Michel Mayor (Astrophysicien, chasseur de planètes)

  • français
  • 2011-12-22
  • Durata: 00:51:21

Die unten dargestellten Filmaufnahmen werden Ihnen über Vimeo (https://vimeo.com/) zur Konsultation angeboten.

Descrizione

En 1971, Michel Mayor défend une thèse en astrophysique à l’Université de Genève. Il étudie la structure spirale de la Voie Lactée. Son intérêt pour les mouvements stellaires l’amène à développer un spectrographe, CORAVEL, pour mesurer la vitesse radiale des étoiles proches du Soleil. A la fin des années 80, le progrès technologique lui permet de construire, avec l’équipe de l’Observatoire de Haute-Provence, un nouveau spectrographe, ELODIE, beaucoup plus précis. C’est le début d’une extraordinaire aventure scientifique qui le conduit, avec Didier Queloz, à découvrir en 1995 la première exoplanète près de l’étoile 51 Pegasi, ce qui reste une des découvertes fondamentales en astrophysique de ces dernières décennies. L’élaboration des appareils de mesure toujours plus performants ouvre de nouveaux axes de recherche pour comprendre et expliquer l’Univers. L’idée de la pluralité des mondes, évoquée il y a plus de 2000 ans, de façon intuitive, par Epicure, devient une réalité tangible.

00:00:00 – 00:00:08 (Séquence 0) : Générique de début du Plans-Fixes consacré à Michel Mayor, astrophysicien, chasseur de planètes, et tourné à Trélex (VD), le 22 décembre 2011. L'interlocuteur est Georges Meynet.
00:00:08 – 00:01:45 (Séquence 1) : L'interlocuteur décrit Michel Mayor comme un découvreur, un explorateur d'espace à l'image de William Herschel, John Couch Adams, Urbain Le Verrier, qui ont révélé l'existence dans l'espace de nouveaux mondes. On traverse avec lui le chemin parsemé d'obstacles qui mène de l'idée à la découverte. Pour découvrir il n'y a pas de méthode, il faut la construire au fil du chemin. Le chemin n'est pas fait que de difficultés mais aussi de rencontres et d'amitiés. Ces rencontres peuvent être décisives pour mettre en commun des compétences en vue d'atteindre le but. La recherche est une aventure humaine avec ses hauts et ses bas. Avec ténacité et intelligence il conduit sa recherche jusqu'à une découverte exceptionnelle. Michel Mayor possède toutes ces qualités. En plus, il a le talent pour fédérer une équipe de chercheurs dans la bonne humeur.
00:01:45 – 00:01:52 (Séquence 2) : Générique de début du Plans-Fixes consacré à Michel Mayor, astrophysicien, chasseur de planètes, et tourné à Trélex (VD), le 22 décembre 2011. L'interlocuteur est Georges Meynet.
00:01:52 – 00:04:06 (Séquence 3) : L'interlocuteur invite Michel Mayor à s'exprimer sur ce qui lui a donné goût pour la science. Michel Mayor explique qu'il est difficile de trouver dans ses souvenirs d'enfance un moment précis. Il commence le collège scientifique à Lausanne, puis la famille se déplace à Aigle. A Aigle, toujours au collège, il a un professeur de sciences, le professeur Altherr, excellent enseignant et scientifique qui toute sa vie a poursuivi en parallèle sa recherche scientifique sur les nématodes. Il explique que c'est ce professeur qui a réussi à l'intéresser le plus à la science. Par la suite, il fait un gymnase scientifique à Lausanne, puis des études en physique théorique à l'Université de Lausanne. Il se souvient de deux professeurs qui l'ont marqué : en physique théorique le professeur Stückelberg et en mathématiques le professeur de Rham. Sa formation l'amène à la physique, puis en vertu du hasard, qui a joué un rôle important dans sa carrière, à l'astrophysique. Il termine son diplôme dans les années 60, époque où les d'offres d'emploi dans les sciences abondent. Il tombe sur une offre de l'Observatoire de Genève qui cherche un doctorant en astrophysique. Il décide d'aller voir si ça peut l'intéresser. Ainsi commence l'histoire de sa carrière.
00:04:07 – 00:04:51 (Séquence 4) : L'interlocuteur demande à Michel Mayor si sa passion pour la montagne et les hauteurs ont conditionné son choix de l'astrophysique. Celui-ci répond qu'il n'y a pas de lien entre les deux. Il est un passionné de haute montagne, de grimpe et d'alpinisme. Il explique qu'étant sans voiture à l'époque, ce sont les Alpes valaisannes qui furent le "terrain de chasse" de ses exercices montagnards.
00:04:52 – 00:06:37 (Séquence 5) : Michel Mayor raconte que, suite à son premier contact par une offre d'emploi, il se rend à l'Observatoire de Genève où on lui explique qu'il s'agit de travailler sur la cinématique stellaire qui est l'étude des mouvements des étoiles. Peu de temps après qu'il a commencé à travailler, deux physiciens sino-américains Lin et Chou développent une théorie qui permet de comprendre la structure en spirale des galaxies. Afin de donner un ordre de grandeur, il explique que la lumière prend à peu près cent mille ans pour traverser cette structure. Comprendre comment la matière a pu s'organiser de manière aussi harmonieuse sur de grandes distances était un problème non résolu jusque dans les années 60. Lin et Chou proposaient une théorie qui permettait de comprendre ce genre de forme. Michel Mayor s'intéresse aux à-côtés de cette théorie, notamment à l'étude des mouvements d'étoiles créés par ces grandes structures. Il explique que sa thèse est de nature théorique, il prédit des perturbations observables dans les mouvements des étoiles. Ensuite il a fallu collecter le matériel, c'est-à-dire les vitesses d'étoiles qui permettent de le prouver.
00:06:38 – 00:08:23 (Séquence 6) : L'interlocuteur demande à Michel Mayor comment il est passé du domaine de la dynamique des galaxies à l'étude des planètes, deux domaines plutôt différents. L'astrophysicien explique qu'avec sa thèse il a montré que de grandes structures spirales influençaient le mouvement des étoiles autour de la terre. Son idée était d'aller voir dans des catalogues où les gens avaient mesuré les vitesses des étoiles et de retrouver les traces de cette structure. Lorsqu'il ouvre un catalogue il trouve des milliers de mesures, mais pas celles qu'il lui faut. Le hasard fait que lors d'un colloque à Cambridge il rencontre Roger Griffin, un astronome anglais qui met en place une nouvelle technique de mesure des vitesses. Michel Mayor se souvient que les théoriciens participant à la conférence n'étaient pas intéressés à ces nouvelles techniques de mesure. La découverte de cet instrument de mesure a été une révélation pour lui. Cet instrument permet de concentrer toute l'information concernant la vitesse de l'étoile sur une seule mesure. En rentrant, il fait part à son directeur, le professeur Marcel Golay, de son désir de développer cette technique. Il se souvient que le professeur ne l'a pas pris au sérieux, puisqu'il est peu crédible venant de la part d'un théoricien de construire un instrument. Il lui laisse tout de même le champ libre pour développer sa technique de mesure.
00:08:25 – 00:10:59 (Séquence 7) : Michel Mayor explique que la construction des premiers spectromètres à corrélation a lieu en 1970. Ces instruments permettent de mesurer efficacement la vitesse des étoiles dans notre direction. Il raconte s'être senti perdu devant l'efficacité de cet instrument, puisque tout devenait possible. Le procédé est beaucoup plus efficace que l'ancien qui se faisait sur plaques photos. L'instrument permet de développer l'étude des étoiles doubles. Michel Mayor rappelle que si le sujet des étoiles doubles pouvait paraître daté, il n'existait alors aucune bonne statistique à ce sujet concernant leur forme d'orbite, leur proportion, la distribution des périodes et du rapport de masse. Grâce à leur nouvelle machine, construite en collaboration avec l'Observatoire de Marseille et un ingénieur opticien, André Baranne, Michel Mayor et ses collaborateurs entament sur un petit télescope à l'Observatoire de Haute-Provence l'étude des étoiles solaires afin de connaître le pourcentage d'étoiles doubles, ainsi que les compagnons les plus légers qui tournent autour. Leur regard est attiré en direction d'objets peu connus à l'époque comme les naines brunes, des étoiles avortées ou trop légères pour avoir amorcé leur réaction nucléaire, ou encore les planètes géantes gazeuses, des planètes du type de Jupiter. Michel Mayor rappelle que ces recherches étaient réalisées sous la contrainte d'une théorie qui postulait qu'on ne pouvait pas former des planète de type Jupiter sur des orbites à courte période. Cette période marque le début de son attirance pour les planètes.
00:11:02 – 00:11:50 (Séquence 8) : Michel Mayor explique que si l'instrument qu'ils ont développé est extrêmement efficace, il requiert un nombre de mesures important pour suivre la variation de la vitesse des étoiles. L'astrophysicien raconte qu'ils avaient le privilège à l'Observatoire de Haute-Provence d'avoir à leur disposition un télescope de 1 mètre, ainsi qu'un grand nombre de nuits. Il souligne qu'ils disposaient d'un instrument identique dans l'Hémisphère Sud sur une montagne au Chili dans le cadre de l'Observatoire européen de La Silla. Il a passé beaucoup de temps à observer dans ces deux lieux.
00:11:53 – 00:12:29 (Séquence 9) : Michel Mayor explique qu'il passait environ deux mois par année à observer les étoiles; ces deux mois étaient séparés en quatre périodes de 15 jours. Contrairement aux idées reçues, ces absences n'étaient pas un désagrément pour la famille, parce que la Provence est un pays merveilleux et qu'ils avaient le privilège d'avoir à leur disposition une petite maison à côté du dôme où ils observaient. Ses enfants considéraient ce lieu comme leur deuxième résidence. L'astrophysicien souligne que ses enfants ont été plongés très tôt dans l'univers de la science.
00:12:32 – 00:13:27 (Séquence 10) : L'interlocuteur demande à Michel Mayor s'il a joué le rôle d'un professeur pour ses enfants, leur donnant ainsi le goût pour la recherche. Michel Mayor explique que l'influence des parents sur leurs enfants est toujours difficile à quantifier. Elle a joué toutefois un rôle à la fois par l'observation astronomique et par les visiteurs reçus à la maison qui ont parlé de science et il s'estime aujourd'hui fier que ses trois enfants soient actifs dans la recherche. Il ajoute que cela est très intéressant pour les discussions familiales.
00:13:31 – 00:15:37 (Séquence 11) : L'interlocuteur demande à Michel Mayor comment son parcours de l'étude des galaxies à l'étude des étoiles l'a conduit à la découverte de la première planète extrasolaire. Michel Mayor explique que le spectrographe qu'il a utilisé pour ses expériences possède une précision relative aux changements de vitesse de 300m/s. Avec cette précision relativement modeste, en 1989 en collaboration avec ses collègues de Harvard, ils découvrent un premier objet qui n'a que 11 fois la masse de Jupiter. L'astrophysicien souligne qu'il n'existait alors aucun objet aussi léger en orbite autour d'une étoile de type solaire. Les scientifiques décident de l'appeler naine brune, un astre dégénéré qui tourne autour d'une étoile. La découverte, publiée dans la revue Nature, fait déjà la une médiatique. Michel Mayor explique que cette découverte a fonctionné au niveau psychologique comme un déclic, indiquant aux scientifiques qu'ils n'étaient pas loin d'avoir la précision nécessaire pour détecter des planètes. L'astrophysicien précise que l'on ne peut voir ces planètes, mais qu'on peut mesurer avec le spectrographe la vitesse de l'étoile lorsqu'elle tourne sur son centre de gravité montrant ainsi ses oscillations. La précision est toutefois difficile, puisqu'une planète est beaucoup plus légère qu'une étoile. Tout se joue sur le développement d'instruments de plus en plus précis.
00:15:42 – 00:17:55 (Séquence 12) : Michel Mayor raconte qu'à la suite de cette première victoire, la chance se présente à nouveau puisque le directeur de l'Observatoire de Haute-Provence, Philippe Véron, décide de développer un nouveau spectrographe pour le télescope de l'Observatoire – un télescope modeste d'environ deux mètres de diamètre – destiné aux périodes où la lune est dans le ciel, car il est difficile d'étudier les galaxies lorsque le ciel est trop brillant. Michel Mayor explique qu'avec l'aide de l'opticien André Baranne, ils reprennent la création d'un nouveau spectrographe. L'astrophysicien explique qu'ils bénéficient à ce moment-là, vingt ans après le développement du premier instrument, de nouveaux progrès techniques. L'astrophysicien souligne que derrière tous ces développements se trouve toujours une équipe d'environ quinze personnes qui ont travaillé plusieurs années avec des profils et des compétences très divers. L'appareil est mis en service en 1994 sur le télescope de l'Observatoire. Michel Mayor est associé dans sa recherche avec deux personnes, Antoine Duquennoy un ancien étudiant et Didier Queloz qui commence une thèse en astrophysique. Ils commencent leur recherche avec ce nouveau spectrographe appelé ELODIE.
00:18:00 – 00:19:31 (Séquence 13) : Interrogé à propos de l'ambiance qui régnait à cette époque, Michel Mayor explique que c'était un moment de grande déprime, où l'on pensait qu'il y avait extrêmement peu de planètes de type Jupiter en orbite autour des étoiles. Le scientifique explique qu'il y avait essentiellement deux études: celle de deux canadiens, précurseurs, qui avaient étudié une vingtaine d'étoiles pendant plus de dix ans avec un gros télescope et n'avaient rien trouvé et celle de deux chercheurs californiens qui arrivaient aussi aux même conclusions. En plus, des théoriciens de Washington prétendaient que s'il existe des planètes de type Jupiter, elles ne peuvent être que sur des orbites d'une période de dix ans ou plus comme sur notre système planétaire. L'astrophysicien explique que la technique des vitesses radiales, bien adaptée à la détection de planètes à courte période, n'est pas une bonne technique pour trouver des exoplanètes.
00:19:37 – 00:22:18 (Séquence 14) : Michel Mayor explique que malgré le fait que l'enthousiasme ait été refroidi par les recherches précédentes, son équipe possédait un télescope qui marchait bien et ils avaient pour objectif de s'intéresser aussi aux naines brunes. Ils démarrent leur programme en avril 1994 avec 142 étoiles de type solaire. Il souligne qu'ils sélectionnent alors soigneusement des étoiles solaires simples et non pas doubles. Ils pensent également que la formation de planètes était plus difficile quand il y avait deux étoiles. Ils ne savent rien a priori et n'ont aucun moyen de savoir quelles sont les bonnes étoiles. Ils commencent alors une mesure systématique, d'abord la mesure de la vitesse d'une étoile, environ une trentaine de mesures par nuit. L'astrophysicien explique qu'ils font autant de mesures que le temps de télescope qui leur est alloué le permet. L'accès au télescope est en effet limité. Michel Mayor raconte que les étoiles mesurées se comportaient de façon stable, toutefois à la fin de l'année une étoile montre une variation périodique de vitesse comme attendu dans le cas où un corps tourne autour. Le scientifique souligne qu'il s'agissait de la première indication de quelque chose d'important mais qu'ils ont des doutes quant à la nature de cette variation de vitesse qu'ils découvrent.
00:22:24 – 00:24:26 (Séquence 15) : Cette expérience vient contredire l'image que la communauté scientifique se fait d'une planète. Michel Mayor rappelle que jusqu'en 1940, la communauté astronomique pensait qu'il y avait très peu de planètes dans la galaxie. A partir de 1940 on pense qu'il y en a beaucoup, mais on se trompe sur leurs caractéristiques. Michel Mayor se souvient qu'ils étaient sûrs de la qualité de leurs mesures, mais qu'ils doutaient de l'explication physique du phénomène. Ils restent donc prudents. L'astrophysicien souligne que la réputation du domaine de recherche des planètes était extrêmement mauvaise. Depuis les années 40 des scientifiques avaient cherché des planètes par la technique de l'astronométrie et avaient fait de fausses annonces qui avaient eu un important retentissement. Michel Mayor explique que par prudence ils décident d'attendre la saison suivante, en juillet 1995, le moment où 51 Pégase, l'objet qu'ils recherchent, va réapparaître dans le ciel. Ils obtiennent une place à l'Observatoire. C'était un moment important de vérification, pour savoir si la variation de vitesse coïncidait avec l'éphéméride, donc la prédiction des moments de variation, établie plusieurs mois auparavant.
00:24:32 – 00:25:31 (Séquence 16) : Michel Mayor explique qu'ils n'ont qu'une semaine pour observer les oscillations. Leurs nouvelles observations sont couronnées de succès, confirmant leurs précédents calculs. Michel Mayor précise que c'est seulement à partir de ce moment-là qu'ils commencent à y croire. Ils débutent dans la précipitation l'écriture d'un papier, font des calculs pour savoir si l'étoile et la planète vont s'évaporer, si l'orbite est stable. Ils rédigent donc leur article afin de le soumettre à la revue Nature. L'astrophysicien explique qu'ils ne savent pas encore ce qu'est leur objet mais pressentent quelque chose d'important.
00:25:37 – 00:28:50 (Séquence 17) : Michel Mayor explique qu'au moment de la rédaction de l'article, ils sont sûrs qu'il s'agit d'une planète, puisqu'une étoile qui tourne 4 jours sur elle-même devrait avoir une énorme activité magnétique, or ce n'est pas le cas ici. Ils décident donc de se jeter à l'eau et d'annoncer leur découverte. L'astrophysicien se souvient qu'ils ont quelque peu perturbé les règles du jeu. Ils envoient l'article le 25 août à la revue Nature, puis en octobre, lors d'une conférence à Florence, il annonce aux 300 astronomes présents leur découverte. En septembre déjà il avait demandé à l'éditeur de Nature si les rapports du comité de lecture étaient disponibles afin qu'il puisse faire part de sa découverte, celui-ci lui avait rappelé les règles éditoriales qui interdisent d'en parler aux autres journalistes avant publication dans Nature mais l'autorise à en parler dans une conférence. L'astrophysicien raconte qu'une semaine avant la conférence à Florence a lieu une autre conférence à Catane en Sicile où un autre astronome, Steve Beckwith, le directeur du Space Telescope, parlait du problème de la recherche des planètes et avait entendu une rumeur à propos de leur découverte. Il téléphone à Michel Mayor qui confirme mais lui demande de ne pas en parler. L'astronome se souvient que son collègue s'est abstenu de mentionner cette découverte mais a tout de même enjoint les participants à venir à la conférence de Florence au cas où ils voudraient en savoir plus. Michel Mayor explique qu'il n'en fallait pas plus pour attiser la curiosité des médias, et qu'à son arrivée à Florence, la télévision et les journalistes étaient déjà dans la salle. Il explique que ça a été le début pour lui et ses collègues d'une folie médiatique.
00:28:57 – 00:30:12 (Séquence 18) : Michel Mayor n'imaginait pas que la réaction médiatique serait aussi rapide. Il souligne la difficulté de la situation puisqu'il était pris entre l'annonce de sa découverte au colloque et son interdiction d'en parler à la presse. Le scientifique explique que n'étant pas prévu au programme de la conférence les organisateurs ne lui avaient accordé que cinq minutes de présentation. Il rappelle en souriant qu'il avait prévu de ne même pas mentionner le nom de l'étoile. Mais le président de séance lui accorde finalement un temps illimité. Il se souvient d'un moment extraordinaire puisque juste après lui, les scientifiques qui avaient trouvé la première naine brune parlaient. Deux découvertes importantes étaient représentées à ce colloque. Michel Mayor précise que la conférence permettait d'avoir la première réaction des collègues. Certains ont approuvé les observations, d'autres théoriciens sont restés sceptiques sur la découverte.
00:30:19 – 00:32:14 (Séquence 19) : Michel Mayor souligne qu'avec le recul ces expériences ont permis de connaître l'existence de planètes extrasolaires, ainsi que l'existence de planètes géantes gazeuses comme Jupiter qui tournent près des étoiles. Il précise qu'il était étonnant de constater que les réponses existaient déjà dans la littérature scientifique mais que personne ne l'avait remarqué. Il explique qu'à ce moment-là, les théoriciens qui connaissaient cet article scientifique ont réagi en montrant que la jeune planète qui tourne très vite autour des jeunes étoiles verra son orbite perturbée et va se rapprocher en spirale de l'étoile. Ce mécanisme de la migration orbitale avait été complètement omis de toutes les études théoriques pour comprendre la formation des planètes. Au point de vue de la formation des systèmes planétaires c'est la leçon de 51 Pégase. Aujourd'hui on comprend que la migration orbitale existe mais qu'il y a d'autres phénomènes dynamiques bien plus complexes. L'étude de la formation des systèmes planétaires est d'une complexité insoupçonnée jusqu'alors.
00:32:21 – 00:36:08 (Séquence 20) : L'interlocuteur demande à Michel Mayor comment il a poursuivi sa recherche après la découverte de la planète 51 Pégase b. Michel Mayor raconte qu'au printemps 1996 leurs concurrents californiens annoncent la découverte de plusieurs autres planètes extrasolaires. Cet objet exceptionnel devient un parmi d'autres. Les découvertes américaines confirment que les planètes sont nombreuses et possèdent des particularités étranges. Michel Mayor explique qu'ils poursuivent leur recherche de planètes dans l'Hémisphère Nord et entament la construction d'une copie du spectrographe ELODIE qui s'appelle CORALIE branché sur un petit télescope de 1m20 à l'Observatoire européen de La Silla au Chili. Là ils commencent à découvrir de nombreuses planètes extrasolaires. Michel Mayor explique qu'en parallèle est entamée la construction d'une troisième génération d'instruments, le spectrographe HARPS qui permet de passer d'une précision de 300m/s pour le tout premier à 0.5m/s. Il s'agit d'un gain très important en 30 ans. Grâce à cette précision, il devient possible de trouver des planètes très petites. Michel Mayor explique que le HARPS est un énorme spectrographe situé sous le télescope dans une chambre à la température contrôlée au millième de degré pendant la nuit. Il ajoute qu'il faut rendre crédit à tous les collègues qui ont contribué à la construction de cet appareil, en particulier à Francesco Pepe, aujourd'hui professeur à l'Observatoire de Genève. Le scientifique précise que la précision atteinte de 0.5m/s correspond à la vitesse d'un piéton marchant lentement. Il faudrait des instruments encore plus précis pour détecter des planètes de la masse de la terre. L'astrophysicien explique que la compétition pour l'utilisation des grands télescopes est dure, mais qu'ils ont pu avoir accès à cent nuits par année pendant cinq ans, ce qui leur a permis de belles découvertes dans le domaine des exoplanètes.
00:36:16 – 00:37:47 (Séquence 21) : Michel Mayor explique que l'apport majeur de HARPS est la découverte d'une population nombreuse de petites planètes qu'on appelle des super-terres. Il définit la super-terre comme une planète ayant une masse qui fait entre un et dix fois la terre. Il précise qu'il n'y en a aucune dans le système solaire. Leur programme actuel de recherche au Chili a permis de découvrir qu'au moins la moitié des planètes analogues à notre soleil sont entourées d'essaims de petites planètes dans la même gamme de masse. Cette recherche apporte la preuve que l'on peut faire mieux, puisque lui et son équipe n'avaient jamais ambitionné une telle précision en se lançant dans cette quête des exoplanètes.
00:37:55 – 00:40:41 (Séquence 22) : Michel Mayor explique que la découverte de ces planètes à très courte période a immédiatement suscité un autre type de méthode : le transit planétaire. La méthode consiste à observer des milliers d'étoiles avec des instruments adéquats et d'espérer voir parfois une baisse périodique de la luminosité de l'étoile quand celle-ci est cachée par la planète. Ce type de mesures permet d'obtenir la dimension de la planète. Sans voir les planètes, mais en combinant deux types de mesures on accède à une densité moyenne qui varie selon le type de planète. Michel Mayor explique que l'on commence à pouvoir faire de la planétologie comparée en étudiant cette densité. Mais cette technique permet de faire des mesures depuis l'espace, des satellites ont d'ailleurs été lancés pour mesurer le transit planétaire. Ils ont été capables de mesurer les variations de température de l'atmosphère planétaire quand elle tourne autour de l'étoile. L'astrophysicien rappelle avec étonnement qu'ils n'ont toujours pas vu ces planètes mais sont capables de donner de nombreux renseignements à leur propos. Cette technique se montre à tel point efficace qu'ils décident de dessiner une copie de leur spectrographe pour le mettre dans le ciel nord puisque le satellite américain Kepler ne mesure que des étoiles du ciel nord. Cet instrument sera installé prochainement dans un observatoire des Iles Canaries.
00:40:49 – 00:42:50 (Séquence 23) : L'interlocuteur demande à Michel Mayor s'il pense arriver bientôt à offrir des images de ces planètes voire de les cartographier. Michel Mayor explique qu'il existe actuellement une dizaine d'images planétaires, mais qui sont encore très loin des planètes que la communauté des scientifiques souhaiterait mesurer. Il précise que des efforts énormes sont faits pour essayer d'imager les planètes. Il s'agit d'une tâche difficile puisqu'une planète n'émet pas de lumière mais ne fait que réfléchir la lumière reçue de l'étoile. L'astrophysicien donne l'exemple de notre système solaire, où une grande planète comme Jupiter ne réfléchit qu'un milliardième de la lumière du soleil. Michel Mayor explique que la difficulté réside dans le fait de parvenir à trouver une ruse optique pour cacher la luminosité de l'étoile et voir la planète qui se trouve à côté. Le scientifique prédit que cela permettra de nouvelles découvertes. Michel Mayor explique que l'on peut rêver à une cartographie de la surface des planètes, et que l'étude de la composition chimique des planètes est un domaine prometteur.
00:42:58 – 00:45:28 (Séquence 24) : L'interlocuteur demande à Michel Mayor s'il considère que la possibilité de la vie sur une autre planète est pour lui une hypothèse plausible. Michel Mayor explique que l'énorme effort mis dans l'étude des exoplanètes est avant tout motivé par le but de comprendre la formation des systèmes planétaires, donc du nôtre. Il ajoute qu'un autre but plus ambitieux serait de comprendre la place de la vie dans l'univers et donc de chercher s'il existe d'autres traces de vie. De ceci découle qu'il faut chercher des planètes où la chimie compliquée de la vie a une chance de se développer. Le scientifique explique que trouver la signature de la vie sur une planète est une tâche complexe qui exige de trouver à distance des indicateurs chimiques signalant une trace de vie. Le scientifique précise que l'influence de la vie est importante, elle peut faire ou modifier beaucoup de choses et de fortes raisons conduisent à penser que l'énorme teneur en oxygène sur notre planète est induite par la chimie de la vie.
00:45:37 – 00:46:38 (Séquence 25) : Michel Mayor précise deux choses par rapport à la question de la découverte de la vie sur une autre planète: d'une part il n'est pas question d'aller sur ces planètes, elles sont beaucoup trop loin, d'autre part il faut rester prudent quand on parle de vie, on pense à des bactéries et non pas à des êtres complexes. Michel Mayor ajoute que des instruments sont conçus actuellement pour pouvoir faire l'imagerie de ces planètes. Aujourd'hui, on sait comment y arriver, et c'est la réponse à une antique interrogation humaine qui prend forme. Le chercheur explique qu'il n'est par contre pas du tout optimiste sur le calendrier.
00:46:47 – 00:49:06 (Séquence 26) : L'interlocuteur cite une phrase d'Albert le Grand, philosophe du 12ème siècle à propos de la pluralité des mondes. L'astrophysicien explique qu'il est toujours ému de constater qu'au 4ème siècle avant J-C les philosophes grecs discutaient de la question de la pluralité des mondes habités dans l'univers. Michel Mayor cite Epicure dans une de ses lettres à Hérodote qui discute ce sujet. Il explique que dans les 2000 ans qui ont suivi, cette question est toujours restée présente, il cite entre autre Nicolas de Cues et Giordano Bruno. La question de la présence de la vie sur d'autres planètes, sera une discipline au carrefour de différentes sciences. Il souligne que cette science n'en est qu'à ses balbutiements. Il explique que le seul privilège qu'il détient a été d'arriver à un moment où la technologie a permis de mesurer et de détecter ces planètes. Ils ont réussi à transformer un vieux rêve de l'humanité en un chapitre de l'astrophysique de l'époque.
00:49:16 – 00:50:38 (Séquence 27) : L'interlocuteur demande à Michel Mayor quel impact cette découverte des exoplanètes a eu sur sa vie. Michel Mayor explique qu'elle a eu un impact énorme sur sa vie scientifique. S'ils étaient deux ou trois à s'intéresser à ce sujet à Genève à l'époque, ils sont aujourd'hui entre 15 et 20 personnes. Quant à sa vie familiale, elle a subi des changements, puisque l'intérêt du domaine génère de fortes pressions, elle l'a notamment contraint d'annuler des vacances familiales en automne suite à sa découverte afin qu'ils puissent finir leurs travaux en vue de la publication dans Nature. Il se souvient que son épouse lui a dit à l'époque "Une planète d'accord, mais pas deux". Il explique avec humour qu'ils en sont aujourd'hui à plus de deux cents, ce qui démontre l'énorme patience des femmes d'astronome.
00:50:48 – 00:51:11 (Séquence 28) : Générique de fin du Plans-Fixes consacré à Michel Mayor, astrophysicien, chasseur de planètes, et tourné à Trélex (VD), le 22 décembre 2011.
Lien aux découpage sur la base de données original
Questo documento è stato salvaguardato con il sostegno di Memoriav.
304 Documenti in collezione
Commenti