Tikhon Troyanov (Un avocat russe à Genève)

  • français
  • 2011-10-11
  • Durata: 00:49:12

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Descrizione

Il naît en 1932 à Belgrade dans une famille d’émigrés russes qui ont dû quitter leur pays natal après les bouleversements de 1917. L’arrivée de l’Armée rouge en Serbie en 1944 contraint les Troyanov à un second exil et c’est la Suisse qui devient leur pays d’accueil. Tikhon étudie le droit à l’Université de Lausanne, puis travaille à Radio Svoboda (Liberty) à Munich et New York où il rencontre beaucoup de personnalités emblématiques de l’émigration russe. Au bout de cinq ans, il revient à Lausanne, soutient une thèse de doctorat sur la nature juridique des conventions collectives de travail en URSS, ouvre ensuite, avec un ami, une étude d’avocat à Genève et devient un des rares juristes occidentaux spécialisés en droit soviétique. A la fin des années 80, Tikhon Troyanov fait son premier voyage en Russie. En 1992, il ouvre à Moscou une succursale de son étude et y travaille 14 ans. Il participe, en tant que juriste, à l’organisation, à Moscou, de la Maison de l’Emigration russe, fondée par Alexandre Soljenitsyne.

00:00:00 – 00:00:08 (Séquence 0) : Générique de début du Plans-Fixes consacré à Tikhon Trojanov, avocat russe à Genève, et tourné à Chêne-Bougeries, le 11 octobre 2011. L'interlocutrice est Nadia Sikorsky.
00:00:08 – 00:01:04 (Séquence 1) : L'interlocutrice explique que Tikhon Trojanov est le descendant d'une famille de la noblesse russe qui compte beaucoup de personnages célèbres : Vassili Tatichev, historien, géographe et homme d'Etat auteur du premier ouvrage complet d'histoire russe, Alexandre Chichkov, amiral héros de la guerre de 1812 et président de l'Académie russe. Tikhon Trojanov est né à Belgrade, il a passé la majeure partie de sa vie en Suisse mais a toujours conservé un lien avec la Russie.
00:01:04 – 00:01:15 (Séquence 2) : Générique de début du Plans-Fixes consacré à Tikhon Trojanov, avocat russe à Genève, et tourné à Chêne-Bougeries, le 11 octobre 2011. L'interlocutrice est Nadia Sikorsky.
00:01:15 – 00:02:22 (Séquence 3) : L'interlocutrice interroge Tikhon Trojanov sur les raisons qui ont poussé ses parents à s'installer en Yougoslavie ainsi que sur leurs activités professionnelles. Il explique que son père est alors engagé dans l'armée de Piotr Nikolaïevitch Wrangel dans la flotte de la Mer Noire. Il quitte la Russie pour Constantinople en 1920, puis s'établit par la suite à Belgrade où il étudie la théologie. Quant à sa mère, elle quitte l'Union soviétique en 1924 pour aller en Estonie avec ses parents où vit sa sœur. Puis elle déménage à Belgrade où elle fait la connaissance du père de Tikhon Trojanov. Ils se marient et de leur union naît Tikhon Trojanov ainsi que sa sœur trois ans plus tard. Il explique qu'il est ainsi le produit de la Révolution, puisque sans celle-ci ses parents ne se seraient jamais rencontrés.
00:02:22 – 00:03:08 (Séquence 4) : L'interlocturice interroge Tikhon Trojanov à propos des différences entre l'émigration russe de Paris ou de Belgrade. Il explique que celle de Paris était plus intellectuelle et libérale-démocrate, alors qu'à Belgrade elle était plus patriotique et conservatrice. C'est pourquoi on parle aujourd'hui plus de Paris qui a réuni le fruit de grandes ressources intellectuelles qu'on ne trouvait pas à Belgrade.
00:03:09 – 00:05:33 (Séquence 5) : L'interlocutrice rappelle qu'à sa connaissance Tikhon Trojanov est le seul émigré russe à avoir traversé les Alpes à pied. Il répond qu'il n'est pas le seul, puisque Hannibal est également arrivé en Suisse avec ses éléphants. L'avocat raconte qu'il était avec sa famille en Autriche et qu'ils craignaient de tomber aux mains des troupes soviétiques car les Alliés auraient pu les livrer aux représentants soviétiques. Son père craignait d'être arrêté par les forces soviétiques à cause de sa participation au mouvement Blanc. La famille décide donc de passer d'Autriche en Suisse clandestinement. Ils attendent le moment où la surveillance allemande à la frontière cesse, afin de pouvoir partir au hasard dans les Alpes. Ils partent sans équipement ni expérience, avec une grand-mère âgée de plus de 80 ans et paralysée. Ils marchent dans les Alpes pendant 5 jours. L'avocat explique qu'ils ont eu de la chance puisqu'il a fait beau, ils parviennent ainsi au bout de cinq jours en Suisse, où la famille a été bien accueillie. Depuis il vit en Suisse avec sa famille. Tikhon Trojanov explique qu'ils ont refait la même expérience il y a quelques années avec sa famille actuelle et que c'était une curieuse expérience de voir les mêmes Alpes et les mêmes cols avec un autre point de vue.
00:05:35 – 00:06:38 (Séquence 6) : Tikhon Trojanov explique qu'il se sent le produit d'une intégration réussie puisqu'il a le privilège d'appartenir à deux cultures, ce qui est - bien que parfois difficile - très intéressant. Il dit à la fois se sentir chez lui en Suisse et à la fois sentir ses racines russes, puisqu'il a travaillé avec la Russie et la langue russe. Il évoque son amour de la culture et de la littérature russe. L'avocat genevois explique qu'on peut être très bien intégré en Occident tout en restant russe.
00:06:40 – 00:08:20 (Séquence 7) : Tikhon Trojanov est invité à parler de sa famille. Il explique avoir eu beaucoup de chance. Il fait connaissance avec sa femme il y a 60 ans à Lausanne, ville où il étudie. Ils se marient quelques années plus tard. Son épouse fait preuve de dévouement, puisqu'elle suit son mari dans ses déplacements en Allemagne, en Russie, et aux Etats-Unis où ils vivent quelque temps. Lors de leur séjour en Russie certains disaient qu'elle était comme ces femmes de Décembristes qui ont tout abandonné pour suivre leur mari en exil en Sibérie. Le couple déménage en Russie au début des années 90, un contexte qui pour une Suissesse n'était pas facile. Le couple a deux fils: l'aîné est avocat, il travaille à Genève et a beaucoup de clients russes et le cadet est professeur de mathématiques à l'EPFL. Tikhon Trojanov explique qu'ils sont une famille unie depuis de nombreuses années.
00:08:23 – 00:08:42 (Séquence 8) : Invité à évoquer les liens de ses enfants avec la culture russe, Tikhon Trojanov explique que son fils aîné manifeste un intérêt pour la culture russe, puisqu'il travaille avec des clients russes et se rend souvent pour son travail en Russie.
00:08:45 – 00:10:43 (Séquence 9) : L'interlocutrice explique qu'après ses études de droit, Tikhon Trojanov a travaillé comme journaliste à Radio Liberty. A l'époque cette antenne était considérée comme anti-soviétique, la journaliste lui demande alors s'il l'est toujours. L'avocat répond qu'il est antisoviétique, au sens où il considère le régime soviétique comme une véritable tragédie pour la Russie, et que le pays en subit encore aujourd'hui les conséquences. Il explique que beaucoup des maux actuels sont liés à la période soviétique et aux difficultés de surmonter ses séquelles. L'avocat raconte avoir travaillé quelques années à Radio Liberty, d'abord à Munich comme rédacteur du journal, puis à New-York où il était correspondant auprès des Nations Unies. Il se souvient d'un travail très intéressant et utile. Il apprend plus tard en Russie qu'ils ont été écoutés en Union soviétique ce qui permettait aux gens d'être au courant de ce qui se passait en Occident. Il a rencontré beaucoup de gens intéressants par le biais de son travail à la radio, en particulier de vieux émigrés russes. Ensuite, l'avocat dit avoir continué à s'intéresser à ce qui se passe en Russie et a pris une part active à cette vie.
00:10:47 – 00:12:36 (Séquence 10) : Après Munich et New York, Tikhon Trojanov revient à Lausanne où il soutient sa thèse sur un sujet curieux pour l'époque: De la nature juridique des conventions collectives de travail en URSS. L'interlocutrice demande à l'avocat la raison du choix de ce sujet. Tikhon Trojanov répond qu'il a toujours été intéressé à connaître la Russie de son époque; ayant fait ses études de droit à Lausanne et ayant l'intention d'écrire une thèse on lui propose ce sujet, qui lui paraît intéressant. Cela le conduit à étudier les textes de lois soviétiques, ainsi que le droit soviétique en général, ce qui représente un immense travail. Ce travail s'est avéré utile au moment où il a commencé à exercer comme avocat à Genève avec la Russie. Il était l'un des rares juristes à connaître dans les détails le droit soviétique et russe. Cela lui a permis de connaître les termes juridiques, ce qui reste important pour lui.
00:12:40 – 00:14:09 (Séquence 11) : Tikhon Trojanov se souvient que lorsqu'il a commencé à chercher un directeur de thèse à l'Université de Lausanne pour ce sujet qui intéressait à l'époque peu de monde, il contacte le professeur Henri Zwahlen, qui est devenu par la suite Juge fédéral. Le professeur manifestait de l'intérêt pour ce thème puisqu'en travaillant au Bureau international du travail il a eu affaire à des conventions collectives soviétiques. Il était très étonné que dans un pays où la loi dictait tout, des contrats collectifs puissent exister. Il accepte donc de diriger sa thèse. Tikhon Trojanov pensait que puisque personne d'autre ne proposerait ce sujet, son professeur pourrait s'investir et l'aider dans son travail.
00:14:13 – 00:16:06 (Séquence 12) : L'interlocutrice rappelle qu'après avoir soutenu sa thèse, Tikhon Trojanov ouvre la première étude à Genève à laquelle pouvaient s'adresser des clients russophones. Les clients russes étaient rares à l'époque. L'interlocutrice lui demande s'il se souvient de son premier client. Tikhon Trojanov se souvient qu'il marchait avec sa femme dans la rue principale de la station de Saint-Moritz, un couple parlant russe les suivait, le sol était verglacé. Quand la jeune femme arrive à sa hauteur, elle glisse, l'effleure et demande pardon en russe, l'avocat lui répond en russe. Elle se retourne et lui demande s'il parle russe, celui-ci répond : Bien sûr! Elle rattrape son mari et lorsqu'ils s'approchent du couple, le mari lui demande qui il est. Tikhon Trojanov répond qu'il est avocat à Genève. Ce dernier, surpris, lui dit qu'il a besoin à tout prix d'un avocat suisse qui parle russe, puisqu'il commence à travailler avec la Suisse. Il devient ainsi son premier client. Par la suite, il l'invite en Russie, le présente à d'autres clients. Tikhon Trojanov décrit sa rencontre avec son premier client comme curieuse puisqu'ayant eu lieu sur une "patinoire".
00:16:11 – 00:18:02 (Séquence 13) : L'interlocutrice demande à Tikhon Trojanov s'il aurait imaginé, traversant les Alpes en 1945, ouvrir 50 ans plus tard une succursale de son étude à Moscou. L'avocat répond que bien sûr il ne pouvait l'imaginer. Tikhon Trojanov et ses associés ouvrent en effet en 1962 une filiale de leur étude à Moscou. Ils étaient la première étude d'avocat suisse à ouvrir à Moscou. Ils sont ainsi devenus les avocats de l'Ambassade suisse et se sont mis au service des clients suisses et russes. Tikhon Trojanov garde le souvenir d'un travail intéressant. Il explique qu'en fait c'est en 1988 qu'il se rend pour la première fois en Russie. Il se souvient d'un voyage agréable et passionnant. Sa femme et lui ont habité en Russie pendant 14 ans. Il s'est rendu 166 fois à Moscou. Il se souvient de ce chiffre puisqu'une des questions qui figurent dans les alinéas de la demande de visa concerne le nombre de voyages en Russie effectués auparavant. L'avocat a pu ainsi établir de bons contacts avec des amis et collègues russes.
00:18:08 – 00:19:09 (Séquence 14) : Tikhon Trojanov se souvient que la seule chose qui l'a frappé lors de son premier voyage en Russie était le fait que tout le monde parle russe, car en Suisse on entendait rarement quelqu'un parler en russe dans la rue. Tikhon Trojanov explique qu'il s'est toujours beaucoup intéressé à la Russie ce qui lui a permis de se forger à l'avance une certaine image, c'est pourquoi peu de choses l'ont étonné. Il se souvient des vitrines vides, des magasins dans lesquels on ne pouvait rien acheter, mais ces choses-là il les connaissait avant de partir. L'avocat garde un bon souvenir de son voyage à Moscou.
00:19:15 – 00:20:18 (Séquence 15) : Tikhon Trojanov se souvient que les gens en Russie étaient étonnés qu'il parle parfaitement russe, ce qui lui faisait plaisir. Les russes se montraient contents que les émigrés n'oublient pas leur langue maternelle. L'interlocutrice lui demande s'il a gardé beaucoup d'amis en Russie. L'avocat explique qu'il en a beaucoup et de très variés et que lors de ses séjours il n'a jamais assez de temps pour les voir tous.
00:20:25 – 00:23:50 (Séquence 16) : L'interlocutrice demande à Tikhon Trojanov comment il parvient à conserver sa neutralité sachant qu'il a eu affaire à des clients dont les intérêts sont parfois incompatibles: que ce soit dans la représentation des intérêts de Soljénitsyne en Suisse, de l'Ambassade suisse en Russie, de sa contribution à l'ouverture de la Banque de Russie à Genève et de la Maison de l'Emigration à Moscou. Tikhon Trojanov nuance en rappelant qu'ils ont ouvert leur étude à Moscou en 1992 et non en 1962 comme dit plus haut. Tikhon Trojanov dit qu'il ne voit pas de conflits d'intérêts entre les situations énumérées par l'interlocutrice. Il rappelle qu'en général il est du devoir des avocats d'éviter les conflits d'intérêts, ce qui pourrait conduire à oublier avec qui ils travaillent. En ce qui concerne les différents clients qu'il a représentés l'avocat évoque la Maison de l'Emigration en Russie avec laquelle il a beaucoup collaboré. A son ouverture il y a quinze ans, son étude a participé à la rédaction de sa documentation juridique. Il explique qu'il a assisté il y a peu à la présentation d'une nouvelle édition des Mémoires d'un essayiste russe émigré, Vladimir Varchavski. L'avocat explique que cette maison représente une initiative intéressante. Elle a été fondée par le maire de Moscou, Alexandre Soljénitsyne et Nikita Struve, une personnalité de l'émigration russe à Paris. Au début, il s'agissait d'une bibliothèque modeste, désormais c'est un ensemble de bâtiments dans le quartier de Taganka avec une grande bibliothèque d'ouvrages publiés en russe à l'étranger, une librairie, des archives, des expositions d'objets précieux de l'émigration russe et diverses manifestations connexes. Cette maison est progressivement devenue un centre où se rencontrent les émigrés et ceux qui s'intéressent à l'histoire de la première vague d'immigration. L'avocat explique qu'aujourd'hui à Moscou, beaucoup de gens s'intéressent à l'histoire de l'émigration, et de l'héritage qui en découle.
00:23:57 – 00:24:50 (Séquence 17) : Tikhon Trojanov explique que l'ancienne Russie représentée par cette première vague d'émigration est, malgré ses défauts, un phénomène intéressant sur le plan spirituel. Dans la Russie actuelle, qui connaît une situation difficile, il y a une certaine nostalgie pour cette ancienne Russie et ses valeurs culturelles. L'avocat raconte que les gens qu'il rencontre à Moscou lui disent souvent qu'ils ont du plaisir à parler avec lui car il parle un russe classique. Ils sont sensibles au fait que cette langue ait été conservée dans l'émigration.
00:24:57 – 00:27:05 (Séquence 18) : L'interlocutrice invite Tikhon Trojanov à dire quelques mots sur le Cercle russe de l'Université de Genève dont il est un des fondateurs. Tikhon Trojanov raconte que quand il est revenu à Genève il y a 48 ans, après une vie russe active à Munich et à New York, il a senti un manque. Il n'y avait ni conférences en russe, ni vie intellectuelle russe. Il organise alors avec des amis des conférences une à deux fois par mois sur des sujets russes, ce qui n'existait pas encore à l'Université. L'avocat se souvient que les conférenciers étaient tous des émigrés ou des professeurs occidentaux, puisque les professeurs soviétiques ne pouvaient pas y prendre part. La première conférence était consacrée à la poésie de Boulat Okoudjava. Le cercle se développe progressivement. Le cercle comptait comme participant actif, Marc Slonim, célèbre essayiste russe et critique littéraire, qui avait été le plus jeune membre de l'Assemblée constituante de 1918. Le cercle attire peu à peu les émigrés ainsi que ceux qui s'intéressent à la Russie et à la littérature russe. Par la suite le cercle a migré à l'Université où il se trouve actuellement. Il est présidé par le professeur Georges Nivat, qui a enseigné la littérature russe à Genève.
00:27:13 – 00:28:49 (Séquence 19) : L'interlocutrice demande à Tikhon Trojanov comment le public du Cercle a évolué et quels sont ses moyens de financement. Il répond qu'étant donné le fait que les membres cotisent, il est facile de financer l'activité du Cercle. Il explique ensuite que l'auditoire ainsi que les conférenciers ont changé. Ils viennent pratiquement tous de Russie. Ce sont souvent des professeurs qui viennent pour participer à une conférence ou enseigner à Genève. Au début le public était composé presque exclusivement de vieux émigrés et de quelques Suisses intéressés à la littérature russe. Maintenant c'est principalement une nouvelle vague d'étudiants russes, nombreux à Genève, qui suivent ces conférences avec intérêt. Tikhon Trojanov explique qu'aujourd'hui l'initiative pour l'organisation de conférences ne provient plus de la vieille émigration. Au départ, c'était un cercle russe d'émigrés, il s'agit maintenant plutôt d'un cercle russe littéraire contemporain qui s'adresse à la jeunesse russe actuelle. Tikhon Trojanov se réjouit que la situation ait changé, cela a permis d'amener un nouveau souffle.
00:28:58 – 00:32:33 (Séquence 20) : L'interlocturice rappelle qu'il y a deux ans Tikhon Trojanov a participé avec plus de 40 spécialistes à un projet de rédaction d'une histoire de la Russie au XXème siècle en deux volumes. Elle lui demande quelle a été sa contribution. Tikhon Trojanov montre les deux volumes. L'avocat explique que la rédaction a été dirigée par le professeur de l'Institut des Relations internationales de Moscou Andrei Zubov avec plus de quarante spécialistes venus de Russie et de l'émigration russe. Tikhon Trojanov raconte que le professeur Zubov l'a sollicité pour sa connaissance de l'émigration. Il lui a demandé de vérifier le manuscrit intégral afin qu'il lui donne son avis et effectue d'éventuelles corrections. Il se souvient d'un travail de lecture attentive et de vérification très intéressant. Il explique qu'il a aussi participé à la rédaction, mais qu'il s'est surtout occupé de vérifier certaines informations. Il explique que cet ouvrage est d'autant plus intéressant que, selon l'avis d'un spécialiste polonais, il représente une première histoire russe du XXème siècle qui soit non-soviétique. Il se souvient également qu'ils ont essayé de le rédiger façon objective, sans rien occulter des événements désagréables qui se sont produits en Russie. L'avocat raconte que l'ouvrage a été critiqué en Russie selon des critères prosoviétiques, mais qu'il y a eu aussi des critiques positives. Le tirage s'élève à 60'000 exemplaires ce qui est conséquent étant donné que l'ouvrage ne s'adresse pas à un grand public. L'ouvrage est en cours de traduction en tchèque, en polonais et dans d'autres langues. Le livre lui a permis de rencontrer des gens intéressants, mais aussi de relancer les grands débats qui traversent l'histoire russe: Que faire? Qui est coupable? L'avocat estime que le XXème siècle est un siècle gâché, que la Russie n'est pas parvenue à construire quelque chose de sérieux, ni un Etat, ni une économie viables. L'avocat espère que la Russie pourra rattraper le retard qu'elle a pris, mais rappelle que cela ne sera pas facile pour un pays qui a 100 ans de retard.
00:32:43 – 00:33:55 (Séquence 21) : L'interlocutrice demande à Tikhon Trojanov quel jugement il porte sur la situation actuelle en Russie et son évolution. Il explique qu'il n'est pas facile de répondre à cette question, et qu'en raison des difficultés de la situation les pronostics ne sont pas simples. Tikhon Trojanov a le sentiment que la Russie a de la peine à définir son identité, par conséquent il est difficile de trouver un consensus et de construire quelque chose de stable. L'avocat juge qu'il est difficile d'établir des pronostics sur le plan politique et économique. Il rappelle qu'il y a actuellement une très forte émigration russe, une fuite des capitaux et des cerveaux, ce qui ne rend pas la situation idéale.
00:34:05 – 00:36:25 (Séquence 22) : L'interlocutrice invite Tikhon Trojanov à évoquer la première vague d'émigration russe et son rôle en Europe. Tikhon Trojanov explique que cette émigration a joué un rôle important dans la vie spirituelle et culturelle de l'Occident et de Russie. Par ailleurs, elle est en train de revenir en Russie, notamment grâce à la Maison de l'Emigration russe. L'avocat explique que parmi ces émigrés il y avait beaucoup d'écrivains, de peintres et de compositeurs: Stravinsky, Rachmaninov, Nabokov, le prix Nobel Bounine, de grands théologiens connus comme Florovsky, le père Schmemann, des philosophes comme Berdiaev, des artistes comme Chagall, Kandinsky, le ballet russe à Paris, Chaliapine, etc. Il explique qu'il y avait beaucoup de noms brillants et qu'il est difficile de les énumérer tous. D'une part, ces gens ont conservé une ancienne culture russe qui est en train de revenir en Russie. D'autre part, ils ont enrichi l'Occident notamment en matière de théologie. A Paris, il existe jusqu'à aujourd'hui l'Institut de théologie St-Serge où enseignaient de brillants théologiens. C'est aujourd'hui un centre de diffusion de la culture orthodoxe dans toute l'Europe occidentale. Actuellement, l'enseignement s'y fait en français, alors qu'autrefois l'enseignement s'y faisait en russe. Aujourd'hui en Russie, on publie régulièrement des livres de ces théologiens, on s'intéresse à leur philosophie. L'avocat pense que cette vague d'émigration a beaucoup apporté.
00:36:35 – 00:37:43 (Séquence 23) : L'interlocutrice demande à Tikhon Trojanov quelles sont les rencontres qui l'ont le plus marqué. Il répond que la première personne à qui il pense est Soljénitsyne, puisqu'il était son avocat quand il vivait en Suisse, puis il l'a aidé lorsqu'il est rentré à Moscou. Il se souvient d'un homme passionnant, doté d'une volonté déterminée. L'avocat évoque aussi le père Alexandre Schmemann, théologien orthodoxe, qu'il connaissait personnellement. Ses œuvres connaissent un énorme succès en Russie. Son journal publié récemment en Russie, a eu un énorme succès dans les milieux ecclésiastiques. L'avocat raconte qu'il l'a rencontré souvent, puisqu'ils sont cousins. Tikhon Trojanov explique que lorsqu'il travaillait à New-York pour Radio Liberty, le théologien venait souvent le voir et qu'ils ont beaucoup discuté.
00:37:54 – 00:41:03 (Séquence 24) : L'interlocutrice rappelle que la religion orthodoxe a joué un rôle important dans la famille de Tikhon Trojanov, et qu'il a lui-même participé à la création d'une paroisse orthodoxe francophone à Genève. Elle demande alors à l'avocat quelles étaient ses motivations étant donné qu'il existait déjà une paroisse russe orthodoxe dans la rue Toepffer. Tikhon Trojanov précise que son père a officié comme prêtre russe à Lausanne durant plus de trente ans. Il y a fondé une paroisse russe orthodoxe et l'a longtemps dirigée. L'avocat explique qu'il y a plusieurs paroisses orthodoxes à Genève: russe, roumaine, grecque, ainsi qu'une paroisse francophone. Il explique également que près de Genève, à Chambésy, il existe un centre orthodoxe dépendant du patriarcat de Constantinople, qui abrite plusieurs églises et paroisses ainsi que l'Institut d'études supérieures en Théologie orthodoxe et des services administratifs de l'Eglise orthodoxe. L'avocat explique que c'est là qu'ils ont fondé il y a 40 ans une paroisse orthodoxe francophone. Ils sont arrivés à la conclusion qu'en général les orthodoxes ne comprennent pas les langues orthodoxes traditionnelles, telles que le grec ancien et le slavon. Les Russes pensent souvent qu'ils comprennent, alors que si on leur pose des questions précises on constate que soit ils ne comprennent pas soit ils interprètent de façon erronée. L'avocat donne alors l'exemple du mot slavon jivot qui signifie vie alors qu'en russe le sens est différent. Ils ont pensé qu'il fallait donner la possibilité aux gens de suivre la liturgie dans une langue accessible. Parmi 7 paroisses orthodoxes, une seule d'entre elles utilise le français, ils ont donc constaté que beaucoup de gens finissent par rejoindre cette paroisse. L'avocat répète qu'il existe d'autres paroisses dans lesquelles les gens préfèrent assister à des liturgies en slavon ou en grec ancien.
00:41:14 – 00:42:35 (Séquence 25) : Tikhon Trojanov explique que ses amis et sa femme ont joué un rôle important dans la création de la paroisse orthodoxe francophone. Il ajoute que sa femme a joué également un rôle décisif dans la création d'une Fondation orthodoxe de bienfaisance qui existe depuis 26 ans. La Fondation vient en aide aux orthodoxes démunis de Suisse, quelle que soit leur paroisse. Cette Fondation a versé plusieurs millions de francs. Elle est principalement financée par des soirées de bienfaisance et par d'autres collectes. La femme de Tikhon Trojanov a longtemps été vice-présidente de cette Fondation. L'avocat estime qu'il s'agit d'un travail essentiel, puisque le commandement principal du christianisme réside dans l'amour du prochain. Cette Fondation aide toutes sortes de gens qui sont dans la difficulté.
00:42:47 – 00:45:21 (Séquence 26) : L'interlocutrice explique que la religion, longtemps considérée comme l'opium du peuple en Russie, vit une renaissance. Elle revient dans la vie sociale avec l'appui de l'autorité étatique. Elle demande alors à Tikhon Trojanov son opinion à ce propos. Il explique que selon lui le balancier de l'histoire se meut de façon lente. Il estime que le problème en Russie réside dans le fait que le gouvernement décide à la place du citoyen ce en quoi il doit croire. Dans l'ancienne Russie, les fonctionnaires devaient communier et se confesser une fois par an et apporter un certificat attestant ce fait à leur service. De fait, un non-croyant devait aller une fois par an à l'église pour accomplir une communion formelle et ainsi obtenir un certificat. Le gouvernement décidait ainsi pour lui de sa foi. Par la suite, quand le balancier est parti dans l'autre sens, le gouvernement a décidé pour son peuple qu'il devait être athée et qu'un fonctionnaire ne pouvait baptiser ses enfants. La découverte d'un baptême pouvait valoir à un fonctionnaire son licenciement. Maintenant le balancier a changé de mouvement et le gouvernement a décidé que le peuple doit être orthodoxe. Il explique qu'aujourd'hui si vous voulez avoir une bonne réputation il vaut mieux être orthodoxe. L'avocat considère que le fait que le gouvernement décide à votre place ce que vous devez croire est l'un des problèmes majeurs de la Russie. Il ajoute qu'un autre aspect du problème est la grande proximité entre l'Eglise et le pouvoir politique. Selon lui, l'Eglise n'adopte pas une attitude assez indépendante par rapport à l'Etat. La symbiose qui préside au lien entre ces deux organismes n'est pas bénéfique pour l'Eglise.
00:45:33 – 00:46:54 (Séquence 27) : L'interlocutrice explique que les relations entre la Suisse et la Russie sont de plus en plus fortes. De ce fait témoigne la présence de la langue russe dans les rues de Suisse. Elle demande à Tikhon Trojanov quels sont ses contacts avec les Russes qui viennent en Suisse ainsi qu'avec la nouvelle génération de Suisses russes. L'avocat explique qu'en raison de son travail des liens se sont établis, bien qu'il ait moins à faire en ce domaine pour le moment. Il explique avoir eu beaucoup de contacts avec des Russes venus en Suisse pour y travailler ou vivre et qu'il a eu en général de bonnes relations avec eux. Il explique que la différence entre la génération actuelle et sa génération consiste dans le fait que sa génération a quitté la Russie dans l'espoir d'y retourner un jour, malgré le fait que cet espoir ne s'est parfois pas réalisé, alors que la génération actuelle vient ici dans l'espoir de rester en Occident. L'éducation de leurs enfants est influencée par cela, car ils considèrent qu'il est bien d'être Suisses et n'ont pas besoin d'être Russes.
00:47:07 – 00:48:24 (Séquence 28) : L'interlocutrice demande à Tikhon Trojanov si un jour les Russes se sentiront en Europe comme chez eux. Il explique que tout dépendra de leur attitude et de leur perception des choses. Il souligne que ce rapprochement est en train de s'effectuer puisque les Russes viennent de plus en plus en Europe occidentale. Selon lui, cela déterminera leur attitude envers l'Europe, et conduira les Russe à se sentir de plus en plus chez eux en Europe. Tikhon Trojanov espère vraiment que les Russes redeviendront des Européens russes, l'identité qu'il ressent en lui, puisqu'il se considère comme Européen russe typique.
00:48:37 – 00:48:58 (Séquence 29) : Générique de fin du Plans-Fixes consacré à Tikhon Trojanov, avocat russe à Genève, et tourné à Chêne-Bougeries, le 11 octobre 2011.
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