Pietro Sarto (Peintre et graveur)
- francese
- 2003-07-15
- Durata: 00:46:20
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Descrizione
Pietro Sarto est né à Chiasso en 1930, puis sa famille s'établit à Neuchâtel et en 1945 à Lausanne. Pietro Sarto fait un passage à l'Ecole de Commerce, puis à l'Ecole des Beaux-Arts. En 1950, il s'installe à Paris où il fait la connaissance d'Albert Flocon, mathématicien, graveur. Rencontre déterminante, Flocon lui apprend la gravure et l'initie à la perspective. Le Louvre est pour lui une école, il y va chaque jour pour dessiner. Bien que séduisante, il ressent la perspective de Flocon comme une contrainte. Pour Sarto, tout système est une prison, à un certain moment le sensible doit prendre le dessus. "J'aime la règle, dit-il, mais j'aime encore mieux l'émotion qui vient la rectifier". De retour en Suisse, le bassin lémanique devient pour lui son réservoir de travail. Pietro Sarto est aussi un homme qui dit non ! Pour lui, peindre c'est entrer en résistance, c'est travailler dans la sensibilité et non dans la spéculation.
00:00:00 – 00:00:27 (Séquence 0) : Générique de début du Plans-Fixes consacré à Pietro Sarto, peintre et graveur, et tourné à Lausanne le 15 juillet 2003. L'interlocuteur est Freddy Buache.
00:00:27 – 00:01:36 (Séquence 1) : Freddy Buache présente ce Plans-Fixes qui tentera de comprendre les raisons et les intuitions de Pietro Sarto lorsque celui-ci dessine des paysages ou de bouquets. Dans ces œuvres, Pietro Sarto pose des questions liées à la perspective, par exemple avec ses tableaux qui représentent des gerbes de fleurs posées sur une table oblique ou des panoramas dans lesquels le ciel se renverse. Il s'agit là d'une vitale expérience du réel, d'une transformation de nos perceptions culturelles : une revanche du regard que Jean Starobinski situe au seuil de l'invention de la liberté.
00:01:36 – 00:01:48 (Séquence 2) : Générique de début du Plans-Fixes consacré à Pietro Sarto, peintre et graveur, et tourné à Lausanne le 15 juillet 2003. L'interlocuteur est Freddy Buache.
00:01:49 – 00:03:24 (Séquence 3) : Pietro Sarto est né à Chiasso au Tessin en 1930. Pietro Sarto se souvient de l'atmosphère italienne fascisante. C'était des années difficiles du point de vue de la politique. Il se souvient également qu’en 1936, il avait six ans, l'Italie fêtait sa victoire en Abyssinie. Ses deux frères aînés ont vécu les événements de manière plus vive. Son père a été déplacé à Neuchâtel et la famille est venue s’installer en Suisse romande. Le nom de famille de Pietro Sarto est Schneider, mais quand la famille a déménagé, il est devenu soudainement "le rital". Il a dû apprendre le français. A nouveau, la situation n’était pas drôle.
00:03:26 – 00:04:01 (Séquence 4) : Pietro Sarto passe rapidement sur le chapitre de l'école, car il faisait surtout l'école buissonnière. Il en a appris beaucoup : la marginalité et comment reconnaître les gens bienveillants. Il savait par exemple dans quelles fermes il serait bien reçu en observant s'il y avait un chien attaché.
00:04:04 – 00:05:07 (Séquence 5) : Pietro Sarto raconte comment il est allé à Lausanne à la fin de la guerre, quand il avait 15 ans. Il parle d'un espoir, partagé par Freddy Buache, d'une révolution qui empêcherait le retour des choses à l'avant-guerre. Cet espoir a également été vécu par Pietro Sarto à l'école de commerce qu'il faisait en même temps que Jean Lecoultre. Pietro Sarto a été viré de cet établissement pour raisons politiques. Il a également été renvoyé des Beaux-Arts.
00:05:10 – 00:06:26 (Séquence 6) : Pietro Sarto explique qu'avant de partir à Paris, en 1947, il a été marqué par l'exposition des Italiens aux Palais de Rumine. Pour lui, la modernité était italienne et ce, dès Chiasso. Donc, en voyant cette exposition, qui montrait De Chirico et Morandi, il a été renforcé dans cette intuition.
00:06:29 – 00:07:33 (Séquence 7) : Freddy Buache parle à Pietro Sarto des peintres De Chirico, pour son côté métaphysique, et Morandi sur lequel il demande de développer. Pour Pietro Sarto, Morandi semble être un réaliste alors que vivant à Bologne, dernier bastion antifasciste, il a vu sa réalité se restreindre. Sa peinture est donc une forme de résistance.
00:07:36 – 00:11:27 (Séquence 8) : Pietro Sarto raconte ses voyages à Paris et ses rencontres avec Flocon et Yersin, graveurs. Pour Pietro Sarto, Flocon est un érudit, un ancien élève viré du Bauhaus en 1931-1932 par Hanes Meyer, car il était syndicaliste et représentait les étudiants. Il était également élève de Schlemmer et a fait du théâtre et de la géométrie. Il était curieux de tout, un mathématicien, un géographe et même l'inventeur de l'effet photographique "œil de poisson". Pietro Sarto a donc appris à graver avec Flocon et a connu Bachelard grâce à lui. Il compare Flocon à un homme de la Renaissance et à un grand angle tant il touchait à tout, ce qui ne l'empêchait pas d'être drôle. Un jour, Pietro Sarto lui a demandé s'il pouvait diviser un cercle en 17 parties égales : Flocon en a fait un dessin aquarellé. Puis, Pietro Sarto lui a demandé un icosidodécaèdre, dont Flocon a finalement tiré une lithographie magnifique. Flocon lui a enseigné la gravure, mais aussi l'étude de la perspective, notamment curviligne, qui a d'ailleurs comme retombée directe la Géode mise au point par l'Ecole d'architecture de Montpellier.
00:11:31 – 00:12:39 (Séquence 9) : Pietro Sarto a fréquenté assidûment le Louvre pour dessiner Poussin. Il souhaitait apprendre la perspective et voir la peinture : il dessinait Poussin pour copier Cézanne dans les principes de construction. Pietro Sarto a également apprécié la collection Caillebotte.
00:12:44 – 00:14:04 (Séquence 10) : Pietro Sarto parle du choc Courbet, le tableau "L'enterrement à Ornans" l'a beaucoup marqué. Il explique que c'est une rupture culturelle du tableau de genre, il a la dimension d'un tableau d'histoire. Pour Pietro Sarto, Courbet peignait mieux que Le Brun et sa biographie particulière compte dans son affection pour lui.
00:14:09 – 00:15:18 (Séquence 11) : Une des influences de Pietro Sarto est "Les femmes d'Alger" de Delacroix. En étudiant la perspective de l’œuvre, il a réalisé que sous les pieds de la servante noire à droite, il y a une rupture des catelles du plancher. Loin d'être une erreur de perspective, elle est une transgression, vecteur de dynamisme. On la retrouve d'ailleurs dans "Le rocking-chair" de Picasso. Pietro Sarto a compris qu'il fallait assumer et travailler avec le passé.
00:15:24 – 00:16:08 (Séquence 12) : Pietro Sarto parle de sa fréquentation de la Cinémathèque française, avenue de Messine, à Paris, à l'époque de Langlois. C'est là qu'il a découvert réellement l'image moderne, notamment chez Dziga Vertov, dont il fouillait les films. Il a beaucoup regardé Chaplin dont "La ruée vers l'or".
00:16:14 – 00:19:21 (Séquence 13) : Pietro Sarto a étudié au Louvre, vu des films à la Cinémathèque française et suivi les conseils de Flocon. Il a alors l'idée de travailler la perspective curviligne et Freddy Buache fait le lien avec le film "Meurtre dans un jardin anglais" dont la traduction littérale de l’anglais serait "Le contrat du géomètre" de 1989, où il est question de reproduire exactement différents endroits d'un jardin, ceci pour mettre en évidence le fait que la perspective est une fabrication. Pietro Sarto souligne d'ailleurs l'anachronisme d'utiliser un écran suivant la perspective de Dürer à une époque – celle du film – où on utilise la chambre noire. La perspective est de l'ordre de la perception culturelle. Pietro Sarto explique le fonctionnement de la camera oscura et montre l'appareil servant à redresser la perspective et qu'il utilise pour redresser les gravures, originellement à l'envers.
00:19:28 – 00:21:57 (Séquence 14) : Pietro Sarto explique son questionnement de la manière de voir et sa volonté de créer une nouvelle manière de rapporter ce qui est vu sur la toile, notamment grâce à son dialogue contradictoire avec Flocon. La perspective curviligne de Flocon est séduisante mais Pietro Sarto trouve qu'il fabriquait une nouvelle cage, car tout système est une prison et celui de Flocon, encore plus que la perspective albertienne. La différence est de savoir si l'artiste est devant ou dans la nature. Le système de Flocon fonctionne mais est très compliqué et contraignant : Pietro Sarto et lui se sont parfois disputés à ce sujet.
00:22:05 – 00:22:42 (Séquence 15) : Piero Sarto explique que parmi les routes et autoroutes qui mènent d'un point à un autre d'un système, il préfère le sentier. Il considère que seul le voyage est important : c'est ce que permet le sentier.
00:22:51 – 00:23:34 (Séquence 16) : Pietro Sarto parle de son intérêt pour la perspective qu'elle soit curviligne ou albertienne. Celle de Flocon lui permet de montrer ce qui est là mais pour lui, le sensible doit reprendre le dessus. Pietro Sarto préfère l'émotion à la règle et remet donc en question tout ce problème de la perspective.
00:23:43 – 00:26:11 (Séquence 17) : Pietro Sarto explique sa manière d'appréhender la perspective et mentionne Benjamin Perret, surréaliste et ami de Breton, qui a voyagé au Mexique en 1940 et y rencontre un menuisier. Ce dernier lui a construit des meubles en perspective : il ne lisait pas la perspective en tant que telle. Pour Pietro Sarto, la perception de la perspective est récente et il cite à cet égard Abraham Bosse, Dessargues et Pascal qui ont fait progresser la compréhension de la perspective et permis d'inventer des machines comme la caméra. C'est la géométrie de Dessargues que Pietro Sarto met en avant dans la peinture de Le Brun.
00:26:21 – 00:28:30 (Séquence 18) : Pietro Sarto parle de son idée de la perspective culturelle ou culturalisée, qu'il remet en question grâce à l'enseignement de Bachelard, Taton et Flocon. Le cerveau forme une image sur la base d'un système intégré culturellement. Il cite Burkhard qui pensait que tout le monde voyait le monde comme lui. Il y a une différence entre ce que les gens de la Renaissance voyaient et ce que nous voyons actuellement. Par le biais des machines qui donnèrent naissance à la photographie et au cinéma, la perspective des lignes fuyantes s'est répandue. On sait également que les Grecs n'ont pas mis le bleu au programme : ils ne voyaient pas les matériaux bleus comme tels. Pietro Sarto se sert de ces connaissances pour remettre en question les évidences.
00:28:40 – 00:29:53 (Séquence 19) : Pietro Sarto se passionne pour la perspective et explique que lorsqu’on immobilise les six muscles régissant l'œil, celui-ci devient aveugle au bout de quatre secondes. La formation de l'image est en effet impossible et pourtant le corps est toujours capable de saisir une balle au bond, donc il voit toujours. La formation des images est culturelle. Pietro Sarto essaie de faire comprendre cette idée à travers son œuvre. Certaines choses existent sans que nous puissions les voir, car notre système nous interdit de les voir.
00:30:04 – 00:33:05 (Séquence 20) : Pietro Sarto explique sa position entre le fait de connaître les règles et sa sensibilité d'artiste. Pour transgresser les règles, il faut d'abord les connaître et en faire l'expérience : il est alors possible de les dépasser quand elles ne donnent pas satisfaction. Il cite à titre d'exemple Saint-François-d'Assise qui a pu faire vœu de pauvreté parce qu'il était un des hommes les plus riches d'Italie. Pietro Sarto lui-même essaie de procéder avec empirisme à ce niveau. Même s'il est dans la rupture, il avance par essais, d'où sa lenteur en peinture, car il lui faut inventer de nouvelles règles. Pietro Sarto barbouille des années sur 30 tableaux différents et parfois il en sort un tableau. Il fait de la peinture et non pas des tableaux. Jean Lecoultre sait, quant à lui, quand il commence et où il va. Pour Pietro Sarto, la difficulté de cette tâche réside dans le fait que le cerveau humain cherche toujours à mettre de l'ordre dans la réalité en occultant certaines choses.
00:33:16 – 00:35:26 (Séquence 21) : Pietro Sarto parle de Flocon, qui lui a conseillé de retourner en Suisse pour trouver le Lac Léman, les montagnes et les vignes. Cette suggestion a émergé d'une discussion sur la perspective de Léonard de Vinci et de leur différent point de vue. La perspective aérienne est difficilement mesurable comparée à la perspective curviligne de Flocon. Le paysage suisse est un exemple de la perspective aérienne, vu notamment par les peintres du nord descendant à Rome faire leurs études. Le Léman est devenu l'outil de travail de Pietro Sarto. Il est resté en bons termes avec Flocon.
00:35:37 – 00:38:28 (Séquence 22) : Freddy Buache parle de Pietro Sarto, regardant le Lavaux et Chexbres se reflétant dans le Léman. Pietro Sarto mentionne Bachelard, ses cours, et Louis Seguin : le Léman est Bachelardien et il pense toujours à lui quand il travaille. Pietro Sarto insiste sur la dimension temporelle du Lavaux : la perspective associée à la fuite vers le bas. Pietro Sarto revient toujours à cet endroit, le Chemin de la Dame. Les poètes sont avantagés car ils peuvent faire parler le temps, ce que lui, en tant que peintre, ne peut faire. Il cite la phrase "vous êtes ce que nous fûmes" et montre qu'elle couvre tous les temps. Le peintre, lui, maîtrise surtout le futur avec la perspective d'Alberti et doit recourir au symbole pour signifier le passé. Pietro Sarto utilise l'inversion pour mettre du temps dans l'image.
00:38:39 – 00:39:35 (Séquence 23) : Pietro Sarto parle des peintres contemporains et de leur volonté de mettre de l'image dans le temps. Il les caractérise comme faisant de la spéculation. Quand il commence un travail, il veut le mener le plus loin possible : il souhaite mettre du temps dans l'image et non l'inverse. Il n’y a pas d'images fixes dans le cerveau : elle est mouvante donc elle contient déjà du temps.
00:39:47 – 00:42:51 (Séquence 24) : Piero Sarto et Lecoultre ont été invités à la Biennale de Venise en 1970. Il a beaucoup aimé cette aventure et travailler avec Lecoultre, mais moralement, cela a été une épreuve. La Biennale reconstituait le 20e anniversaire de la Deuxième internationale avec des œuvres sur Lénine ou de Rodtchenko et Tatline. Pourtant, Pietro Sarto a eu l'impression d’une tromperie, car on exploitait culturellement et financièrement une révolution et on la faisait garder par la police. Pietro Sarto questionne la démarche et le rôle de l’art contemporain. Il critique également le refus de faire de la peinture pour la Biennale : pour lui, il s'agit de terrorisme intellectuel.
00:43:03 – 00:43:53 (Séquence 25) : Pietro Sarto parle de l'art contemporain, qu'il critique : cet art fait des objets pour les musées et est un champ clos. Il refuse cette pratique. Il aime dire non. Il souligne qu’on reproche à une certaine génération de jeunes dans la rue de ne pas avoir de programme. Ces jeunes disent non à un système qu'ils trouvent injuste. Il trouve cela heureux et il en est solidaire.
00:44:06 – 00:45:26 (Séquence 26) : Pietro Sarto parle d'Antigone et de son "non" qu'il revendique comme le fait de mettre du désordre même si cela est critiqué par la raison d'Etat. Il cite les grands peintres exclus du discours de l'art contemporain comme Bram Van Velde. Pietro Sarto se sent solidaire de ces gens hors du système, depuis Morandi.
00:45:40 – 00:46:05 (Séquence 27) : Générique de fin du Plans-Fixes consacré à Pietro Sarto, peintre et graveur, tourné à Lausanne le 15 juillet 2003.
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00:00:00 – 00:00:27 (Séquence 0) : Générique de début du Plans-Fixes consacré à Pietro Sarto, peintre et graveur, et tourné à Lausanne le 15 juillet 2003. L'interlocuteur est Freddy Buache.
00:00:27 – 00:01:36 (Séquence 1) : Freddy Buache présente ce Plans-Fixes qui tentera de comprendre les raisons et les intuitions de Pietro Sarto lorsque celui-ci dessine des paysages ou de bouquets. Dans ces œuvres, Pietro Sarto pose des questions liées à la perspective, par exemple avec ses tableaux qui représentent des gerbes de fleurs posées sur une table oblique ou des panoramas dans lesquels le ciel se renverse. Il s'agit là d'une vitale expérience du réel, d'une transformation de nos perceptions culturelles : une revanche du regard que Jean Starobinski situe au seuil de l'invention de la liberté.
00:01:36 – 00:01:48 (Séquence 2) : Générique de début du Plans-Fixes consacré à Pietro Sarto, peintre et graveur, et tourné à Lausanne le 15 juillet 2003. L'interlocuteur est Freddy Buache.
00:01:49 – 00:03:24 (Séquence 3) : Pietro Sarto est né à Chiasso au Tessin en 1930. Pietro Sarto se souvient de l'atmosphère italienne fascisante. C'était des années difficiles du point de vue de la politique. Il se souvient également qu’en 1936, il avait six ans, l'Italie fêtait sa victoire en Abyssinie. Ses deux frères aînés ont vécu les événements de manière plus vive. Son père a été déplacé à Neuchâtel et la famille est venue s’installer en Suisse romande. Le nom de famille de Pietro Sarto est Schneider, mais quand la famille a déménagé, il est devenu soudainement "le rital". Il a dû apprendre le français. A nouveau, la situation n’était pas drôle.
00:03:26 – 00:04:01 (Séquence 4) : Pietro Sarto passe rapidement sur le chapitre de l'école, car il faisait surtout l'école buissonnière. Il en a appris beaucoup : la marginalité et comment reconnaître les gens bienveillants. Il savait par exemple dans quelles fermes il serait bien reçu en observant s'il y avait un chien attaché.
00:04:04 – 00:05:07 (Séquence 5) : Pietro Sarto raconte comment il est allé à Lausanne à la fin de la guerre, quand il avait 15 ans. Il parle d'un espoir, partagé par Freddy Buache, d'une révolution qui empêcherait le retour des choses à l'avant-guerre. Cet espoir a également été vécu par Pietro Sarto à l'école de commerce qu'il faisait en même temps que Jean Lecoultre. Pietro Sarto a été viré de cet établissement pour raisons politiques. Il a également été renvoyé des Beaux-Arts.
00:05:10 – 00:06:26 (Séquence 6) : Pietro Sarto explique qu'avant de partir à Paris, en 1947, il a été marqué par l'exposition des Italiens aux Palais de Rumine. Pour lui, la modernité était italienne et ce, dès Chiasso. Donc, en voyant cette exposition, qui montrait De Chirico et Morandi, il a été renforcé dans cette intuition.
00:06:29 – 00:07:33 (Séquence 7) : Freddy Buache parle à Pietro Sarto des peintres De Chirico, pour son côté métaphysique, et Morandi sur lequel il demande de développer. Pour Pietro Sarto, Morandi semble être un réaliste alors que vivant à Bologne, dernier bastion antifasciste, il a vu sa réalité se restreindre. Sa peinture est donc une forme de résistance.
00:07:36 – 00:11:27 (Séquence 8) : Pietro Sarto raconte ses voyages à Paris et ses rencontres avec Flocon et Yersin, graveurs. Pour Pietro Sarto, Flocon est un érudit, un ancien élève viré du Bauhaus en 1931-1932 par Hanes Meyer, car il était syndicaliste et représentait les étudiants. Il était également élève de Schlemmer et a fait du théâtre et de la géométrie. Il était curieux de tout, un mathématicien, un géographe et même l'inventeur de l'effet photographique "œil de poisson". Pietro Sarto a donc appris à graver avec Flocon et a connu Bachelard grâce à lui. Il compare Flocon à un homme de la Renaissance et à un grand angle tant il touchait à tout, ce qui ne l'empêchait pas d'être drôle. Un jour, Pietro Sarto lui a demandé s'il pouvait diviser un cercle en 17 parties égales : Flocon en a fait un dessin aquarellé. Puis, Pietro Sarto lui a demandé un icosidodécaèdre, dont Flocon a finalement tiré une lithographie magnifique. Flocon lui a enseigné la gravure, mais aussi l'étude de la perspective, notamment curviligne, qui a d'ailleurs comme retombée directe la Géode mise au point par l'Ecole d'architecture de Montpellier.
00:11:31 – 00:12:39 (Séquence 9) : Pietro Sarto a fréquenté assidûment le Louvre pour dessiner Poussin. Il souhaitait apprendre la perspective et voir la peinture : il dessinait Poussin pour copier Cézanne dans les principes de construction. Pietro Sarto a également apprécié la collection Caillebotte.
00:12:44 – 00:14:04 (Séquence 10) : Pietro Sarto parle du choc Courbet, le tableau "L'enterrement à Ornans" l'a beaucoup marqué. Il explique que c'est une rupture culturelle du tableau de genre, il a la dimension d'un tableau d'histoire. Pour Pietro Sarto, Courbet peignait mieux que Le Brun et sa biographie particulière compte dans son affection pour lui.
00:14:09 – 00:15:18 (Séquence 11) : Une des influences de Pietro Sarto est "Les femmes d'Alger" de Delacroix. En étudiant la perspective de l’œuvre, il a réalisé que sous les pieds de la servante noire à droite, il y a une rupture des catelles du plancher. Loin d'être une erreur de perspective, elle est une transgression, vecteur de dynamisme. On la retrouve d'ailleurs dans "Le rocking-chair" de Picasso. Pietro Sarto a compris qu'il fallait assumer et travailler avec le passé.
00:15:24 – 00:16:08 (Séquence 12) : Pietro Sarto parle de sa fréquentation de la Cinémathèque française, avenue de Messine, à Paris, à l'époque de Langlois. C'est là qu'il a découvert réellement l'image moderne, notamment chez Dziga Vertov, dont il fouillait les films. Il a beaucoup regardé Chaplin dont "La ruée vers l'or".
00:16:14 – 00:19:21 (Séquence 13) : Pietro Sarto a étudié au Louvre, vu des films à la Cinémathèque française et suivi les conseils de Flocon. Il a alors l'idée de travailler la perspective curviligne et Freddy Buache fait le lien avec le film "Meurtre dans un jardin anglais" dont la traduction littérale de l’anglais serait "Le contrat du géomètre" de 1989, où il est question de reproduire exactement différents endroits d'un jardin, ceci pour mettre en évidence le fait que la perspective est une fabrication. Pietro Sarto souligne d'ailleurs l'anachronisme d'utiliser un écran suivant la perspective de Dürer à une époque – celle du film – où on utilise la chambre noire. La perspective est de l'ordre de la perception culturelle. Pietro Sarto explique le fonctionnement de la camera oscura et montre l'appareil servant à redresser la perspective et qu'il utilise pour redresser les gravures, originellement à l'envers.
00:19:28 – 00:21:57 (Séquence 14) : Pietro Sarto explique son questionnement de la manière de voir et sa volonté de créer une nouvelle manière de rapporter ce qui est vu sur la toile, notamment grâce à son dialogue contradictoire avec Flocon. La perspective curviligne de Flocon est séduisante mais Pietro Sarto trouve qu'il fabriquait une nouvelle cage, car tout système est une prison et celui de Flocon, encore plus que la perspective albertienne. La différence est de savoir si l'artiste est devant ou dans la nature. Le système de Flocon fonctionne mais est très compliqué et contraignant : Pietro Sarto et lui se sont parfois disputés à ce sujet.
00:22:05 – 00:22:42 (Séquence 15) : Piero Sarto explique que parmi les routes et autoroutes qui mènent d'un point à un autre d'un système, il préfère le sentier. Il considère que seul le voyage est important : c'est ce que permet le sentier.
00:22:51 – 00:23:34 (Séquence 16) : Pietro Sarto parle de son intérêt pour la perspective qu'elle soit curviligne ou albertienne. Celle de Flocon lui permet de montrer ce qui est là mais pour lui, le sensible doit reprendre le dessus. Pietro Sarto préfère l'émotion à la règle et remet donc en question tout ce problème de la perspective.
00:23:43 – 00:26:11 (Séquence 17) : Pietro Sarto explique sa manière d'appréhender la perspective et mentionne Benjamin Perret, surréaliste et ami de Breton, qui a voyagé au Mexique en 1940 et y rencontre un menuisier. Ce dernier lui a construit des meubles en perspective : il ne lisait pas la perspective en tant que telle. Pour Pietro Sarto, la perception de la perspective est récente et il cite à cet égard Abraham Bosse, Dessargues et Pascal qui ont fait progresser la compréhension de la perspective et permis d'inventer des machines comme la caméra. C'est la géométrie de Dessargues que Pietro Sarto met en avant dans la peinture de Le Brun.
00:26:21 – 00:28:30 (Séquence 18) : Pietro Sarto parle de son idée de la perspective culturelle ou culturalisée, qu'il remet en question grâce à l'enseignement de Bachelard, Taton et Flocon. Le cerveau forme une image sur la base d'un système intégré culturellement. Il cite Burkhard qui pensait que tout le monde voyait le monde comme lui. Il y a une différence entre ce que les gens de la Renaissance voyaient et ce que nous voyons actuellement. Par le biais des machines qui donnèrent naissance à la photographie et au cinéma, la perspective des lignes fuyantes s'est répandue. On sait également que les Grecs n'ont pas mis le bleu au programme : ils ne voyaient pas les matériaux bleus comme tels. Pietro Sarto se sert de ces connaissances pour remettre en question les évidences.
00:28:40 – 00:29:53 (Séquence 19) : Pietro Sarto se passionne pour la perspective et explique que lorsqu’on immobilise les six muscles régissant l'œil, celui-ci devient aveugle au bout de quatre secondes. La formation de l'image est en effet impossible et pourtant le corps est toujours capable de saisir une balle au bond, donc il voit toujours. La formation des images est culturelle. Pietro Sarto essaie de faire comprendre cette idée à travers son œuvre. Certaines choses existent sans que nous puissions les voir, car notre système nous interdit de les voir.
00:30:04 – 00:33:05 (Séquence 20) : Pietro Sarto explique sa position entre le fait de connaître les règles et sa sensibilité d'artiste. Pour transgresser les règles, il faut d'abord les connaître et en faire l'expérience : il est alors possible de les dépasser quand elles ne donnent pas satisfaction. Il cite à titre d'exemple Saint-François-d'Assise qui a pu faire vœu de pauvreté parce qu'il était un des hommes les plus riches d'Italie. Pietro Sarto lui-même essaie de procéder avec empirisme à ce niveau. Même s'il est dans la rupture, il avance par essais, d'où sa lenteur en peinture, car il lui faut inventer de nouvelles règles. Pietro Sarto barbouille des années sur 30 tableaux différents et parfois il en sort un tableau. Il fait de la peinture et non pas des tableaux. Jean Lecoultre sait, quant à lui, quand il commence et où il va. Pour Pietro Sarto, la difficulté de cette tâche réside dans le fait que le cerveau humain cherche toujours à mettre de l'ordre dans la réalité en occultant certaines choses.
00:33:16 – 00:35:26 (Séquence 21) : Pietro Sarto parle de Flocon, qui lui a conseillé de retourner en Suisse pour trouver le Lac Léman, les montagnes et les vignes. Cette suggestion a émergé d'une discussion sur la perspective de Léonard de Vinci et de leur différent point de vue. La perspective aérienne est difficilement mesurable comparée à la perspective curviligne de Flocon. Le paysage suisse est un exemple de la perspective aérienne, vu notamment par les peintres du nord descendant à Rome faire leurs études. Le Léman est devenu l'outil de travail de Pietro Sarto. Il est resté en bons termes avec Flocon.
00:35:37 – 00:38:28 (Séquence 22) : Freddy Buache parle de Pietro Sarto, regardant le Lavaux et Chexbres se reflétant dans le Léman. Pietro Sarto mentionne Bachelard, ses cours, et Louis Seguin : le Léman est Bachelardien et il pense toujours à lui quand il travaille. Pietro Sarto insiste sur la dimension temporelle du Lavaux : la perspective associée à la fuite vers le bas. Pietro Sarto revient toujours à cet endroit, le Chemin de la Dame. Les poètes sont avantagés car ils peuvent faire parler le temps, ce que lui, en tant que peintre, ne peut faire. Il cite la phrase "vous êtes ce que nous fûmes" et montre qu'elle couvre tous les temps. Le peintre, lui, maîtrise surtout le futur avec la perspective d'Alberti et doit recourir au symbole pour signifier le passé. Pietro Sarto utilise l'inversion pour mettre du temps dans l'image.
00:38:39 – 00:39:35 (Séquence 23) : Pietro Sarto parle des peintres contemporains et de leur volonté de mettre de l'image dans le temps. Il les caractérise comme faisant de la spéculation. Quand il commence un travail, il veut le mener le plus loin possible : il souhaite mettre du temps dans l'image et non l'inverse. Il n’y a pas d'images fixes dans le cerveau : elle est mouvante donc elle contient déjà du temps.
00:39:47 – 00:42:51 (Séquence 24) : Piero Sarto et Lecoultre ont été invités à la Biennale de Venise en 1970. Il a beaucoup aimé cette aventure et travailler avec Lecoultre, mais moralement, cela a été une épreuve. La Biennale reconstituait le 20e anniversaire de la Deuxième internationale avec des œuvres sur Lénine ou de Rodtchenko et Tatline. Pourtant, Pietro Sarto a eu l'impression d’une tromperie, car on exploitait culturellement et financièrement une révolution et on la faisait garder par la police. Pietro Sarto questionne la démarche et le rôle de l’art contemporain. Il critique également le refus de faire de la peinture pour la Biennale : pour lui, il s'agit de terrorisme intellectuel.
00:43:03 – 00:43:53 (Séquence 25) : Pietro Sarto parle de l'art contemporain, qu'il critique : cet art fait des objets pour les musées et est un champ clos. Il refuse cette pratique. Il aime dire non. Il souligne qu’on reproche à une certaine génération de jeunes dans la rue de ne pas avoir de programme. Ces jeunes disent non à un système qu'ils trouvent injuste. Il trouve cela heureux et il en est solidaire.
00:44:06 – 00:45:26 (Séquence 26) : Pietro Sarto parle d'Antigone et de son "non" qu'il revendique comme le fait de mettre du désordre même si cela est critiqué par la raison d'Etat. Il cite les grands peintres exclus du discours de l'art contemporain comme Bram Van Velde. Pietro Sarto se sent solidaire de ces gens hors du système, depuis Morandi.
00:45:40 – 00:46:05 (Séquence 27) : Générique de fin du Plans-Fixes consacré à Pietro Sarto, peintre et graveur, tourné à Lausanne le 15 juillet 2003.
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