Jean Ziegler (Sociologue. Une parole insoumise)

  • français
  • 2006-10-13
  • Durata: 00:48:31

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Descrizione

Né à Thoune, Jean Ziegler vit une enfance heureuse dans une famille bourgeoise jusqu'au choc que lui procure la vue des enfants placés. Cette prise de conscience de l'inégalité sociale le révolte. En rupture avec sa famille, à 18 ans, il part pour Paris où il poursuit ses études. Il y rencontre le groupe des jeunesses communistes "Clarté" et Jean-Paul Sartre. Son livre "Une Suisse au-dessus de tout soupçon" écrit suite à son séjour au Congo, dénonce le pouvoir bancaire suisse. S'ensuit une levée de boucliers : Ziegler est désigné comme l'ennemi public, celui qui diffame son pays. Cela lui vaudra une série de procès. Pour lui, être intellectuel n'a pas de sens si la pensée ne s'incarne pas et ne se met pas au service de l'autre. Aujourd'hui, il est rapporteur spécial à l'ONU pour le droit à l'alimentation.

00:00:00 – 00:00:09 (Séquence 0) : Générique de début du Plans-Fixes consacré à Jean Ziegler, sociologue, et tourné à Russin le 13 octobre 2006. L'interlocuteur est Richard Labévière.
00:00:09 – 00:01:00 (Séquence 1) : L'interlocuteur, Richard Labévière, parle d'une photographie illustrant une rencontre entre Hugo Chavez et Jean Ziegler. Elle montre la continuité d'une amitié intellectuelle et politique. Jean Ziegler a eu l'occasion de rencontrer également Che Guevara et de l'accueillir à Genève. Celui-ci lui aurait dit qu'il se trouvait à Genève dans le cerveau du monstre et qu'ici il devait lutter. L'interlocuteur estime que cette photographie illustre la permanence et la continuité du travail de Jean Ziegler comme intellectuel et penseur engagé.
00:01:00 – 00:01:09 (Séquence 2) : Générique de début du Plans-Fixes consacré à Jean Ziegler, sociologue, et tourné à Russin le 13 octobre 2006. L'interlocuteur est Richard Labévière.
00:01:10 – 00:02:12 (Séquence 3) : L’interlocuteur souligne que la vie politique et intellectuelle de Jean Ziegler se caractérise par un engagement radical et construit. Jean Ziegler est interrogé sur le choix de sa carrière. Il dit avoir eu une vie banale. Il est né à Thoune dans une famille bourgeoise. Il a eu une enfance heureuse. Sa mère était fille de paysan et était d'une grande vitalité. Son père était au contraire introverti, un alpiniste très solitaire et il était fils d'un médecin de campagne. Il était juge et colonel. Il paraissait être assimilé au système.
00:02:14 – 00:04:00 (Séquence 4) : Jean Ziegler craignait dès l'âge de 12-13 ans de reproduire le modèle familial. Il est pour lui difficile de caractériser cette vie : c'était une jeunesse heureuse, pourtant il y avait quelque chose qui lui était insupportable. Il sait qu'il était aimé et que ses parents s'aimaient. Il avait une petite sœur. Il voyait les enfants des familles pauvres placés dans les familles riches. Le jeudi, lorsque le marché au bétail avait lieu à Thoune, il croisait les enfants pauvres en revenant de l'école et il ressentait l’injustice. Son père lui disait que la vie était faite ainsi et que lui devait continuer à être brave et travailleur. Jean Ziegler a été révolté par ce monde bétonné et immuable.
00:04:02 – 00:05:28 (Séquence 5) : Jean Ziegler est invité à parler des éléments qui ont influencé son éloignement du modèle social. Il raconte une anecdote relative à l'usine métallurgique Selve de Thoune qui a fait faillite avec la globalisation. Jean Ziegler se souvient que les ouvriers avaient des gamelles accrochées au guidon de leurs vélos. Jean Ziegler voyait une inégalité totale et son père n'avait pas de réponse au monde. Son père était protestant calviniste, mais pas très croyant. Il était juge. Il décrit son père comme un homme magnifique et complexe. Jean Ziegler s'est révolté contre lui, car il n’avait pas de réponse à lui donner sur les injustices. Il s'est rendu compte plus tard qu'il avait été injuste envers son père et il s'en veut encore aujourd'hui. Il souligne qu'il est difficile de se parler entre Bernois. Jean Ziegler a pu s'excuser auprès de son père pour les blessures qu'il lui avait infligées, lorsque celui-ci avait 82, soit deux ans avant sa mort. Jean Ziegler ne souhaite pas trop s'étendre sur cette histoire, car c'est encore douloureux pour lui. Jean Ziegler sait qu'il s'est très mal comporté : il a insulté son père et il est parti de la maison. Cette blessure a mis longtemps à se cicatriser.
00:05:30 – 00:08:06 (Séquence 6) : Jean Ziegler pense que dans sa vie il a été accompagné par la providence. A la suite de la rupture avec sa famille, il sait qu'il aurait pu glisser dans la marginalité, mais il a réussi à devenir quelqu’un. Il s'est rendu à Paris où il a gagné sa vie en travaillant aux Halles, en portant les cageots de légumes. Il a commencé des études en sciences politiques. Il pense avoir toujours gardé en lui cette morale protestante, "ora et labora", faire son devoir et travailler chaque jour : il travaillait la nuit et étudiait la journée. Il habitait à la rue Saint-Guillaume à Paris. A son arrivée à Paris, il a fait deux rencontres fondamentales : le groupe Clarté universitaire et Jean-Paul Sartre. Le groupe Clarté regroupait la jeunesse communiste qui publiait un journal du même nom, il était actif contre la guerre d'Algérie. Ce mouvement était en rupture avec le Parti et le bureau politique. Par le biais de ce groupe, Jean Ziegler a fait la connaissance de Jean-Paul Sartre, de Simone de Beauvoir et de Pontalis. Il était admis le jeudi après-midi aux séances de rédaction du "Temps moderne", qui se déroulaient chez la mère de Sartre, au 42 rue Bonaparte. Jean Ziegler était surpris et content d'être accepté parmi ce groupe, il s'asseyait au fond de la salle et écoutait. Jean Ziegler décrit Sartre comme un homme chaleureux et modeste. Ils ont discuté ensemble sur diverses problématiques. La veille de cet entretien, qui se déroule en octobre 2006, Jean Ziegler précise qu'il s'est rendu sur la tombe de Sartre au cimetière Montparnasse et qu'il était ému.
00:08:09 – 00:10:39 (Séquence 7) : L'interlocuteur demande à Jean Ziegler de parler de ce qui a guidé ses choix intellectuels et influencé ses engagements politiques. Avant de répondre à cette question, il explique qu'il est sociologue et que dès le début des études de sociologie les étudiants apprennent à étouffer la subjectivité afin de créer une distance maximale avec leur objet et de garder une objectivité scientifique. Il a compris avec du recul que les choix fondamentaux de sa vie comme sa participation au groupe Clarté étaient infraconceptuels et qu'ils correspondaient à un désir profond. Il explique que la raison analytique fonde l'existence des intellectuels, mais qu'en réalité ils réagissent en fonction de leurs pensées et de leurs émotions. Sartre a enseigné à Jean Ziegler la solidarité. Les activités du groupe Clarté ne se passaient pas à Saint-Germain-des-Prés, mais dans les banlieues, car le groupe transportait des fonds. Jean Ziegler a été marqué par le dévouement des Algériens qu'il a rencontrés. Il a déclaré à plusieurs reprises avoir perdu son passeport suisse, pour pouvoir le donner au réseau. Jean Ziegler estime que c'est à cette époque que les choses se sont décidées dans sa vie.
00:10:43 – 00:14:09 (Séquence 8) : La publication du livre "Une Suisse au-dessus de tout soupçon" en 1976 a fait connaître Jean Ziegler au grand public. Cet ouvrage a marqué la rupture avec ses travaux de jeunesse et a inauguré une sociologie d'intervention. Il a été vendu à plus d'un million d'exemplaires dans le monde entier. Ce livre a bouleversé la vie de Jean Ziegler, socialement et intellectuellement, et a fixé dans l'opinion publique une image négative de la Suisse. Il explique les circonstances de la naissance du projet de ce livre. A Paris, quand Clarté a été dissoute et qu'il a été expulsé du Parti communiste français, il a pris le premier emploi qu'il pouvait avoir. Il s'est rendu comme employé de l'ONU au Congo après l'assassinat de Lumumba. En arrivant dans le pays, il s’est heurté aux assassinats, à la trahison et à l'horreur. Il précise qu’il n'a pas le temps de donner des exemples des événements dans cet entretien. Il a rapidement compris que les richesses du Congo partaient en Europe et que les capitaux en fuite du dictateur Mobutu et des complices se trouvaient dans les banques genevoises ou zurichoises. L'image de la Suisse bancaire était cependant totalement intacte : les banquiers étaient de grands humanistes qui avaient aidé les juifs pendant la guerre, alors que c'était le contraire. Jean Ziegler souligne qu’il éprouve des difficultés à expliquer la situation 30 ans après. Il a souhaité remonter aux causes de la fuite des capitaux et avec un peu d'imprudence, il a retracé le cheminement de l'argent du sang. Il considérait que c'était sa tâche de réveiller les consciences et de montrer la réalité des puissances des banques. Avec l'aide de sa femme Erica, il a écrit ce livre qui a eu un impact inattendu.
00:14:13 – 00:15:53 (Séquence 9) : Le livre de Jean Ziegler n'était pas une commande. A son retour du Congo, Jean Ziegler s'est entretenu avec Sartre qui lui a conseillé d'écrire les faits. Il précise qu’en Europe on connaissait peu la réalité des autres continents, car il régnait un ethnocentrisme européen, même de la part des intellectuels révolutionnaires. Sartre a écrit la préface du livre à la pensée des textes posthumes de Patrice Lumumba et de celle du livre "Les Damnés de la Terre". Il s'était donc plongé dans l'œuvre de Fanon et dans la vie de Lumumba. Il s'intéressait aux choses que Jean Ziegler avait vues au Congo. Jean Ziegler éprouvait la nécessité morale de raconter l'origine des puissances bancaires helvétiques et les conséquences, en Afrique centrale et ailleurs dans le monde, de la fuite des capitaux. Il précise que la Suisse était le deuxième pays le plus riche par revenu par tête d'habitants grâce au secret bancaire et à la libre convertibilité.
00:15:57 – 00:17:22 (Séquence 10) : Le livre de Jean Ziegler dénonçait le blanchiment d'argent et le crime organisé. Il a été publié par les éditions le Seuil et a eu un retentissement mondial. On l'interroge sur sa vie après la publication. Jean Ziegler a eu un long entretien avec Olivier Todd qui a été publié dans l'Observateur. Sartre avait certainement suggéré à Todd, marié à la fille de Nizan, de réaliser cet interview. La collection Combat des éditions le Seuil, qui clôturait le livre d’Olivier Bétourné, lui a conseillé d'écrire ce livre. Les retombées du livre ont été disproportionnées. Jean Ziegler a été désigné comme un ennemi public qui osait s'attaquer au fondement de la Suisse et diffamer son pays. Il a reçu des menaces de mort et a eu des procès. Mais grâce à sa position, il pouvait riposter.
00:17:27 – 00:20:22 (Séquence 11) : On a reproché à Jean Ziegler de tourner le dos à son pays. Il estime que c'est parce qu'il aimait son pays, qu'il a osé dénoncer les erreurs et les errances de son pays. Il est resté fidèle à la lutte de classes, à une vision anti-impérialisme. Il a été marqué par sa formation communiste. Il voulait être la voix des gens qui ne l'avaient pas, comme les enfants mourant au combat. Il pense avoir eu un grand privilège d'être né en Suisse, d'avoir bénéficié de protections démocratiques, de la liberté d'expression, d'avoir reçu le soutien de grands éditeurs. Comme Saint-Exupéry l’a écrit : "Il n'y a pas de commune mesure entre la lutte libre et l'écrasement dans la nuit", Jean Ziegler avait choisi la lutte libre. Avec la publication de livres interventionnistes comme "la Suisse au-dessus de tous soupçons", les autres livres de Jean Ziegler sont passés au second plan. En tant que sociologue, il a écrit des textes plus scientifiques tels que "Les rebelles", un texte sur la sociologie des mouvements nationaux, ou "Les vivants et la mort", un travail sur la sociologie de la mort. La majorité des gens le connaît pour ses livres d'interventions. La sociologie est un mouvement de libération. Il est un intellectuel au service du mouvement populaire, comme Bourdieu ou Debray. Avec les livres interventionnistes, la perception des gens a changé : on considérait Jean Ziegler comme un polémiste, un auteur partisan et son œuvre scientifique a été oubliée.
00:20:27 – 00:21:43 (Séquence 12) : La sociologie d'intervention caractérise Jean Ziegler. Il passait régulièrement de la chaire d'Université à la tribune du Conseil national ou à celle de l'Internationale socialiste où il représentait la Suisse. On lui demande comment il a géré cette dualité. Avant d'aborder cette question, il s'exprime sur l'Université. Il trouve que c'est une institution fabuleuse, c'est un espace de liberté où l'on est payé pour penser. La majorité de sa vie d'adulte, il a été payé pour penser, pour enseigner et pour diriger des thèses et avoir des activités qui sont l'incarnation de la liberté. L'Université de Genève avec son tissu international et son équipement lui a permis d'écrire des livres et d'avoir un réseau de connaissances. Il s'intéressait au mouvement de libération du Tiers-Monde.
00:21:48 – 00:25:21 (Séquence 13) : L'interlocuteur rappelle que les premières missions de Jean Ziegler pour les Nations Unies se sont déroulées en Afrique et en Amérique latine. Il a pu avoir de nombreux et importants contacts avec les mouvements de libération du Tiers-monde. Son livre "Rebelles" porte notamment la voix des Erythréens, des Sahraouis, des sandinistes. Il cite des chiffres sur la population planétaire et sur la natalité et la mortalité : 6,2 milliards d'humains sur terre, 4,4 milliards d'humains dans l'hémisphère sud, 153 naissances par minute dont 117 dans les pays du sud. Il raconte le déroulement d'une de ses missions à Ziguinchor, dans le sud du Sénégal. Il devait rencontrer Cabral. Il savait que pour aller le voir il devait emprunter des sentiers minés, il n'était pas rassuré. Jean Ziegler adhérait aux valeurs des Lumières : la solidarité et la justice sociale. Il attaquait les puissants par ses écrits sans risquer sa vie. Les gens des mouvements de libération lui ont montré "l'incarnation" des valeurs, car ils luttaient et mourraient pour les défendre, comme Ché Guevara le 8 octobre 1967 à la Higuera. Jean Ziegler était certain que si l’on coupait la main du capitalisme et de l'impérialisme pour arrêter l'exploitation des peuples et des richesses du Tiers-Monde, la révolution deviendrait possible à Genève, à Paris, à Berlin.
00:25:27 – 00:27:25 (Séquence 14) : Jean Ziegler a accordé beaucoup d'importance à l'Internationale socialiste. A l'époque où Willy Brandt présidait l'organisation, l'Internationale socialiste aidait et protégeait les mouvements de libération nationale. Willy Brandt avait lutté contre le fascisme dès son adolescence. Il ne connaissait pas les problèmes de l'Amérique centrale, mais si on lui avait expliqué la situation, il aurait souhaité aider les victimes. L'organisation a aidé financièrement et diplomatiquement des mouvements. Jean Ziegler a participé à l'aventure de solidarité dont l'acteur était le bureau de l'Internationale socialiste.
00:27:31 – 00:29:24 (Séquence 15) : L’interlocuteur demande à Jean Ziegler comment il transpose son expérience du terrain et de la politique à son enseignement. Il ignore si son enseignement porte des fruits. Un proverbe wolof dit qu'on ne connaît pas les fruits des arbres qu'on plante. Il pense que le métier de professeur est l'un des plus beaux métiers. Il estime qu'un intellectuel ne peut pas trop réfléchir sur les effets de sa parole sur les étudiants et doit croire qu'il a pu transmettre quelque chose. Il a des preuves que parfois des choses passent. Il a essayé de transformer ses expériences en concepts analytiques pour ses enseignements. Sous sa responsabilité, diverses thèses ont été réalisées par des Africains ou des Latino-Américains qui sont devenus des livres importants dans leur pays.
00:29:30 – 00:30:21 (Séquence 16) : Jean Ziegler explique que les fraternités de la nuit ont comme point de référence les mouvements populaires. L'abolition de la féodalité le 4 août 1789 et le début de l'instauration de la République française constituent la référence. Le président Bouteflika ou les chefs de la révolution cubaine sont des enfants des Lumières. Jean Ziegler a toujours souhaité diffuser ces valeurs.
00:30:28 – 00:34:51 (Séquence 17) : Les interventions de Jean Ziegler ont eu diverses répercussions sur sa vie : procès à répétition, campagnes de presse, dénigrements, menaces. Il ne se considère pas comme un héros, il est un petit-bourgeois intellectuel. Il a toujours souhaité être au service des victimes dont il parlait dans son livre. Les réactions ont été disproportionnées surtout lorsqu'on l'a associé à un ennemi de la Suisse. Des pouvoirs institutionnels se sont coordonnés pour le faire taire : de grandes banques suisses avec quelques autres groupements politico-financiers ont décidé de le faire taire par le moyen financier. Il a été porté en justice et il a été à plusieurs reprises condamné. Dans son livre "Une Suisse au-dessus de tout soupçon", Jean Ziegler a parlé de Hans W. Kopp sous le terme de vautour. Celui-ci a prouvé que ce terme avait ruiné son cabinet d'avocat et qu'à cause de ce surnom il avait perdu des honoraires. Par la suite, cet homme a été condamné à Zurich pour escroquerie. Sa vie de famille a également pâti de la situation. Jean Ziegler a été marié deux fois : sa première femme a pris des coups, mais est restée solidaire et sa deuxième femme, Erica, a beaucoup travaillé avec lui sur les livres. Il a perdu beaucoup de temps avec les procès, mais en même temps ils étaient un moyen de combats contre par exemple Gaon ou Safra. Jean Ziegler était entouré de bons avocats comme David Lachat, et Nils de Dardel. L'écrivain Georges Bernanos a dit que "Dieu n'a pas d'autres mains que les nôtres, ou bien c'est nous qui changeons ce monde ou bien ce n’est personne". Jean Ziegler avait compris que les livres et la parole seraient des armes. Il n'a jamais pensé que le prétoire en serait une également.
00:34:59 – 00:35:20 (Séquence 18) : Jean Ziegler explique qu'il se sent toujours au service des populations. Quand il revient d'une mission des Nations Unies, il ressent leurs attentes et leurs besoins.
00:35:28 – 00:37:19 (Séquence 19) : La fin des années 1980 marque un grand basculement géopolitique avec la chute du mur de Berlin. L'interlocuteur se souvient avoir vu l'ancien secrétaire du parti du travail suisse, Armand Magnin bouleversé par la nouvelle. On demande à Jean Ziegler quelles ont été les conséquences de cette coupure historique sur son travail et sur sa vie. Jean Ziegler et l'interlocuteur de cet entretien, Richard Labévière, ont écrit ensemble un livre sur ce thème : "A demain Karl : pour sortir de la fin des idéologies". Richard Labévière qui travaillait à la télévision a signé sous le pseudonyme Uriel da Costa en référence à Spinoza. Jean Ziegler pense que la chute de l'Union soviétique ne constitue pas la fin de l'espérance, ni la défaite de leurs valeurs, il dirait : "à demain Karl, nous avons perdu, mais nous n'avons pas été vaincus". Il précise que jusqu'en 1991 en homme sur trois vivait sous un régime communiste et que c’était une dictature vermoulue. La disparition de la polarité a ébranlé les mouvements de libération et a ouvert sur un capitalisme sauvage. La globalisation est le terrorisme au quotidien : 100000 personnes meurent de faim tous les jours ; toutes les 7 secondes, un enfant de moins de 10 ans meurt de faim. Jean Ziegler souligne que le combat continue sur les mêmes bases.
00:37:28 – 00:38:59 (Séquence 20) : Jean Ziegler est interrogé sur ses doutes et ses regrets. Il pense que publiquement, on ne peut jamais avoir des regrets. Il a cependant longtemps été très découragé. Karl Marx disait que le révolutionnaire doit être capable d'entendre pousser l'herbe. Jean Ziegler pense que l'herbe pousse et qu’il y a une nouvelle résistance : l'exemple en est Porto Alegre, la nouvelle société civile planétaire. Jean Ziegler s'est rendu à Porto Alegre pour le troisième congrès mondial. Il y avait 150000 personnes qui représentaient 8000 mouvements sociaux tels que le mouvement ATTAC, le Mouvement des paysans sans terre du Brésil, la Via Campesina. Il pense que la fraternité de la nuit qu'il a évoquée précédemment se concrétise par un esprit de résistance contre la sauvagerie capitaliste, contre la barbarie mercantile.
00:39:08 – 00:40:24 (Séquence 21) : Jean Ziegler est devenu rapporteur aux Nations Unies. L’interlocuteur lui demande pourquoi il est retourné aux Nations Unies. Il pense que c'est la providence qui l’a conduit dans cette organisation. En septembre 2000, la Commission des droits de l'homme, et le secrétaire général des Nations Unies cherchaient un rapporteur spécial pour le nouveau droit à l'alimentation. Jean Ziegler avait publié un livre "La faim dans le monde raconté à mon fils" qui avait été traduit dans plusieurs langues. Il était l'un des candidats à ce poste. Lorsque Koffi Annan a demandé à Berne leur avis sur cette postulation, Adolph Ogi, de l'UDC et le président de la Confédération Joseph Deiss, du PDC, ont appuyé sa candidature en disant que c'était un honneur pour la Suisse. Après diverses procédures, il a été nommé le premier rapporteur des Nations Unies pour le droit à l'alimentation.
00:40:34 – 00:42:27 (Séquence 22) : Jean Ziegler continue de chercher à faire avancer les causes en témoignant des situations de malnutrition et de faim. Il sait que le succès est limité, car la faim dans le monde augmente : 852 millions de personnes souffrent de sous-alimentation grave et permanente, toutes les 7 secondes un enfant de moins de 10 ans meurt de faim. Les marxistes allemands de l'école de Frankfurt, Horkheimer, Walter Benjamin, Theodor Adorno, Marcuse, ont la vision de la double histoire. Il y a l'histoire effective et visible et celle invisible, au niveau de la conscience et de l'eschatologie. La misère augmente dans le monde. Jean Ziegler cite des chiffres : les 500 plus grandes sociétés multinationales contrôlent environ 52 % des richesses produites dans le monde. La conscience de la justice exigible augmente. Les droits de l'homme permettent de fixer un niveau d'exigence, une normativité. La tribune des Nations Unies favorise la transparence.
00:42:38 – 00:45:24 (Séquence 23) : L'interlocuteur souligne que le système des Nations Unies est en crise. L'interlocuteur demande à Jean Ziegler comment poursuivre le travail dans une institution multilatérale en crise. Jean Ziegler est d'accord avec l'interlocuteur sur les doutes et les critiques du système. Dans cette immense bureaucratie, il a rencontré des truands, mais aussi des gens lumineux, comme Sergio de Mello qui a perdu la vie en août 2003 en Irak avec 26 de ses collaborateurs. Il apprécie le travail de Kofi Annan. Il considère que la Charte de 1945 et la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948 sont les fondements de la civilisation. Il est nécessaire de défendre la Chartre, la sécurité collective, l'aide au développement, la justice sociale et les droits de l'homme. Le monde est en crise : l'empire américain menace l'humanité. Le régime Bush a rétabli la torture, la guerre préventive, il a violé tous les droits de l'homme et il a accéléré le retour à féodalisation du monde par le biais de la main mise sur les ressources naturelles et les peuples. Jean-Jacques Rousseau disait qu'entre le faible et le fort, c'est la loi qui libère, et la liberté qui opprime. Jean Ziegler rappelle que c'est l'affaire de tous, comme le fixe la Charte, "Nous, les peuples des Nations Unies", d'affirmer les droits de l'homme, d'augmenter l'exigence de la conscience collective mondiale.
00:45:35 – 00:47:41 (Séquence 24) : L'interlocuteur signale que Jean Ziegler a écrit un rapport sur la malnutrition et la faim au Liban après une guerre israélo-libanaise. L’interlocuteur interroge Jean Ziegler sur l'enseignement de ce rapport et sur sa dernière mission au Liban. Il explique qu'un nouveau Conseil des droits de l'homme a succédé à la Commission des droits de l'homme des Nations Unies. La diplomatie suisse et Micheline Calmy-Rey ont contribué à la création de ce conseil. Jean Ziegler a pu défendre devant cette commission son rapport sur le Liban. Il cite Blaise Pascal : "l'homme est un néant capable de Dieu". L'homme est capable de penser à l'infini, à l'histoire, à Dieu. Jean Ziegler est impuissant par rapport aux situations qu'il décrit et aux exigences qu'il formule. Il se heurte à la raison d'Etat des plus puissants qui trahit les victimes. Le mystère de son impuissance est aussi une puissance. Jean Ziegler conclut que c'est miraculeux de vivre.
00:47:53 – 00:48:18 (Séquence 25) : Générique de fin du Plans-Fixes consacré à Jean Ziegler, sociologue, et tourné à Russin le 13 octobre 2006.
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