon où lui connaissait le chef de gare. De minuit à une heure du matin, il lui expliquait comment fonctionnait le réseau. Bauer évoque également la montée de la rampe de Dole à Vallorbe ou à Pontarlier, une des plus difficiles, surtout à une époque où le charbon était rare et de mauvaise qualité. Les chauffeurs devaient charger la chaudière pendant toute la nuit. A l'arrivée à Pontarlier, les passagers prenaient le petit déjeuner, avec un cognac, partagé avec les techniciens. De même, quand Bauer et Armand ont essayé les locomotives modernes de la ligne Orléans-Paris, ils avaient l'habitude de boire un "vin de cocher" avec les cheminots et les techniciens comme avec les cadres. C’est alors que des journalistes suisses ne trouvaient qu’un mot "la France va périr dans le communisme" bien qu’il n’y voyait lui qu’un esprit de fraternité et d’équipe.
00:24:33 – 00:28:35 (Séquence 16) : Gérard Bauer parle de sa carrière horlogère qui débute en 1958 quand il est nommé président de la Fédération de l'industrie horlogère suisse. Auparavant le département de l'Economie publique, dirigé par le conseiller fédéral Thomas Holenstein, a demandé à un collège de trois experts formé de monsieur Sandoz, conseiller d’Etat neuchâtelois, de monsieur Lullier, professeur à l’Université de Genève, ancien collaborateur à l’OECE et présidé par Gérard Bauer, de faire une analyse de la situation de l'horlogerie et du problème de cartellisation excessive et de préconiser des remèdes. Il a d'abord fallu convaincre les horlogers de participer à l'étude, ce que Bauer développe. Il a donc conseillé la décartellisation et la défonctionnalisation de l'économie horlogère privée, ainsi qu'un détachement de la tutelle corporatiste qui jusque-là fournissait toutes les autorisations de fabrication et de recrutement tout en fixant les prix. Bauer a donc libéré l'industrie horlogère d'un certain nombre de mesures qui avaient leur raison d’être avant la guerre mais plus maintenant.
00:28:42 – 00:30:48 (Séquence 17) : Gérard Bauer explique avoir compris avec des amis que l'horlogerie était prédestinée à appliquer la micro-électronique et en développe les raisons. C'est pourquoi les Suisses ont été les premiers à créer dans les années 1960 la première montre à quartz. Puis les Japonais ont suivi le mouvement et supplanté les Suisses sur certains marchés grâce à la micro-électronique. Or c'est là qu'est l'avenir de l'industrie horlogère selon Bauer, même si ni le patronat ni l'establishment ne l'ont compris : ils n'ont pas su utiliser le potentiel de la main d'œuvre horlogère, d'où la crise renforcée par les crises pétrolières de 1974 et 1975.
00:30:56 – 00:32:50 (Séquence 18) : Gérard Bauer évoque son âge de 83 ans et son parcours jusque-là : il insiste sur la notion de discipline par le travail. Depuis ses 14 ans, il a la conviction que la vie est très brève : il a donc choisi de la vivre de façon intense. Et pour lui c'est le travail et l'affrontement des échéances qui permettent à l'individu de se maintenir physiquement et intellectuellement et de sauvegarder l'être. Il refuse l'idée que le travail tue l'homme et s'adresse aux jeunes qui se disent stressés : il ne l'est pas. Le travail est une discipline de l'être qui permet d'exploiter les dons que tout un chacun reçoit.
00:32:59 – 00:36:44 (Séquence 19) : Gérard Bauer évoque sa vie privée : il épouse en 1936 Pierrette Bovet sous l'égide du frère d’André Boegner, pasteur à Strasbourg, qui bénit leur union à la Collégiale de Neuchâtel. Il est maintenant grand-père de huit petits-enfants. Son fils aîné, Luc, travaille dans la micro-informatique en Californie, selon l'interlocuteur qui fait la transition avec l'intérêt de Bauer pour le secteur du Conseil commercial et industriel, après avoir quitté la Fédération horlogère. Bauer revient sur la question du rôle des parents : il a toujours valorisé fortement la notion du travail dans sa famille. Il déteste le népotisme qui règne beaucoup trop en Suisse. Il a conseillé son fils sur son orientation en le faisant apprendre l'anglais aux Etats-Unis et étudier au Caltech, une des deux écoles les plus performantes dans le domaine des nouvelles technologies. Il dit avoir si bien réussi avec son fils que ce dernier a ensuite répété l'expérience en Allemagne et travaille maintenant à la Silicone Valley dans la micro-informatique.
00:36:53 – 00:40:58 (Séquence 20) : Gérard Bauer évoque sa carrière dans le commerce : il a notamment été président du Comité national suisse et de la Chambre de commerce internationale. Il précise que quand il est parti de Suisse en 1945, il a pressenti que l'après-guerre en Suisse serait "moche". Il a donc choisi d'aller dans un pays dévasté par la guerre pour comprendre et s'atteler à la reconstruction. Quand il est rentré en Suisse, il était convaincu que la Suisse passerait pacifiquement par les mêmes problèmes auxquels l'Europe en général était confrontée. La Suisse devait se restructurer, modifier ses objectifs et prendre une dimension de la prospérité actuelle que la préservation antérieure avait empêché de réaliser. La nécessité de prendre conscience de l'Europe en construction était réelle pour Bauer, dès 1958. Ne cessant de prêcher cela, Bauer a vécu vingt ans de purgatoire intellectuel. Il était considéré comme un futuriste peu sérieux alors qu'il voyait juste l'avenir suisse dans la physique du solide ou la micro-électronique et non uniquement dans la grosse industrie. Cela a été très long mais les programmes scientifiques actuels de la Confédération sont adaptés. Bauer a également contribué à valoriser la main d'oeuvre neuchâteloise en lien avec le développement de nouveaux axes industriels et de nouvelles technologies. Il est convaincu de la nécessité de réaliser dans les régions jurassiennes française et suisse le mariage fonctionnel de la mécanique de précision et de la micro-électronique.
00:41:08 – 00:42:15 (Séquence 21) : L'interlocuteur demande à Gérard Bauer de lui parler de 1934, quand il avait 27 ans et était fiancé à la future Madame Bauer, qui, ayant fait les arts graphiques à Strasbourg, faisait du dessin à Paris. Bauer répond qu'il a toujours été heureux de voir sa femme avoir sa propre carrière, ses propres goûts et ses propres activités, notamment dans la protection de la nature. Pour lui cela a été la raison fondamentale de l'équilibre dans son ménage.
00:42:25 – 00:48:14 (Séquence 22) : Gérard Bauer évoque le septième centenaire de la Confédération et la préparation qui vient de s'achever. Il soulève le paradoxe de la Suisse romande qui n'a pas participé à la création de la Confédération et ne s'y est intégrée que récemment. La naissance de la Confédération appartient à la Suisse alémanique à laquelle il faut rendre hommage. Bauer se dit heureux que la première tentative de célébrer l'anniversaire de la Confédération ait éclaté car la centralisation ne correspond pas à la réalité suisse. Bauer trouve intéressantes les différentes manières de célébrer cet anniversaire, comme par exemple le canton de Neuchâtel avec des manifestations théâtrales internationales. Pour Bauer, ces célébrations constituent un examen car la Suisse est à un carrefour et devra bientôt faire prendre des décisions par le peuple, notamment au sein de l'Europe. A ce sujet, il se dit surpris du négativisme et du désarroi ambiants chez nos dirigeants politiques, économiques et intellectuels. Bauer, lui, admet volontiers que la période de prospérité actuelle est en train de prendre fin mais il est confiant qu'un équilibre pourra être trouvé si les gens savent travailler. Or depuis le 2 août 1914 et tous les cataclysmes qui s'en sont suivis, la liberté de décision se pose pour la première fois et avec elle, un nombre d'occasions et de possibilités ; et personne n'y est préparé intellectuellement, psychologiquement et même physiquement. Cela étonne grandement Bauer.
00:48:24 – 00:48:51 (Séquence 23) : Gérard Bauer raconte un colloque sur les minorités en Europe auquel il a assisté il y a quelques mois, notamment pour y apporter un message fédéraliste.
00:49:02 – 00:50:12 (Séquence 24) : L'interlocuteur demande à Gérard Bauer s'il estime que la nouvelle Europe devrait s'inspirer du système fédéraliste suisse. Bauer répond que les opportunités actuelles demandent une certaine préparation et la Suisse devrait donc servir de réservoir d'expériences positives et négatives de centralisation et de fédéralisme à la nouvelle Europe. Pour lui, c'est en cela que devrait consister la préparation active du sept-centième anniversaire de la Confédération : il faudrait créer une Croix-Rouge politique.
00:50:24 – 00:50:27 (Séquence 25) : Gérard Bauer conclut l'entretien en affirmant qu'il n'écrira pas le roman de sa vie car il en est incapable et qu' il est encore en train de la vivre.
00:50:40 – 00:51:07 (Séquence 26) : Générique de fin du Plans-Fixes consacré à Gérard Bauer, ancien diplomate, tourné à Hauterive, Neuchâtel, le 23 janvier 1991.
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00:00:00 – 00:00:23 (Séquence 0) : Générique de début du Plans-Fixes consacré à Gérard Bauer, ancien diplomate, tourné à Hauterive, Neuchâtel, le 23 janvier 1991. L'interlocuteur est Claude-Pierre Chambet.
00:00:23 – 00:01:19 (Séquence 1) : L'interlocuteur fait l'état de service de Gérard Bauer : 62 postes, charges et autres positions. Il lui demande donc ce qu'il n'a pas fait, dans cette vie commencée un jour de juin 1907. Bauer répond qu'il regrette ne pas avoir plus voyagé ou mieux connu certains pays : sa soif de connaître les différences, les changements et les mutations est très grande.
00:01:19 – 00:02:16 (Séquence 2) : L'interlocuteur explique que Gérard Bauer est né en juin 1907 à Neuchâtel. Son père était médecin-chef de l'hôpital des Cadolles. Sa jeunesse a été très heureuse, même pendant la première guerre mondiale qui a passionné son frère historien et lui-même. Ils avaient dans leur chambre les plans des fronts dont ils suivaient l'évolution au quotidien.
00:02:16 – 00:03:26 (Séquence 3) : L'interlocuteur évoque le parcours de Gérard Bauer : fils et petit-fils de médecin, il fait pourtant des études de droit à Neuchâtel. Bauer réplique qu'il aurait fait un médecin médiocre. Il a d'ailleurs complété son cursus par des études de sciences politiques à l'école libre de Paris, à l'Institut des hautes études internationales à Genève et à l'académie de La Haye. Il se déplace donc beaucoup et fait appel à des amis pour lui prendre les notes de cours.
00:03:26 – 00:03:39 (Séquence 4) : Gérard Bauer évoque son amour des moyens de communication, comme le chemin de fer, qui remonte à sa jeunesse passée à relier ses différents lieux d'études. La ligne Paris-Dijon-Neuchâtel n'a plus de secrets pour lui depuis cette époque.
00:03:39 – 00:04:27 (Séquence 5) : Gérard Bauer évoque son parcours : une fois son brevet d'avocat en poche, son premier poste est à Zurich où il est stagiaire à l'Office suisse d'expansion commerciale. Son patron lui demande alors de faire une étude de l'incidence des répercussions du nazisme sur les pays d'Europe centrale. Ses conclusions ont établi que la main mise économique du nazisme conduirait à une main mise politique.
00:04:28 – 00:06:15 (Séquence 6) : Gérard Bauer raconte qu'après avoir passé par l'OSEC, il a été désigné comme secrétaire romand du Vorort, soit la chambre de commerce internationale pendant deux ou trois ans où il a travaillé à la préparation de la Suisse à l'économie de guerre. Il a ensuite fait un stage à Berne comme chef adjoint du service juridique lors de la dévaluation. Puis il a été élu comme conseiller communal à Neuchâtel.
00:06:16 – 00:08:18 (Séquence 7) : Gérard Bauer raconte sa nomination comme conseiller communal à Neuchâtel. Il a beaucoup œuvré pour le renouveau du canton, notamment avec René [ Brechet ], rédacteur à la "Feuille d'Avis de Neuchâtel". Ils ont par exemple recommandé la création d'un institut neuchâtelois et cherché à attirer des industries nouvelles sur place pour éviter que la ville ne soit qu'un lieu d'études.
00:08:20 – 00:10:07 (Séquence 8) : Gérard Bauer évoque la guerre, pendant laquelle il a servi. Son régiment neuchâtelois l'a fait beaucoup voyager en Suisse. Il a également beaucoup lu et travaillé pendant ses soirées de libre pour se préparer à la reconstruction européenne d'après la guerre car il était convaincu qu'elle aurait lieu. Il a donc construit l'Europe en pensée et se constitue beaucoup de contacts parmi les réfugiés ou par correspondance, notamment avec le futur secrétaire général des Nations Unies, Dag Hammarskjöld, qu'il retrouvera quelques années plus tard.
00:10:10 – 00:12:59 (Séquence 9) : Gérard Bauer évoque sa carrière comme conseiller communal de Neuchâtel et celle au Grand conseil, qu'il quitte en 1945. Monsieur Petitpierre, conseiller fédéral et neuchâtelois l'appelle à Berne au département de politique fédérale. Ceci lance sa carrière diplomatique internationale car il devient conseiller économique auprès de la Légation suisse à Paris. Il s'agissait de reconstruire les relations économiques, tout en résolvant des problèmes d'ordre plus psychologique et politique. Bauer a dû gérer les nationalisations de l'eau, de l'électricité et de l'assurance accidents. Il a beaucoup appris des relations entre la France et la Suisse.
00:13:02 – 00:14:36 (Séquence 10) : Gérard Bauer évoque le dénuement de l'administration française dans les années 1945 à 1948, au point que les Suisses leur prêtaient leurs machines à écrire pour pouvoir recevoir les licences d'importation. Ils ont même parfois envoyé leurs secrétaires dactylos pour décharger l'administration française. Malgré ces épisodes parfois dramatiques, les partenaires français étaient très accommodants et amicaux. Toutes les relations se déroulaient dans un climat de confiance malgré toutes les divergences d'opinion.
00:14:40 – 00:17:25 (Séquence 11) : Gérard Bauer évoque son évolution progressive vers les questions européennes, sur la demande du Conseil fédéral. En 1948, il est délégué à l'Organisation européenne des coopérations économiques : c'est là que commence sa carrière diplomatique et internationale. A l'époque, il y avait le Plan Marshall et les Américains ont été très généreux pour rétablir l'économie de l'Europe. Bauer lui-même a retrouvé Marshall en Suède et a travaillé la main dans la main avec lui dans le but d'établir le fameux programme. Il a d'ailleurs du retravailler la partie de la conception de l'entraide européenne entre vainqueurs et vaincus car seule la partie de demande d'aide américaine avait été convenablement motivée et argumentée. Il ne s'agissait pas en effet de n'être que dépendants des Américains mais également de reconstruire les relations européennes : d'où l'origine de la première Organisation permanente de coopération européenne. Bauer en est d'ailleurs devenu vice-président du comité exécutif en 1956.
00:17:29 – 00:19:25 (Séquence 12) : Gérard Bauer évoque la création de la communauté acier et charbon en 1951 et sa propre nomination par le Conseil fédéral comme délégué au Luxembourg. Il était voisin de Jean Monnet. Or la Suisse ne voulait pas participer à la communauté, Bauer a fait la navette entre Paris, le Luxembourg et le Conseil d'Europe à Strasbourg. Il était également président d'une commission mixte regroupant l'OCDE et le conseil de l'Europe. C'est là que le plan de libération des échanges a été progressivement mis au point, de même que le rétablissement de la transférabilité puis la convertibilité des monnaies. Ce fut la base du marché unique puis de la Communauté européenne. A cette époque, Bauer habitait Paris et a fait de nombreux déplacements en train.
00:19:30 – 00:20:40 (Séquence 13) : Gérard Bauer évoque son amour du chemin de fer qu'il développe en étant délégué à la Conférence diplomatique créant la conférence européenne des transports. La question s'est posée alors de savoir si elle siégerait à Bruxelles ou dans un cadre plus large. Les pools agricole et aérien y ont été discutés avant d'échouer. A cette époque, en 1956, a eu lieu la première crise pétrolière et c'est l'équipe de Bauer qui a été chargée par les Américains du ravitaillement en pétrole de l'Europe entière.
00:20:46 – 00:21:34 (Séquence 14) : Gérard Bauer évoque la nécessité d'évaluer la situation européenne en 1956 lors de la première crise pétrolière : l'Europe était vulnérable et notamment dépendante des ressources pétrolières du Moyen-Orient. Il a donc écrit un rapport au gouvernement pour qu'il tienne compte de cette situation et établisse des relations économiques équilibrées avec le Moyen-Orient. Ce rapport est passé à la trappe car on pensait maîtriser le jeu de l'offre et de la demande. L'aspect politique a été négligé, menant aux crises que l'on connaît.
00:21:40 – 00:24:27 (Séquence 15) : Gérard Bauer évoque ses trajets en train, notamment Neuchâtel-Paris, qui lui permettaient de rencontrer des cheminots et autres personnalités ferroviaires. Il a toujours admiré la SNCF, son esprit d'équipe, sa discipline et surtout Louis Armand, son directeur, un ancien résistant. Quand il faisait la route dans le réseau en voie de reconstruction, ils étaient toujours obligés de s'arrêter à Dijon où lui connaissait le chef de gare. De minuit à une heure du matin, il lui expliquait comment fonctionnait le réseau. Bauer évoque également la montée de la rampe de Dole à Vallorbe ou à Pontarlier, une des plus difficiles, surtout à une époque où le charbon était rare et de mauvaise qualité. Les chauffeurs devaient charger la chaudière pendant toute la nuit. A l'arrivée à Pontarlier, les passagers prenaient le petit déjeuner, avec un cognac, partagé avec les techniciens. De même, quand Bauer et Armand ont essayé les locomotives modernes de la ligne Orléans-Paris, ils avaient l'habitude de boire un "vin de cocher" avec les cheminots et les techniciens comme avec les cadres. C’est alors que des journalistes suisses ne trouvaient qu’un mot "la France va périr dans le communisme" bien qu’il n’y voyait lui qu’un esprit de fraternité et d’équipe.
00:24:33 – 00:28:35 (Séquence 16) : Gérard Bauer parle de sa carrière horlogère qui débute en 1958 quand il est nommé président de la Fédération de l'industrie horlogère suisse. Auparavant le département de l'Economie publique, dirigé par le conseiller fédéral Thomas Holenstein, a demandé à un collège de trois experts formé de monsieur Sandoz, conseiller d’Etat neuchâtelois, de monsieur Lullier, professeur à l’Université de Genève, ancien collaborateur à l’OECE et présidé par Gérard Bauer, de faire une analyse de la situation de l'horlogerie et du problème de cartellisation excessive et de préconiser des remèdes. Il a d'abord fallu convaincre les horlogers de participer à l'étude, ce que Bauer développe. Il a donc conseillé la décartellisation et la défonctionnalisation de l'économie horlogère privée, ainsi qu'un détachement de la tutelle corporatiste qui jusque-là fournissait toutes les autorisations de fabrication et de recrutement tout en fixant les prix. Bauer a donc libéré l'industrie horlogère d'un certain nombre de mesures qui avaient leur raison d’être avant la guerre mais plus maintenant.
00:28:42 – 00:30:48 (Séquence 17) : Gérard Bauer explique avoir compris avec des amis que l'horlogerie était prédestinée à appliquer la micro-électronique et en développe les raisons. C'est pourquoi les Suisses ont été les premiers à créer dans les années 1960 la première montre à quartz. Puis les Japonais ont suivi le mouvement et supplanté les Suisses sur certains marchés grâce à la micro-électronique. Or c'est là qu'est l'avenir de l'industrie horlogère selon Bauer, même si ni le patronat ni l'establishment ne l'ont compris : ils n'ont pas su utiliser le potentiel de la main d'œuvre horlogère, d'où la crise renforcée par les crises pétrolières de 1974 et 1975.
00:30:56 – 00:32:50 (Séquence 18) : Gérard Bauer évoque son âge de 83 ans et son parcours jusque-là : il insiste sur la notion de discipline par le travail. Depuis ses 14 ans, il a la conviction que la vie est très brève : il a donc choisi de la vivre de façon intense. Et pour lui c'est le travail et l'affrontement des échéances qui permettent à l'individu de se maintenir physiquement et intellectuellement et de sauvegarder l'être. Il refuse l'idée que le travail tue l'homme et s'adresse aux jeunes qui se disent stressés : il ne l'est pas. Le travail est une discipline de l'être qui permet d'exploiter les dons que tout un chacun reçoit.
00:32:59 – 00:36:44 (Séquence 19) : Gérard Bauer évoque sa vie privée : il épouse en 1936 Pierrette Bovet sous l'égide du frère d’André Boegner, pasteur à Strasbourg, qui bénit leur union à la Collégiale de Neuchâtel. Il est maintenant grand-père de huit petits-enfants. Son fils aîné, Luc, travaille dans la micro-informatique en Californie, selon l'interlocuteur qui fait la transition avec l'intérêt de Bauer pour le secteur du Conseil commercial et industriel, après avoir quitté la Fédération horlogère. Bauer revient sur la question du rôle des parents : il a toujours valorisé fortement la notion du travail dans sa famille. Il déteste le népotisme qui règne beaucoup trop en Suisse. Il a conseillé son fils sur son orientation en le faisant apprendre l'anglais aux Etats-Unis et étudier au Caltech, une des deux écoles les plus performantes dans le domaine des nouvelles technologies. Il dit avoir si bien réussi avec son fils que ce dernier a ensuite répété l'expérience en Allemagne et travaille maintenant à la Silicone Valley dans la micro-informatique.
00:36:53 – 00:40:58 (Séquence 20) : Gérard Bauer évoque sa carrière dans le commerce : il a notamment été président du Comité national suisse et de la Chambre de commerce internationale. Il précise que quand il est parti de Suisse en 1945, il a pressenti que l'après-guerre en Suisse serait "moche". Il a donc choisi d'aller dans un pays dévasté par la guerre pour comprendre et s'atteler à la reconstruction. Quand il est rentré en Suisse, il était convaincu que la Suisse passerait pacifiquement par les mêmes problèmes auxquels l'Europe en général était confrontée. La Suisse devait se restructurer, modifier ses objectifs et prendre une dimension de la prospérité actuelle que la préservation antérieure avait empêché de réaliser. La nécessité de prendre conscience de l'Europe en construction était réelle pour Bauer, dès 1958. Ne cessant de prêcher cela, Bauer a vécu vingt ans de purgatoire intellectuel. Il était considéré comme un futuriste peu sérieux alors qu'il voyait juste l'avenir suisse dans la physique du solide ou la micro-électronique et non uniquement dans la grosse industrie. Cela a été très long mais les programmes scientifiques actuels de la Confédération sont adaptés. Bauer a également contribué à valoriser la main d'oeuvre neuchâteloise en lien avec le développement de nouveaux axes industriels et de nouvelles technologies. Il est convaincu de la nécessité de réaliser dans les régions jurassiennes française et suisse le mariage fonctionnel de la mécanique de précision et de la micro-électronique.
00:41:08 – 00:42:15 (Séquence 21) : L'interlocuteur demande à Gérard Bauer de lui parler de 1934, quand il avait 27 ans et était fiancé à la future Madame Bauer, qui, ayant fait les arts graphiques à Strasbourg, faisait du dessin à Paris. Bauer répond qu'il a toujours été heureux de voir sa femme avoir sa propre carrière, ses propres goûts et ses propres activités, notamment dans la protection de la nature. Pour lui cela a été la raison fondamentale de l'équilibre dans son ménage.
00:42:25 – 00:48:14 (Séquence 22) : Gérard Bauer évoque le septième centenaire de la Confédération et la préparation qui vient de s'achever. Il soulève le paradoxe de la Suisse romande qui n'a pas participé à la création de la Confédération et ne s'y est intégrée que récemment. La naissance de la Confédération appartient à la Suisse alémanique à laquelle il faut rendre hommage. Bauer se dit heureux que la première tentative de célébrer l'anniversaire de la Confédération ait éclaté car la centralisation ne correspond pas à la réalité suisse. Bauer trouve intéressantes les différentes manières de célébrer cet anniversaire, comme par exemple le canton de Neuchâtel avec des manifestations théâtrales internationales. Pour Bauer, ces célébrations constituent un examen car la Suisse est à un carrefour et devra bientôt faire prendre des décisions par le peuple, notamment au sein de l'Europe. A ce sujet, il se dit surpris du négativisme et du désarroi ambiants chez nos dirigeants politiques, économiques et intellectuels. Bauer, lui, admet volontiers que la période de prospérité actuelle est en train de prendre fin mais il est confiant qu'un équilibre pourra être trouvé si les gens savent travailler. Or depuis le 2 août 1914 et tous les cataclysmes qui s'en sont suivis, la liberté de décision se pose pour la première fois et avec elle, un nombre d'occasions et de possibilités ; et personne n'y est préparé intellectuellement, psychologiquement et même physiquement. Cela étonne grandement Bauer.
00:48:24 – 00:48:51 (Séquence 23) : Gérard Bauer raconte un colloque sur les minorités en Europe auquel il a assisté il y a quelques mois, notamment pour y apporter un message fédéraliste.
00:49:02 – 00:50:12 (Séquence 24) : L'interlocuteur demande à Gérard Bauer s'il estime que la nouvelle Europe devrait s'inspirer du système fédéraliste suisse. Bauer répond que les opportunités actuelles demandent une certaine préparation et la Suisse devrait donc servir de réservoir d'expériences positives et négatives de centralisation et de fédéralisme à la nouvelle Europe. Pour lui, c'est en cela que devrait consister la préparation active du sept-centième anniversaire de la Confédération : il faudrait créer une Croix-Rouge politique.
00:50:24 – 00:50:27 (Séquence 25) : Gérard Bauer conclut l'entretien en affirmant qu'il n'écrira pas le roman de sa vie car il en est incapable et qu' il est encore en train de la vivre.
00:50:40 – 00:51:07 (Séquence 26) : Générique de fin du Plans-Fixes consacré à Gérard Bauer, ancien diplomate, tourné à Hauterive, Neuchâtel, le 23 janvier 1991.
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